Fiabilité des statistiques

Fiabilité des études mesurant

l’efficacité des mesures d’apprentissage

Lors de nos entretiens avec un conseiller pour Education et territoire et une psychologue du CMP il est ressorti que les informations diffusées massivement dans les médias concernant le numérique et plus généralement l’éducation, étaient souvent incomplètes voire inexactes. Le conseiller se plaignait notamment de l’effervescence sur les réseaux sociaux des messages portant des informations telles que « Les élèves retiennent 10% de ce qu’ils lisent, 20% de ce qu’ils entendent etc.. ». Ces messages attirant la curiosité des lecteurs ne se basent selon lui sur aucune étude scientifique réelle. Ces « légendes urbaines », pour reprendre l’expression de Normand Baillargeon dans son livre Petit cours d’autodéfense intellectuelle, sont nuisibles à l’avancée des méthodes d’enseignement car elles donnent une vision erronée de leur efficacité.
Concernant le numérique, la dernière étude mesurant l’accès des élèves à la technologie et les effets de son emploi sur l’éducation est une enquête PISA dont les résultats sont publiés dans le rapport de l’OCDE de 2015 Connectés pour apprendre ? Les élèves et les nouvelles technologies. Disponible ici : https://www.oecd.org/fr/edu/scolaire/Connectes-pour-apprendre-les-eleves-et-les-nouvelles-technologies-principaux-resultats.pdf
Ce rapport, consignant entre autre les résultats obtenus par deux groupes d’élèves dont l’un suit une pédagogie traditionnelle et l’autre une pédagogie dite active à l’aide de différents outils numériques, conclut qu’il n’y a pas de différence significative entre ces deux manières d’enseigner. Néanmoins, dans son article Peut-on mesurer les effets du numériques sur l’éducation ? publié pour le Digital Society Forum, Julia Gualtieri explique que ce résultat n’est pas une défaite pour les pro-numérique car selon elle « l’avantage supposé des nouvelles technologies est ailleurs. Plus que des connaissances, les outils numériques permettraient de développer des « compétences de haut niveau » et notamment des compétences dites « LLL » (Life Long Learning). ». Cependant, nous n’avons pour l’instant aucun moyen de mesurer ces compétences aux temps longs. En effet, l’emploi du numérique dans l’apprentissage étant assez récent, nous n’avons pour l’instant pas d’études mesurant les effets à long termes de ces nouvelles formes d’apprentissage.
Madame Gualtieri explique également dans son article que les enseignants n’exploitent pas tout le potentiel des outils numériques. Effectivement, l’apprentissage à l’aide de logiciels pourrait donner un accès quasiment immédiat aux résultats des élèves et ainsi mesurer l’influence des diverses méthodes d’enseignement ou de gestes simples tels que des encouragements. Par exemple, si en consultant l’historique des résultats de ses élèves au cours de la séance l’enseignant s’aperçoit qu’un conseil qu’il a prodigué a entraîné une amélioration des résultats sur la suite de la séance, il pourra se souvenir pour ses prochains cours que ce conseil a un bon effet sur les élèves. Il est en théorie plus simple de suivre la progression des élèves lorsqu’ils travaillent sur des logiciels connectés et cela pourrait permettre aux enseignants d’adapter leurs cours à leur public pour avoir de meilleurs résultats. Cette capacité d’adaptabilité de l’enseignement aux élèves permise par des logiciels d’apprentissage a aussi été exposée par Son Thierry Li, docteur en économie de l’éducation, lors de sa présentation aux journées de l’innovation en mars dernier. Il expliquait que le logiciel pourrait, en analysant en temps réel les résultats des élèves, adapter son niveau de difficulté afin de pouvoir en permanence stimuler l’attention et éviter les décrochages ou l’ennui.
Ainsi, les bienfaits pédagogiques du numérique sont encore hypothétiques, se basant sur des analyses comme celles de monsieur Li qui reposent sur des logiciels qui n’ont pas encore été testés voire créés. Il n’y a donc pas d’études démontrant les bienfaits de ces méthodes et ceux qui les défendent s’appuient sur des arguments logiques pour convaincre leurs auditeurs, comme monsieur Li qui présente un système pédagogique adapté en difficulté au niveau de l’élève.