Le rapport à l’école

Le rapport à l’école des immigrés joue-t-il en leur défaveur ?

Elie prend à contrepied le débat public dans lequel on entend souvent que l’échec scolaire des immigrés est en parti dû au manque d’intérêt de leurs parents et de leur entourage en ce qui concerne leurs parcours scolaires en affirmant qu’il s’agit souvent plus de réputation que de faits [7]. On peut donc se demander quel est le réel rapport à l’école des familles d’immigrés et si les résultats s’améliorent nécessairement avec un plus grand investissement.

On peut déjà s’intéresser à la manière de mesurer le rapport des immigrés à l’école. Il ne faut pas se limiter uniquement à la famille de l’élève puisque son entourage joue aussi énormément. Les différents domaines qui permettent de mesurer ce rapport sont l’entraide éducative, l’aspiration scolaire des parents, l’implication directe des parents – que ce soit à la maison ou au lycée et la connaissance de l’école [13]. Les résultats de l’étude de M. Ichou vont à l’encontre de l’idée reçue. On peut tout d’abord noter que l’entraide éducative est cinq fois plus importante chez les immigrés turcs, qui constituent une catégorie d’analyse, que chez les natifs. Cela se voit également chez les autres catégories d’immigrés, à des niveaux différents. L’aspiration scolaire est également plus forte chez les immigrés, et ce même lorsque la mère n’est pas diplômée par exemple, comme le montre le graphique ci-après.

Figure 5 : Aspiration scolaire selon le niveau d'études des parents [13 ]

Les parents d’immigrés sont néanmoins moins présents au lycée, notamment dans les associations de parents d’élèves. Cela s’explique par la barrière de la langue. Un chercheur de l’INED nous a affirmé que les parents avaient confiance en l’école mais qu’ils se sentaient souvent incompétents et illégitimes pour s’impliquer très directement. Ils ne veulent pas faire honte aux enfants devant les professeurs ou l’administration. Ils sont donc souvent peu informés de ce que font leurs enfants et ne peuvent pas forcément les aider dans leurs choix, chose concrète qui peut parfois s’avérer plus cruciale que l’aide au devoir et l’aspiration.

Il faut également comprendre que ce désistement n’est pas toujours intentionnel. Les parents n’ont pas toujours le choix et leurs conditions de travail peuvent les empêcher de s’investir autant qu’ils le voudraient. On peut penser par exemple à une mère seule qui travaille le matin et en fin de journée en tant que technicienne de surface et qui ne peut donc ni amener ses enfants à l’école ni les surveiller dans leurs devoirs.

On peut nuancer cette analyse selon le sexe de l’enfant. Les filles s’intègrent globalement mieux que les garçons au système scolaire. Cela s’explique par le fait qu’elles sont plus contrôlées. Les mères mobilisent souvent beaucoup pour les trajectoires d’émancipation de leurs filles, ce à cause de leurs conditions dans leur pays d’origine [17]. Les parents peuvent moins être impliqué pour leurs garçons.

Il est important de se questionner sur l’efficacité de l’implication des parents ou de l’entourage. L’aspiration parentale n’est pas toujours en phase avec le niveau réel de l’enfant. Il est facile de s’imaginer que les parents souhaitent à leurs enfants de faire les longues études qu’ils n’ont pas pu faire sans en mesurer la réalité et la faisabilité. Parfois les parents projettent leurs désirs bien que leurs enfants n’aient pas vraiment de projets.

"Ah moi, vétérinaire, je serais ravi. C’est comme ma fille, avocate. J’aurais aimé faire avocat. Alors, si elle y arrive, ce sera une façon de projeter mes désirs. Mon fils, s’il arrive vétérinaire, ce sera dur mais pourquoi pas. Je serais content."
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Homme, 48 ans, responsable d’atelier, CAP, origine Algérie, Épinay-sur-Seine
Citation relevée par Ichou au cours d'un entretien pour une de ses études [13 ]

En ce qui concerne l’entraide, elle n’est pas toujours efficace, surtout si la garde est faite de manière peu propice au travail. Il s’agit souvent de soulager les parents qui ne peuvent pas s’occuper de leurs enfants comme dans l’exemple d’une mère seule proposé précédemment que d’une réelle volonté d’émulation par le regroupement.

Il est donc difficile de dire que les parents sont totalement absents de la scolarité de leurs enfants. Leur rapport à l’école est plus mal perçu. Cependant on ne peut pas non plus affirmer que ce rapport soit parfait ou encore toujours efficace. L’ambition ne se traduit pas forcément de façon positive. Il faut également tenir compte du fait que les études sont réalisées sur un nombre d’individus qui peut diminuer la puissance statistique. Elles reflètent les dynamiques locales de l’endroit où elles sont réalisées, Seine Saint Denis souvent, et par forcément l’ensemble du territoire.

Dans la question de l’école, il est important de prendre en compte l’écart de culture qui peut exister. Même si l’enfant est soutenu par sa famille est désireux d’apprendre, un clivage peut demeurer.