Les avocats


 

Chez les professionnels chargés de soigner les délinquants sexuels, le projet de loi le plus récent semble bien accueilli. « Un suivi strict n'est pas contradictoire avec une approche thérapeutique », assure Claude Balier. En revanche, certains magistrats se montrent sceptiques. Le 8 Juin 2007, le syndicat de la magistrature avait fait appel à la mobilisation contre le projet de loi contre les "peines-planchers" et les mineurs récidivistes.

Ce projet de loi s'inscrit dans la continuité des promesse électorales du M. Sarkozy, et taxe de laxisme les juges. Selon le syndicat, "Peu importe la réelle gravité des faits commis comme la personnalité de l’auteur, le texte foule au pied le principe d’individualisation de la peine qu’il relègue au rang de simple exception. La justice pénale devient alors une machine à punir indifférente aux réalités des personnes qu’elle est amenée à juger. Animé d’une volonté de produire des effets dissuasifs par un affichage de fermeté, ce texte, pour ne pas encourir de censure par le Conseil constitutionnel, a dû concéder à l’État de droit le maintien d’un pouvoir d’appréciation pour le juge. Ainsi, les juridictions pourront déroger au prononcé de la peine plancher mais dans des cas limités encore réduits à la seconde récidive où les juges devront alors reconnaître au délinquant des garanties exceptionnelles de réinsertion. Nous dénonçons l’esprit particulièrement régressif de ce texte qui fait de la peine d’emprisonnement le centre de la réponse pénale."

S'appuyant sur le faible taux de récidive constaté en matière de viol et d'agressions sexuelles sur adultes (2 %), la présidente du Syndicat de la magistrature, Evelyne Sire-Marin, s'interroge : « On dispose déjà de nombreux fichiers ainsi que du casier judiciaire. En quoi la création de ce dispositif empêchera-t-elle les multirécidivistes d'agir ? » Pour Evelyne Sire-Marin, « avant de créer de nouveaux outils, mieux vaudrait améliorer l'emploi de ceux qui existent déjà ». Rappelons qu'à l'époque où M. Sarkozy était encore chargé du ministère de l'intérieur, Mme Sire-Marin avait déclaré: « Le discours du Ministre de l’Intérieur appelle à punir toujours plus durement, au nom des victimes, en utilisant comme aux Etats Unis, le populisme pénal à des fins de récupération politique de l’émotion médiatique. Il détourne la douleur des victimes, et fait croire que la sanction pénale peut réparer leur souffrance ; il délégitime l’application des règles de droit par des juges professionnels en remplaçant le droit par le populisme compassionnel, dont l’essence est d’opposer la victime aux institutions. » Magistrats et partis politiques s'affrontent ici sur le terrain de la reponsabilisation des politiques en terme de récidive.

Pour Emmanuel Riglaire, l'avocat d'Enis, le petit garçon victime de Francis Evrard, la castration physique - interdite en France – du criminel ne règlerait pas le problème chez un homme «dont le corps ne réagit ni à l'excitation ni à la prise de médicament», une allusion à l'impuissance sexuelle de l'accusé.
«Son plaisir n'est pas physique mais intellectuel. Il a simplement voulu envoyer un signal à dix jours de son procès», a déclaré l'avocat.

Par ailleurs, le constat que dresse Martine Lebrun, présidente de l’Association nationale des juges d’application des peines, est le suivant: Le suivi des délinquants sexuels pâtit justement de ce manque de moyens et du recours abusif aux injonctions de soins. Elle donne en exemple , le rapport d'information « Juger et Soigner », rédigé par la commission des lois de l'Assemblée nationale et rendu public en juillet 2009, souligne qu'il manque environ 800 psychiatres pour assurer le suivi des délinquants sexuels à leur sortie de prison. De plus, l’injonction de soins mobilise deux médecins : un médecin traitant et un médecin "coordinateur" qui sert d'intermédiaire entre le médecin traitant et le juge d'application des peines. Selon elle, « les médecins coordinateurs sont la pièce maîtresse de ce dispositif, et pourtant, dix-sept départements n'en ont pas ! ». Rendre un traitement obligatoire, a fortiori un traitement hormonal visant à diminuer la libido des personnes, lui paraît impossible. Un juge n'ordonne pas un traitement, il ne peut qu'ordonner une consultation médicale. Enfin, non seulement la récidive sexuelle ne concerne qu’une faible partie mais en plus l’efficacité de médicaments visant à inhiber les pulsions sexuelles (castration chimique) est contestée. A l'heure actuelle (ndlr. l’interview paraît dans Le Monde le 26 octobre 2009), les dernières études montrent que seules 10 à 15 % des personnes traitées seraient réceptives. A mon sens, la castration chimique ne peut absolument pas être considérée comme un moyen de compenser le manque de personnels dédiés au suivi des délinquants sexuels.

Ainsi, les avocats critiquent les projets de loi pour les raisons suivantes: Elle ne fera qu'aggraver le phénomène de surpopulation carcérale, elle ne tient pas compte de la personnalité du délinquant, ce que certaines hommes politiques de gauche ont reproché au gouvernement Fillon. Par ailleurs, elle exclut l'excuse de minorité, ce qui peut provoquer une tendance à la délinquance plus élevée. Enfin, les magistrats ont l'impression que les projets de loi se multiplient, alors que le problème est plutôt situé dans la manière qu'a le pouvoir exécutif de la faire appliquer.