Acteurs de la controverse : les médecins


Présentation des médecins et organisations de médecins traitants du problème des jeux vidéo :

La relation des joueurs aux jeux vidéo a été suffisamment perçue comme pathologique par leur entourage pour que plusieurs médecins psychiatres mènent des travaux de recherche et d’expertise sur la question.

Le nombre d’études recensées à l’heure actuelle sur la question est impressionnant : le premier pays producteur de tels études sont les Etats-Unis d’Amérique. Il est fait presque systématiquement mention d’une telle étude dans le moindre article traitant du sujet des dangers des jeux vidéo.

La plupart de ces études est réalisée par des psychologues cliniciens comportementalistes, et sont disponibles en ligne. Il est d’ailleurs navrant de constater qu’à cause de cette médiatisation excessive, la question des problèmes liés aux jeux vidéo semble être devenue une question de santé publique. On trouve également sur le Web les écrits de psychologues et psychiatres d’orientation analytique.

Caractéristiques du discours des médecins :

Le discours des médecins est bien entendu un discours renseigné, s’appuyant sur des faits. Il est important de discerner le discours des médecins, et l’utilisation qui en est faite par les autres acteurs : la plupart du temps, les travaux des psychiatres sont cités de façon très lapidaire et imprécise, notamment par les associations familiales, qui n’en citent que les résultats qui alimentent leur propos, pris totalement hors contexte, et la plupart du temps déformés.

On note tout de suite que les médecins ont un argumentaire logique : ceux qui refusent d’incriminer les jeux vidéo lorsque on les accuse de rendre les enfants violents se refusent également à les accuser de rendre les enfants dépendants, et présentent en général avec ferveur les caractéristiques pédagogiques des jeux. En revanche, les médecins convaincus des effets néfastes des jeux vidéo défendent sans faillir l’argumentaire inverse.

Il convient de faire remarquer tout de suite qu’il n’existe pas à l’heure actuelle d’étude universellement reconnue mettant définitivement en lumière un lien entre pratique de jeux vidéo violents et comportement violent induit.

Position des médecins face à la question : « jeux vidéo et violence »

Les études divergent toutes dans leurs conclusions, mais tous les spécialistes s’accordent en revanche à dire que la pratique des jeux vidéo est une activité particulièrement stimulante, qui excite l’individu.

Il existe deux modèles théoriques qui expliquent l’impact d’un contenu médiatique à caractère violent et agressif : la théorie de la stimulation et la théorie de l’apprentissage social. La première théorie postule que lorsque les enfants sont stimulés par un contenu agressif, ils risquent de manifester plus de comportements agressifs dans la vie quotidienne. La théorie de l’apprentissage social, quant à elle, suggère que les jeux vidéo offrent un renforcement positif à l’émission d’un comportement antisocial, et qu’en retour l’individu va attendre la même récompense dans sa vie quotidienne pour un comportement antisocial.

Telles sont les grandes théories des médecins psychiatres dont les travaux semblent démontrer un encouragement aux comportements violents lors d’une pratique intensive des jeux vidéo. Selon cette école de pensée, la violence véhiculée par les jeux est plus nocive encore que celle véhiculée par le cinéma ou la bande dessinée, puisque l’identification avec le héros y est plus importante, et que le jeu vidéo présente un risque de dépendance du joueur (cf. plus loin), ce qui n’est à priori pas le cas pour la bande dessinée et le cinéma. En règle générale, les médecins alarmistes en terme de violence transmise à l’enfant par les jeux vidéo sont également alarmistes en matière de dépendance induite chez l’enfant par ces mêmes jeux.

Il existe cependant d’autres points de vue émanant également du corps des médecins, nettement moins alarmistes en matière de violence : d’après Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, le véritable danger des jeux vidéo est la possible confusion entre le réel et le virtuel ; or, toujours selon lui, ce sont les parents qui sont plus victimes de cette confusion que leurs enfants : en effet, de nombreux parents s’offusquent et s’inquiètent de voir leurs enfants massacrer avec plaisir des créatures virtuelles sur les écrans, alors que c’est précisément l’aptitude de leurs enfants à différencier créature virtuelle et créature réelle qui donne toute sa légalité et sa bénignité à cet acte, qui n’est autre qu’un simple acte de défoulement. Selon ce courant de pensée, il ne serait pas plus alarmant de voir un enfant massacrer à l’écran des créatures virtuelles, que de le voir écraser des bonshommes de pâte à modeler avec lesquels il aurait joué auparavant. Il incombe alors aux parents de s’immiscer dans le jeu de l’enfant et de lui inculquer les limites de la réalité et de la virtualité.

