Des diagnostics alternatifs en débat

Dans le cas d’un enfant présenté à l’hôpital avec des vomissements sans fièvre, une pâleur, des douleurs, des troubles respiratoires ou des ecchymoses, la HAS recommande [1] de systématiquement envisager un trouble crânien non accidentel (TNCA) par secouement.

Cependant, la HAS cite dans ses recommandations quelques maladies rares susceptibles de faire apparaître la fameuse triade de symptômes. Les associations de défense des familles cherchent aussi d’autres causes à la triade : ces deux acteurs se contredisent fortement sur ce point.

La HAS recommande de systématiquement envisager un TNCA par secouement
Selon la HAS, des maladies congénitales peuvent entraîner dans de rares cas des signes de maltraitance, que ce soit des hématomes sous-duraux (HSD) (troubles de l’hémostase) ou des fractures costales (ostéogénèse imparfaite, aussi appelée « la maladie des os de verre »). Cependant, ces diagnostics différentiels ne peuvent être posés avec certitude qu’avec des examens médicaux complémentaires approfondis. Peu de causes accidentelles sont susceptibles de générer des HSD ou des hémorragies rétiniennes (HR) chez un enfant. Seules des décélérations violentes (type accident de la route) peuvent entraîner des HSD. Ainsi, pour la HAS, l’occurrence de la triade n’est possible qu’en cas de secouement accidentelle ou volontaire. En plus des maladies reconnues par la HAS, les associations de défense des familles comme Adikia affirment que des maladies infectieuses – comme la méningite, l’otite, le paludisme – peuvent entraîner les symptômes de la triade [2].
Les associations de défense et la HAS se contredisent fortement sur la plausibilité des diagnostics différentiels

Les associations de défense et la HAS se contredisent fortement sur la plausibilité des autres causes citées par les parents pour expliquer l’état de leur enfant. Ainsi, la HAS affirme qu’une chute de moins d’1m50 ne peut entraîner de HSD et de HR ou des conséquences graves sur l’enfant. Adikia affirme au contraire qu’une chute, même de très faible hauteur, peut tuer un enfant.

Les experts étrangers qui soutiennent les associations contre la HAS affirment que différentes pathologies peuvent entraîner la triade de symptômes. Ils affirment que la position de la HAS doit être modérée et qu’en aucun cas on ne peut relier de manière aussi évidente ces symptômes à un secouement violent. En effet, un gonflement de la cavité cérébrale pour une quelconque raison peut causer des hémorragies rétiniennes, des hématomes sous-duraux et une encéphalopathie. Pour certains experts, les hématomes sous-duraux peuvent apparaître de façon spontanée, sans traumatisme préalable. Cette hypothèse est soutenue par le professeur Vinchon, qui a publié une étude de 16 cas en 2010 [3] où les saignements sont vraisemblablement apparus suite à un trouble de résorption du liquide céphalorachidien. Cette hypothèse de saignements spontanés est aussi soutenue par le Dr Bernard Echenne qui affirme avoir eu l’occasion de faire de telles observations lors de sa pratique [4]. Les processus de réanimation sont cités par les associations comme facteurs pouvant causer des symptômes de la triade, ce que la HAS dément fermement. L’accouchement peut occasionnellement causer des HSD et des HR, surtout dans le cas d’utilisation de forceps ou de ventouses, qui se résorbent cependant en moins d’un mois. Dans ce cas, l’enfant est généralement asymptomatique et ses lésions sont suivies, ce qui invalide cet argument pour justifier l’état grave dans lequel peut se trouver un enfant qui a été secoué selon la HAS.

Références

[1] Haute Autorité de Santé, & Somfer. (2017). Recommendations de bonne pratique Syndrome du bébé secoué ou traumatisme crânien non accidentel par secouement – Texte des recommandations. has-sante.fr

[2] Association Adikia. Diagnostics différentiels. Consulté 7 juin 2019, à l’adresse Association Adikia website: https://adikia.fr/comprendre/causes/

[3]Vinchon, M., Delestret, I., Defoort-Dhellemmes, S., Desurmont, M., & Noulé, N. (2010). Subdural hematoma in infants: Can it occur spontaneously? Data from a prospective series and critical review of the literature. Child’s Nervous System.

[4] Durox, S. (2019, février 26). Syndrome du bébé secoué : Le diagnostic est-il fiable ? leparisien.fr