Pérennité du don mise en péril

©Sarah Kleinmann

L’un des principaux arguments contre la levée de l’anonymat, en dehors des arguments éthiques, est l’affirmation que cela engendrerait une diminution du nombre de donneurs, ceux-ci ne voulant pas être retrouvés par les enfants nés de leur don.

Deux points de vue

D’un côté, des sondages montrent qu’une grande majorité de donneurs souhaitent garder l’anonymat, et même que 60% des donneurs refuseraient de donner leur sperme si l’anonymat était levé [1]. D’un autre côté, le membre de PMAnonyme que nous avons rencontré énonce que beaucoup de donneurs au sein de son association veulent être retrouvés. Les avis divergent donc fortement suivant les sondages. La loi française précise cependant bien qu’il ne peut y avoir aucun lien juridique entre le donneur et l’enfant né de son don – en d’autres termes, l’enfant et la famille bénéficiant de l’IAD ne peuvent rien réclamer financièrement ou moralement au donneur.

Crainte d’une baisse de dons

Le nombre de donneurs est déjà très faible face au nombre de demandes. Les demandes pour une IAD peuvent aller de plusieurs mois à plusieurs années suivant les cas. Face à l’éventuel élargissement de la PMA aux couples lesbiens, les spécialistes craignent une pénurie de don et argumentent qu’une levée de l’anonymat aurait un effet dissuasif sur les candidats au don.

Il semblerait toutefois que la levée de l’anonymat permette d’attirer un autre profil de donneurs : plus responsables, ou du moins voulant se sentir plus impliqués. En Suisse ou au Royaume-Uni par exemple, le nombre de donneurs a augmenté après la levée de l’anonymat. [2]

Une solution pour attirer des donneurs seraient d’indemniser le don, comme dans de nombreux pays voisins.

Les données non personnalisantes

Mais « le droit à l’information n’est pas un droit à la rencontre » [2], les enfants nés du don réclament la possibilité de pouvoir avoir des informations sur leur donneur. Par ailleurs, plus de 70% des candidats au don sont favorables à la transmission de données non personnalisantes [3], et les couples receveurs souhaitent se voir transmettre les données médicales pour leur enfant – données qui ne sont pour le moment connues que du médecin ayant prélevé le sperme du donneur.

Récemment, une tribune demandant la levée de l’anonymat a été signée par une centaine de personnes [2]. De plus, le Conseil de l’Europe et le Comité consultatif national d’éthique se prononcent aussi en faveur de la levée de l’anonymat [4]. De manière générale, de plus en plus de français se prononce en faveur d’une extension de la PMA [5], sans réellement parler d’une levée de l’anonymat, mais on peut y voir un changement des mentalités. Peut-être est-ce annonciateur d’un changement dans la loi française…

[1] J.-M. Kunstmann, P. Jouannet, J.-C. Juillard, J.-L. Bresson, la Fédération française des Cecos (février 2010). En France, la majorité des donneurs de spermatozoïdes souhaite le maintien de leur anonymat
[2] L’association PMAnonyme, Irène Théry, Serge Hefez Pierre Rosanvallon (juin 2019). L’accès aux origines doit être garanti à tous les enfants conçus par don. Le Monde, tribune.
[3] Gaël Lombart (juin2019). Don de sperme : pourquoi l’anonymat des donneurs refait débat. Le Parisien.
[4] CCNE Avis n° 90 – Accès aux origines, anonymat et secret de la filiation
[5] Loup Besmond de Senneville. (janvier 2018). PMA, GPA, fin de vie… la vague de fond libérale, La Croix.