Position des médecins face à la question : « jeux vidéo et dépendance » :

Là encore, les avis sont partagés, et ce sur plusieurs points :

Tout d’abord, au niveau de la notion d’addiction même. D’un point de vue purement quantitatif, la pratique d’une activité ne peut engendrer d’addiction clinique que si celle-ci entraîne la sécrétion de certaines substances par le cerveau, et ce sont alors justement ces substances qui sont à l’origine du phénomène de manque en cas d’arrêt de l’activité.

Il existe déjà sur ce point certaines divergences, puisque certains praticiens prétendent avoir mis en évidence chez les enfants pratiquant abondamment les jeux vidéo l’hypersécrétion de diverses substances stimulatrices, telles la dopamine, ou encore l’adrénaline. La dopamine est le neurotransmetteur dont la non élimination par le cerveau est responsable du phénomène de manque chez les alcooliques ( !) ; l’adrénaline, quant à elle, est un stimulant cardiaque bien connu, sécrété par les glandes surrénales lors de situations stressantes pour l’individu.

D’autres praticiens, en revanche, prétendent au contraire que la sécrétion de ces substances n’est absolument pas symptomatique de l’établissement d’une addiction chez l’enfant.

Au niveau de la position exacte des jeux vidéo dans le phénomène de dépendance et de désocialisation, là encore, les avis sont partagés.

Une première catégorie de professionnels de la santé mentale estime que les jeux vidéo ne sont que les révélateurs d’une inaptitude initiale à la communication : ce n’est d’après eux que parce que l’enfant présente déjà un trouble comportemental qu’il va trouver excessivement refuge dans les jeux. C’est ainsi par manque d’estime de soi, par peur d’affronter les difficultés réelles du monde extérieur, ou encore par peur de la communication avec les autres que l’enfant se réfugie dans son monde virtuel où il peut là en revanche triompher de ses difficultés. Ces psychiatres vont même jusqu’à affirmer que si le jeu vidéo n’existait pas, le phénomène de repliement sur soi de ces enfants se réaliserait avec l’aide d’autre chose, comme par exemple un enfermement dans la lecture, ou encore la pratique d’un sport totalement solitaire. Les jeux vidéo ne présentent donc selon eux pas plus de danger supplémentaire en matière d’addiction que toute autre pratique isolant l’enfant du reste de sa communauté, telles la lecture ou la pratique de sports solitaires. On ne pourrait donc pas parler de danger d’addiction par la pratique des jeux vidéo.

D’autres médecins pensent en revanche que l’isolement de l’enfant par la pratique des jeux vidéo a des effets nettement plus graves et permanents que son isolement par d’autres pratiques, telle la lecture ou le sport. Des médecins tels que Jeanne Funk, docteur en psychologie clinique, affirment que les bénéfices que peut tirer l’enfant à court terme de la pratique des jeux vidéo (comme par exemple la hausse de confiance en soi), s’estompent finalement sur le long terme pour carrément passer dans le négatif, avec une baisse de confiance en soi, et une diminution des capacités de communication, d’autant plus grave que les enfants sujets à l’addiction par les jeux vidéo présentaient déjà quelques troubles dans ce domaine. Au final, la pratique compulsive des jeux vidéo va donc à l’encontre de l’épanouissement de l’enfant.

Position des médecins face à la question : « jeux vidéo et développement infantile » :

Une fois encore, deux courants de pensée s’affrontent :

Les défenseurs des jeux vidéo soulignent avec ferveur la manière dont la pratique de tels jeux pousse l’enfant à développer plusieurs capacités cognitives. Les principales aptitudes que les enfants perfectionnent sont :

Un autre argument des psychiatres et psychologues défenseurs des jeux est que la pratique des jeux peut en réalité mener à une socialisation accrue : en effet, peinant à un endroit du jeu, le joueur est amené à se documenter, à demander de l’aide à d’autres joueurs, et donc à solliciter tout un réseau de contacts pour résoudre son problème.

Les détracteurs des jeux vidéo affirment en revanche que le lien de dépendance que l’enfant tisse malgré lui avec son jeu le mène à se replier totalement sur lui-même, et à passer par là même à côté d’expériences communautaires propres aux jeunes de son âge : la pratique du jeu ampute alors le joueur de son potentiel de communication avec les autres, ce qui agit au final à rebours de son propre épanouissement social.

>> Voir les autres acteurs