L’équilibre familial menacé ?

©Sarah Kleinmann

« L’anonymat permet à chaque personne qui a recours à ces techniques de trouver sa place : l’enfant – qui a deux parents et pas trois –, les parents et les donneurs »

— Christophe Masle, président de l’Association des enfants du don.

Selon une étude menée par les CECOS, 90% des parents ayant recours à un don sont pour le maintien de l’anonymat [1]. Comment expliquer un avis si catégorique ?

De nombreux témoignages de parents ou d’enfants semblent évoquer la menace potentielle que le donneur pourrait exercer sur l’équilibre de leur famille. La peur que le parent génétique supplante totalement pour l’enfant celui qui l’a élevé semble assez illusoire, mais les familles craignent toutefois que la présence de cette « troisième personne » puisse fragiliser leurs liens.

Nombreux sont les témoignages, de parents comme d’enfants, allant dans ce sens : «Je pense qu’il est très difficile pour un père d’accepter sa stérilité. Ma famille a néanmoins réussi à s’épanouir parce que mon père a été rassuré de savoir qu’il serait mon père à part entière sans risque qu’un jour une tierce personne s’immisce dans notre vie. » [2]

Il n’est pas ici question que le donneur s’affirme comme « vrai » parent de l’enfant, ce dernier n’ayant aucune filiation juridique avec lui, mais les personnes concernées redoutent surtout que cela créé de la confusion, que cela nuise à la stabilité de la famille.

« Pour mon père, ça a été très dur d’assumer sa stérilité, alors je n’imagine pas comment il aurait pu vivre dans l’ombre d’un donneur. »

[3]

Des psychologues soulignent également une position difficile pour les parents, qui peuvent avoir l’impression de manquer de légitimité, ou qui ont peur que leurs enfants ne les reconnaissent pas comme ce qu’ils sont.

« [Si mes enfants] me parlaient de la donneuse comme de leur « vraie maman », ça me tuerait. »

[3]

Dans ces cas, l’anonymat du donneur et sa réduction au simple acte du don, bien que très généreux, permettrait de diminuer son impact au sein de la famille.

Néanmoins ces ressentis sont très subjectifs et dépendent fortement des individus, il convient de rappeler que dans une grande majorité des cas, les familles construites autour d’un don n’ont aucun de ces problèmes et arrivent très bien à s’accepter et s’épanouir dans leur spécificité.

[1] Merviel, P., Cabry, R., Lourdel, E., Brzakowski, M., Maerten, I., Berthe, E., Hermant, A. (2011). Faut-il vraiment lever l’anonymat des dons de gamètes en France ? Gynécologie Obstétrique & Fertilité, 39(2), 67‑69.
[2] Intervention de l’A.D.E.D.D. à la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. | Association des enfants du don. (s. d.). Consulté en avril 2019, à l’adresse https://www.adedd.fr/2011/01/intervention-de-la-d-e-d-d-a-la-commission-speciale-chargee-d%e2%80%99examiner-le-projet-de-loi-relatif-a-la-bioethique/
[3] «L’histoire de l’infertilité de mes parents, c’est aussi la mienne». (2012, juin 14). Consulté en mai 2019 , à l’adresse Libération.fr : https://www.liberation.fr/societe/2012/06/14/l-histoire-de-l-infertilite-de-mes-parents-c-est-aussi-la-mienne_826056