Ville de Schengen – www.lematin.ch

La controverse à propos des roms ne peut être appréhendée sans parler des mobilités de ces populations. Deux problèmes majeurs se posent : en premier lieu leur déplacement d’un pays à l’autre, qui conduit à un refus et la critique de l’immigration par une part de la population. Ce problème est d’ordre européen et ne peut se traiter au sein de chaque pays. Il nécessite une législation plus large, commune, européenne.  

Un problème à l’échelle nationale se pose aussi, celui des camps de roms, squats et bidonvilles dans lesquels vivent une partie de cette population : les conditions déplorables conduisent à de vives critiques de la part du voisinage, et souvent à un démantèlement forcé, demandé par l’État. Les associations qui défendent le droit des roms dénoncent le manque de mesures pour prendre en charge ces populations une fois expulsées.  

Que dit la législation européenne à propos des mobilités ?

La législation, nationale ou européenne à propos de la mobilité a beaucoup évolué au cours des soixante dernières années. Un bref historique est donc nécessaire.

En 1957, le traité de Rome est ratifié par six pays : l’Allemagne de l’Ouest, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays Bas. Il institue un marché commun européen. Il prévoyait déjà que « la libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté ».  

Macintosh HD:Users:charlottedesanges:Desktop:http---criminocorpus.revues.org-docannexe-image-2716-img-4.jpg
Carnet anthropométrique www.histoire-migration.fr

Une loi de 1969 en France oblige les ressortissants des pays membres de l’Union Européenne n’ayant pas de domicile fixe depuis plus de 6 mois, ou qui logent « de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile » à avoir un carnet anthropométrique, et un titre de circulation.

De plus cette loi est anticonstitutionnelle puisqu’elle stipule que pour pouvoir s’inscrire sur une liste électorale, il faut pour les personnes porteuses du carnet, résider dans une commune plus de 3 ans tandis que la constitution donne ce droit à toute personne ayant vécu plus de 6 mois dans une commune.

En 1985, les pays membres décident d’étendre la libre circulation aux ressortissants des pays tiers, créant  un territoire sans frontière. C’est la création de l’espace Schengen, du nom de la ville où est signé le traité.

Le 1 janvier 2007, la Roumanie et la Bulgarie, (pays d’origine de la majorité des roms qui arrivent en France), entrent dans l’Union Européenne. À cause des mesures  transitoires appliquées à la Roumanie et à la Bulgarie, les ressortissants de ces deux pays voient leur accès au marché du travail restreint dans beaucoup de pays de l’UE. Ils se voient appliquer la même réglementation que les étrangers ressortissants de pays extérieurs à l’UE.

En 2015 l’espace regroupe 26 pays membres de l’UE, mais certains pays, comme la Roumanie et la Bulgarie n’en font pas partie.

En 2017, une loi abroge la loi de 69, relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.

Quelles sont les différences des droits des ressortissants de l’Union européenne et ceux de l’espace Schengen ?

Macintosh HD:Users:charlottedesanges:Desktop:carte-espace-schengen-4a590305f3.png
Espace Schengen

L’espace Schengen ne correspond pas parfaitement à l’Union européenne. La Roumanie et la Bulgarie notamment, n’appartiennent pas à l’espace Schengen mais sont membres de l’Union Européenne. Dans l’espace Schengen, les contrôles d’identité systématiques aux frontières intérieures sont abolis, parallèlement à la mise en œuvre d’une protection renforcée aux frontières extérieures de cette zone.

Plusieurs directives du 28 Juin 1990 assurent aux ressortissants européens la liberté de circulation et de séjour, garantie par l’article 45 de la Charte européenne des droits fondamentaux.

Au sein de l’espace Schengen les voyageurs peuvent traverser des frontières sans contrôle d’identité systématique.

Pourquoi les roms sont-ils particulièrement concernés par cette législation ?

Le terme rom, nous l’avons vu, désigne un ensemble de communautés différentes. Si une partie de celles ci sont parfaitement intégrées, d’autres, comme les gens du voyage ou une partie des immigrés roumains ou bulgares, occupent des squats ou des bidonvilles.

Aujourd’hui, cela concerne près de 16 000 personnes, regroupées dans 570 bidonvilles.

Bien souvent insalubres, ou dans des conditions déplorables, les bidonvilles suscitent la critique et sont régulièrement fermés ou démantelés par ordre de l’État. Les populations chassées, parfois de force, doivent trouver un nouveau lieu de vie, et les enfants doivent trouver un nouvel établissement scolaire.

Quel soutien trouvent ils dans la population ?

De nombreuses associations et collectifs ont pour but d’accompagner au mieux  les déplacements de ces populations. Parmi elles ont peut citer Alfa3a, RomYvelines ou encore CNDH-RomEurope. Ils ont pour but d’aider, et de prendre partiellement en charge les populations roms expulsées de leur campement. Cela se traduit par une aide pour trouver logement, pour scolariser les enfants dans une nouvelle école, favoriser leur intégration. Mais aussi par des protestations à travers des manifestations, des blogs, des conférences, des campagnes de sensibilisation. Ils critiquent notamment le fait que peu de dispositifs ne soient mis en place pour la prise en charge des familles à l’issue du départ du camp.

France 24: les roms sont victimes d’un mécanisme de déshumanisation

Ils dénoncent aussi les abus commis par l’État et les collectivités territoriales : comme en 2018, où l’État et la ville de Lille on été condamnés par la tribunal de grande Instance pour avoir procédé à l’évacuation d’un campement sans décision judiciaire.

Des personnalités influentes prennent parfois position sur la question et critiquent les décisions politiques nationales. Le Pape Benoit XVI en 2010 avait vivement critiqué l’État français pour le démantèlement de camps roms, et appelé à « la fraternité universelle ». Neuf ans après, le Pape François demande pardon aux roms pour le traitement qui leur est réservé.

Je demande pardon, au nom de l’église, au Seigneur et à vous pour les fois où, au cours de l’histoire, nous vous avons discriminé, maltraité, ou regardé de travers.

le Pape françois, Juin 2019

Un problème politique pluri-scalaire

Les bidonvilles et les squats suscitent de vives critiques au sein de la population, qui dénonce un état sanitaire déplorable, et une augmentation de la criminalité dans le voisinage. En réponse à cela, le gouvernement français ordonne régulièrement la fermeture des camps. L’état et les collectivités affirment proposer dans la plupart des cas une prise en charge des familles, par la mise à disposition d’un hôtel pendant quelques jours avant de trouver des logements HLM.

De plus les autorités françaises sont en droit de renvoyer les personnes n’étant pas en situation régulière. La question de l’immigration des roms est centrale dans les discours politiques, et a conduit à de nombreuses polémiques, notamment celle de Nicolas Sarkozy en 2010 ou encore Manuel Valls, en 2013.

Les roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie

Manuel valls, 2013

L’Union Européenne et l’espace Schengen, malgré des différences de frontières, visent à protéger leurs ressortissants et à leur assurer une libre circulation et un droit de travail dans les autres pays membres. Le comité européen a à plusieurs reprises condamné l’État français pour le non respect des lois suite au démantèlement illégal de camps.

À plus large échelle encore, les Nations Unies ont un droit de regard sur les décisions et les actions de la France. Par exemple en Mars 2014 le Comité des droits de l’homme des Nations unies condamne la France pour violation du paragraphe 1 de l’article du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) du 16 décembre 1966.