Neurosciences et Éducation
Une science dure pour l'Éducation?

Application des théories à la salle de classe


 Comme un fossé entre deux mondes, le laboratoire de recherche en neurosciences et la salle de classe sont deux endroits totalement opposés qu’il semble parfois bien difficile de rapprocher. Ainsi, Marie Gaussel et Catherine Reverdy, membres de l’Institut Français de l’Education, remarquèrent qu’il n’existe pas ou peu de méthodes neuroscientifiques applicables dans les salles de classe. Il semble en effet impossible qu’une méthode neuroscientifique soit valable partout, quelle que soit les salles de classe et leur enseignant (Santerre-Baillargeon, 2014) : “Ainsi, on apprend en laboratoire que la répétition est excellente pour la mémoire. Sauf que, en classe, un prof qui répète constamment la même information obtient l'effet inverse: il démotive ses élèves qui se désintéressent de ses propos“.

À gauche, une IRM obtenue en laboratoire. À droite, une salle de classe. Source : flickr.com

 Les neurosciences établissent des résultats en laboratoire, souvent fondées sur l'imagerie cérébrale, et montrent par exemple que tous les enfants apprennent à lire avec le même réseau d'aires cérébrales, qui met en liaison l'analyse visuelle de la chaîne de lettres avec le code phonologique (Dehaene, 2013). Selon ce psychologue cognitif, 20% des élèves n’apprennent pas à lire, et face à ces résultats il préconise l’individualisation de l’apprentissage, la méthode globale laissant toujours ce même pourcentage d’élève en marge de l’enseignement dans les salles de classe. D’autres styles d’apprentissage, comme l’engagement actif des élèves et l’éducation bienveillante ont été mis en avant par plusieurs recherches neuroscientifiques (Alvarez, 2014). Seulement, ces conseils sont souvent difficiles à appliquer, pour plusieurs raisons. D’abord, certains professeurs s'expriment et disent rester sceptiques par rapport à ces nouveaux enseignements, et préfèrer les bonnes vieilles méthodes générales basées sur le dualisme maître/connaisseur contre élève/profane. Ce sont les cours magistraux, l’apprentissage par coeur, la discipline stricte.

 Ensuite, les effectifs par classe ne se prêtent pas à ce type d’enseignement. Les expériences menées par Céline Alvarez entre 2011 et 2014 se réalisaient dans des classes de maternelle d’une quinzaine d’élèves, là ou la moyenne nationale est de vingt-cinq par classe. Les expérimentations de Dehaene avec ses serious games (l’attrape-nombre pour les mathématiques et Elan pour la lecture) joués par les élèves d’une même classe simultanément nécessitent au préalable des nouvelles formations aux professeurs pour pouvoir gérer ces différentes technologies.

 Enfin, les recherches menées par différentes branches des neurosciences se contredisent entre elles sur les préconisations données en salle de classe. Prenons le cas de l’éducation nationale algérienne, où un groupe de spécialistes en neurosciences a récemment recommandé de ne pas apprendre plusieurs langues en même temps dès le plus jeune âge (ici l’arabe dialectal, littéral et le français), sachant qu’une seule de celles-ci est langue maternelle (Tessa, 2015). Ceci va à l’encontre d’autres recherches scientifiques prônant l’apprentissage de plusieurs langues pour développer la plasticité cérébrale de l’enfant. Dans une étude canadienne (Journal of Experimental Child Psychology, 2016), l’équipe de Diane Poulin-Dubois du département de psychologie de l’université Concordia a évalué des enfants bilingues et monolingues de 2 ans. Les élèves devaient par exemple placer des petits blocs dans un petit panier et de gros blocs dans un gros panier. Puis on inversait les consignes. Les enfants bilingues ont obtenu de meilleurs résultats. Cette flexibilité cognitive leur permettrait de passer vite d’une tâche à l’autre et s’expliquerait par l’habitude d’alterner les langues. (Hendricks, 2017)


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