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Avec quoi remplacer le nucléaire et à quel prix ?

Un scénario réaliste pour les écologistes

 

Pour l’association Global Chance une sortie du nucléaire est tout à fait envisageable d’ici 20 ans. Dans une note intitulée « Sortir du nucléaire en 20 ans », Benjamin Dessus effectue une comparaison entre les coûts d’un maintien du nucléaire (avec les coûts de remplacement des centrales que cela engendre) et ceux d’une sortie. Le raisonnement de l’auteur est le suivant :

 

  • Le faible coût du nucléaire n’incite pas à maîtriser la consommation.
  • Une sortie du nucléaire obligerait à mettre en œuvre un plan d’économies d’énergie et la consommation pourrait passer de 516 TWh par an aujourd’hui à 338 TWh par an en 2031.

 

  • La sortie du nucléaire coûterait en investissement 10 à 15% plus cher qu’un maintien, mais compte tenu des économies d’énergie associées, la facture d’électricité par ménage serait diminuée.

 

 

Source de l'imagehttp://www.curiosphere.tv/elections/index.cfm?onglet_id=24&rub_id=196

 

Quelles formes d’énergie Benjamin Dessus nous propose-t-il de substituer au nucléaire ? 

 

« Les projections actuelles permettent de concevoir en 2031 une production annuelle de 110 à 150 TWh d’éolien (dont 30 à 70 TWh offshore), 40 TWh d’électricité biomasse, comme c’est déjà le cas en Allemagne en 2010, 50 TWh à 80 TWh de photovoltaïque, auxquels s’ajoutent les 70 TWh d’hydraulique. Au total donc un minimum de 270 TWh de renouvelables, avec la possibilité d’atteindre une production de plus de 370 TWh […]. Nous avons plus que les ressources nécessaires pour produire suffisamment d’électricité pour nos besoins ».

 

Une folie hors de prix pour les pro-nucléaire

 

Alors que les anti-nucléaires se focalisent sur le coût du service énergétique, EDF et les pro-nucléaires en restent au coût de production de l’énergie.

Dans le document « Le Nucléaire, les questions réponses qui vous éclairent », EDF fournit quelques chiffres sur les coûts de production des différentes énergies :

  • Les coûts de production de l’énergie éolienne ou biomasse sont 3 à 4 fois supérieurs à ceux du nucléaire.
  • Les coûts de production de l’énergie photovoltaïque : 8 à 9 fois supérieurs
  • La part du coût du combustible dans le prix du kWh est de 5% dans le cas du nucléaire. Le combustible est le seul élément dans le domaine du nucléaire qui assure une dépendance de la France vis-à-vis de l’extérieur. Par conséquent même si le prix de l’uranium augmente, le prix du kWh n’en sera que légèrement modifié.
  • Le prix de stockage des déchets nucléaires est inclus dans le prix de vente du kWh afin ne pas faire assumer ce coût aux générations futures. Un fond est constitué qui permettra de payer le stockage des déchets. Il était en décembre 2010 de 6,5 milliards d’euros.
  • Le coût de déconstruction d’une centrale est prévu dès sa construction et est compris dans le prix du kWh. Ainsi un fond est constitué permettant de payer ces déconstructions, celui-ci s’élève aujourd’hui à 11 milliards d’euros.

 

Pour EDF, il est évident que sans une baisse drastique de notre consommation en électricité, une sortie du nucléaire augmentera significativement le prix de la facture en électricité des ménages.

 

            D’autres conséquences seraient à redouter pour Henri Proglio, PDG d’EDF :

  • Augmentation de 50% des émissions de gaz à effet de serre
  • Investissement de 400 milliards d’euros pour remplacer les centrales
  • 400.000 emplois du nucléaire menacés
  • Délocalisation d’industries gourmandes en énergie (comme l’aluminium), ce qui mettrait en péril 500.000 emplois et coûterait de 0.5 à 1 point au PIB français.

 

Source de l'imagehttp://www.lexpress.fr/actualites/1/economie/edf-veut-augmenter-de-50-ses-capacites-de-production-electrique-d-ici-2020_996070.html

 

Une évaluation grevée par les incertitudes

 

Cependant pour certains journalistes, chiffrer le coût d’une sortie du nucléaire n’est pas si simple. Marie-Béatrice Baudet fait part de son scepticisme sur le sujet dans un article d’un hors série du Monde paru le 24 novembre.

 

Elle essaie d’abord de chiffrer les coûts de sortie du nucléaire :

  • Le cas allemand fournit une base pour l’estimation : pour 17 réacteurs, les coûts fermeture et de mise en place d’une production d’électricité de remplacement sont évalués à 250 milliards d’euros. La France en possède 58, donc par une simple règle de trois et d’après les calculs allemands, le coût d’une sortie du nucléaire française s’élèverait à environ 750 milliards d’euros.
  • L’Etat français effectue également ses propres estimations, probablement plus précises. Cependant les chiffres sur lesquels celles-ci son basés ne cessent d’être réévalués. Par exemple, le coût du démantèlement des centrales existantes est aujourd’hui estimé à 23,5 milliards d’euros mais ce chiffre provient d’un rapport de la Cour des comptes de 2005 et on ne sait pas si les estimations d’aujourd’hui conduiraient aux mêmes résultats. Ils avaient, par exemple, indiqué que le démantèlement de la centrale bretonne de Brennilis, à l'arrêt depuis 1985, allait se chiffrer à 482 millions d'euros contre le faible montant prévu en 1979, équivalant environ à 20 millions d'euros. Ces chiffres sont par conséquent tous à prendre avec des pincettes. 

 

 

Les coûts de maintien du nucléaire ne sont pas plus simples à évaluer

 

  • Le coût de révision d’un réacteur a été évalué en 2010 à 600 millions, ce qui représente dans les 10 années à venir 34,8 milliards d’euros pour l’ensemble du parc).
  • Des mesures de sécurité supplémentaires ont été prises par l’ASN depuis l’accident de Fukushima, ce qui devrait augmenter le prix d’une révision.
  • On s’attend aussi à des surcoûts importants lors des constructions des centrales EPR dernière génération comme c’est actuellement le cas à Flamanville. Le projet aura en effet un retard de 4 ans qui coûtera entre 4 et 6 milliards d’euros pour un budget initial de 3,3 milliards.
  • Le prix d’enfouissement des déchets nucléaires est également à prendre en compte. Le montant prévu est aujourd’hui de 35 milliards d’euros alors qu’en janvier 2006, celui-ci était chiffré à 15 milliard d’euros par la Commission nationale d'évaluation relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs (CNE).

 

Pour avoir accès à l'avis de M.Minière - directeur de la production nucléaire d’EDF -  reportez-vous à la première question de l'entretien en cliquant ici.