Neurosciences et Éducation
Une science dure pour l'Éducation?

Expériences sur les enfants : que peut on les faire subir ?


 Dans le cadre de recherches menées dans des laboratoires ou dans des salles de classes, les enfants sont souvent au coeur de diverses manipulations et expérimentations. On peut citer dans un premier temps la cas de Steve Masson, directeur du Laboratoire de recherche en neuroéducation à l’Université de Montréal, qui, dans le cadre de son projet de recherche doctoral, intitulé Mécanismes cérébraux sous-tendant les processus de changements conceptuels en physique, utilise les équipements d'imagerie par résonance magnétique (IRM) de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Il a recruté une trentaine d'étudiants en physique qui ont accepté d'être placés dans la machine, le temps de répondre à quelques questions, pour mettre en lumière les rouages de leur «cerveau scientifique». Son objectif : identifier quelles régions cérébrales sont sollicitées et lesquelles sont mises en veilleuse lorsque vient le temps de résoudre certains types de problèmes (Université du Québec à Montréal, 2009). Cette expérimentation soulève de nombreuses questions, nottament morales, dans la communauté scientifique : comment préparer psychologiquement et physiquement les enfants à l’immobilité, au stress lié à l’environnement confiné, aux bruits, à l’inconfort de l’antenne et à la longueur de la session? À partir de quel âge et jusqu’à quel âge est-il nécessaire et acceptable de préparer les enfants et les adolescents? Quel type de préparation est-il le plus bénéfique? (Lanöe et al., 2012). Pour y répondre, l’équipe de Céline Lanoë a réalisé une méta-analyse de 155 études réalisées de 1995 à 2011 incluant 4210 enfants sains de 4 à 17 an (Colloque : Méthodologie de recherche en neuroéducation et retombées éducatives, 2012).

Un enfant passe une IRM. Source : flickr.com

 Dans les salles de classes, les expériences menées concernent principalement de nouvelles méthodes d’éducation sur des périodes plus ou moins longues. Le cas de Céline Alvarez apparaît alors clairement : pendant trois ans à partir de 2011, cette linguiste de formation, auteure et conférencière, a mené une expérience dans une classe de maternelle de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), avant de démissionner de l'éducation nationale au motif qu'elle n'était plus assez soutenue. Sa pédagogie s'appuie principalement sur les neurosciences, retenues comme justification de sa démarche. Elle a donc justifié ainsi sa démarche expériementale menée sur des classes de maternalle. Elle martèle une interprétation simplifiée des neurosciences et qualifiée par certains de quasi mystique en avançant que «l'enfant naît câblé pour apprendre et pour aimer» . Cette expérience a été mené dans un cadre exceptionnel, puisque l’effectif de ses classes était en moyenne d’une quinzaine d’élèves lorsque la moyenne nationale est autour de vingt-cinq. Ces expériences sont donc sans lien avec la réalité du monde enseignant actuel, et «Beaucoup de choses présentées comme nouvelles par Céline Alvarez ne le sont pas » aux yeux de nombreux chercheurs comme Roland Goigoux, qui s’exprimait dans Le Monde en 2016. Cela valait-il donc le coup d'expérimenter sur ces enfants ? Pour ses détracteurs, la question reste entière.

 Prenons enfin le cas des serious games, méthode d'application des neurosciences se voulant plus douce et plus intuitive. Ces jeux sont conçus pour être à la fois agréable à jouer, mais également des outils pédagogiques. Pour autant, certaines personnes, enseignants, chercheurs comme parents d'élèves, généralement assez hostile à la présence croissante des nouvelles technologies dans les salles de classes, voient les serious games d'un mauvais oeil. Pazrmi les derniers jeux employés dans les salles de classe, on compte celui baptisé Elan, qui est le fruit d’un partenariat entre l’équipe de Stanislas Dehaene, titulaire de la chaire de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France, et Manzalab, société parisienne éditrice de serious games. L’idée est que l’enfant reçoit deux informations en simultané : un son élémentaire – le phonème – et la séquence de caractères qui lui est associée – le graphème. À force de répétition, cette combinaison lui permet d’associer les syllabes puis les mots qu’il entend tous les jours à des caractères écrits. Les tests du jeu Elan ont déjà commencé, dans l’académie de Poitiers, auprès d’environ 1 000 élèves de CP. Un tiers des élèves jouent à Elan, un tiers à L’attrape-nombres, logiciel d’entraînement aux mathématiques mis au point en 2011 par Stanislas Dehaene, et les classes du dernier tiers serviront de groupe témoin en ne jouant à aucun des deux logiciels. (Cariou, 2016). Les résultats de cette phase d’expérimentation sont attendus dans les mois à venir.


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