Fiche: Débat autour de l’acteur Etat

 

Les permis de recherches octroyés le 1er mars 2010 par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’écologie et du développement durable, ont suscité la mobilisation des populations : les habitants des régions concernées, directement impactés par une éventuelle exploitation des gaz de schiste dans leur voisinage, ont ainsi reproché à l’état l’absence de débat public et d’étude d’impact préalables à la délivrance de ces autorisations. Le rôle de l’état, notamment vis-à-vis du cadre règlementaire applicable en ce qui concerne les  gaz non-conventionnels, est très contesté.

1. Le cadre réglementaire

L’exploration et l’éventuelle exploitation des gaz de schiste, qui font l’objet de ces permis de recherche, sont soumises à la réglementation établie par le code minier.

Les permis de recherche accordés par le gouvernement constituent des titres miniers d’exploration : suite à une demande de permis de recherche, ces autorisations sont délivrées par arrêté ministériel, par le Ministre en charge des mines, après avis du préfet et du conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies. La procédure relative à l’octroi de permis de recherche n’inclut pas d’enquête publique, mais seulement une publication au Journal Officiel. L’obtention d’un titre minier d’exploration n’est pas suffisante pour entamer les travaux d’exploration : elle doit être complétée par le dépôt d’un dossier auprès de la préfecture, contenant notamment une étude d’impact approfondie. En l’absence de prescriptions de la préfecture durant les deux mois suivant la réception du dossier, le détenteur du permis de ut entamer ses travaux d’exploration.

Les titres miniers d’exploration sont à distinguer des titres miniers d’exploitation. Le titre d’exploitation, également appelé concession, est délivré par décret du premier ministre. L’obtention d’un tel titre prend en compte les résultats de la période d’exploration, ainsi que la maîtrise des impacts environnementaux. L’obtention d’un tel titre fait l’objet d’un débat public, puis d’une instruction locale après consultation des maires des communes concernées. Suivant l’avis du conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies, mais aussi du conseil d’état, le premier ministre peut alors décider d’accorder ou non la concession. A ce jour, aucun permis d’exploitation de gaz non-conventionnels n’a été accordé en France.

2. Evolution de la réglementation

Le débat sur l’exploitation des gaz de schiste et des huiles de schiste en France, qui s’est tenu à l’Assemblée le 29 mars 2011 a été l’occasion pour un certain nombre d’élus de faire part des inquiétudes de la population, mais aussi de dénoncer le manque de transparence dans l’octroi de ces permis, délivrés en catimini.  Selon le président de la commission du développement durable Serge Grouard, « notre code minier doit être sérieusement revu et corrigé ».

Lors de ce même débat, le député PS Maxime Bono remarquait que « la puissance des différents lobbies et l’importance des enjeux nourrissent forcément le sentiment de dissimulation », avant de mettre en avant la hâte dans laquelle s’est effectuée la réforme du code minier, menée dans le cadre de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, par l’ ordonnance n°2011-91 du 20 janvier 2011. Il souligne notamment le peu de précautions prises relativement à l’obtention de permis de recherche pour les gaz et huiles de schistes, comparativement par exemple à celles très strictes applicables à la géothermie.

Afin de faire face à ces accusations et d’assurer une meilleure transparence, un projet de loi a été présenté à l’assemblée le 11 avril. Ce projet de loi contient la ratification de l’ordonnance du 20 janvier 2011, mais inclut également « une procédure de consultation du public sur les demandes de permis de recherche, les demandes de prolongations de permis de recherche ainsi que sur les demandes de prolongation de concession »

3. Politique énergétique et environnementale en France

a)     Mission d’étude et moratoire

Dans une recherche d’objectivité, et afin de répondre au nombreuses interrogations soulevée par la recherche de gaz non-conventionnels sur le territoire français, Eric Besson, Ministre de l’Industrie, de l’Energie, et de l’Economie Numérique, et Nathalie Kosciusko-Morizet, Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement, on déclaré, le 4 février 2011, le lancement d’une mission d’inspection, réalisée par le CGIET (Conseil Général de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies) et le CGEDD (Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable). Cette mission d’étude, dont un rapport d’étape a été rendu public le 15 avril, et dont le rapport final paraîtra le 30 mai 2011, a pour objectif d’évaluer les enjeux géopolitiques, économiques, sociétaux et environnementaux d’une éventuelle exploitation des gaz de schiste.

Suite à sa rencontre le 10 février 2011 avec les exploitants ayant obtenus des permis de recherche, Nathalie Kosciusko-Morizet a annoncé la suspension des travaux jusqu’à la parution des résultats de cette mission d’étude. Ce moratoire sur les travaux d’exploration avait fait l’objet de très nombreuses revendications depuis l’annonce de l’obtention des permis de recherche, revendications qui s’appuyait notamment sur le principe de précaution.

b)     Principe de précaution

C’est sur ce principe, établi dans la Charte de l’environnement adoptée le 28 février 2005, que s’appuie la motion parlementaire cosignée par quatre-vingt parlementaires de tous bords, et qui demande l’arrêt de toutes les initiatives relatives aux gaz de schiste, et l’abrogation des permis délivrés. Face à de telles revendications, le Premier Ministre François Fillon a déclaré, le 1 3 avril 2011, la prolongation du moratoire sur les travaux d’exploration jusqu’en juin 2011. Il a cependant annoncé, au nom de ce même principe de précaution, ne pas fermer la porte à une éventuelle exploitation des gaz de schiste, impliquant des techniques d’extraction plus propres. La rapport d’étape de la mission d’étude du CGIET et du CGEDD rappelle en effet que « loin d’être un principe d’inaction systématique, le principe de précaution encadre les mesures prises en imposant, d’une part, qu’elles soient provisoires et proportionnées au regard des dommages envisagés, et d’autre part, qu’elles s’accompagnent d’expertises destinées à mieux connaître les risques et ainsi à adapter les mesures prises.”

c)      Engagements en matière de politique environnementale

De nombreux élus considèrent de plus que les permis de recherches accordés, et l’éventuelle exploitation des gaz de schistes sont en totale contradiction avec les engagements pris par le gouvernement lors du Grenelle 2 de l’environnement. Lors du débat du 29 mars 2011, le député UMP Christian Jacob a ainsi souligné que la France s’était engagée à « protéger les sources d’eau potable et les écosystèmes sensibles et réduire les émissions de gaz à effet de serre ». Face à ces accusations, Nathalie Kosciusko-Morizet  a insisté sur le fait que les permis d’exploitation ne seraient accordés en France que si les exploitants parvenaient à prouver qu’ils pourraient extraire proprement le gaz de schiste. Elle a également rappelé que l’exploitation des gaz non-conventionnels était actuellement envisagée dans le but de se substituer aux actuelles importations de gaz naturel, afin de viser l’indépendance énergétique de la France.

 

Pour en savoir plus :

Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet à l’Assemblée lors du débat du 29 mars 2011

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