Protection du petit commerce

Un problème émergent : l’appauvrissement de la diversité et de la proximité commerciales

 

Depuis une dizaine d’années environ, un autre point de tension est apparu dans les relations entre le commerce et la ville, quelquefois qualifié de « désertification » commerciale des centres-villes et des quartiers. Est en cause le mouvement de mutation des fonds de commerce qui a abouti à une substitution fréquente des commerces traditionnels par des établissements en nature « d’agences de services » (bancaires par exemple) qui, quel que soit par ailleurs le caractère commercial de leur activité, ne proposent que des services immatériels. Mais il faut aussi évoquer le processus de disparition des commerces traditionnels diversifiés (en particulier alimentaires), remplacés par des activités commerciales non destinées aux achats quotidiens (optique, vêtements…), ou encore, en matière de restauration, la montée en puissance de la « vente à emporter », certains quartiers pouvant (exceptionnellement) se caractériser par une « tradition » culinaire quasi exclusive. Cette évolution a des causes économiques et financières, elle a aussi des conséquences néfastes au plan de la vie urbaine (animation, possibilité pour les citadins – notamment les plus âgés – d’effectuer leurs achats à pied…). Les objectifs de proximité et de diversité commerciales auxquels tiennent les habitants et leurs élus locaux apparaissent de plus en plus malaisés à assurer, et il n’est pas sûr que les réponses juridiques imaginées à ce jour donnent entière satisfaction, soit au titre de leur efficacité, soit à celui de leur légalité, le régime actuel des « changements de destination » du code de l’urbanisme ne permettant pas, à lui seul, de réguler le phénomène.

L’état actuel de la diversité commerciale dans une grande ville comme Paris est représentée par la cartographie ci dessous : 

La matière traverse donc constamment des périodes de turbulences. La loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 et la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2012 ont d’ores et déjà apporté des modifications substantielles. Des textes ultérieurs pourraient poursuivre le processus de « ré-intégration » du commerce dans la seule législation de l’urbanisme retrouvant sans le dire l’inspiration qui avait été celle de «l’urbanisme commercial», la formule exprimant bien le caractère insécable des problématiques de la ville et du commerce.

Vers une protection de la diversité commerciale par le droit?

 

Il existe actuellement deux catégories d’instruments qui ont pour objet, le premier exclusivement, le second parmi plein d’autres, d’encadrer l’implantation d’activités commerciales.

1. Le droit de l’aménagement commercial (anciennement « urbanisme commercial »)

Suite à la loi Royer on a toute une réglementation qui a pour seul but de contrôler l’implantation d’une activité commerciale. Mais cette réglementation ne paraît pas très efficace en termes de diversité commerciale. D’une part, on constate que les critères posés par la loi sont très vagues et ne permettent pas, à notre sens, de protéger réellement la diversité commerciale.

 Selon l’article L. 750-1 du code de commerce, « Les implantations, extensions, transferts d’activités existantes et changements de secteur d’activité d’entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d‘aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu’au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. Dans le cadre d’une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l’évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d’achat du consommateur et à l’amélioration des conditions de travail des salariés ».

D’autre part, les instruments de contrôle ne paraissent pas très adaptés. Au vu des critères ci-dessus, des commissions d’aménagement commercial composées d’élus locaux et de personnalités qualifiées en matière de consommation, de développement durable et d’aménagement du territoire (« CDAC ») délivrent ou refusent une autorisation d’implantation commerciale. Toutefois, cette autorisation concerne uniquement des gros projets (création de plus de 1000 m² de surface ou chagmenet d’activité de plus de 2000 m² de surface.  Cette autorisation permet donc de contrôler l’implantation de grands centres commerciaux mais n’est pas très efficace pour contrôler la diversité des petits commerces.

2. Le droit de l’urbanisme « tout court »

 On a voulu accorder aux autorités locales plus de pouvoirs de contrôle sur les implantations commerciales. A notre sens, il existe deux problématiques principales.

 1ère problématique : Les pouvoirs des autorités locales pour dessiner la ville et protéger la diversité commerciale ne sont pas clairs

 Le Maire peut protéger la diversité commerciale à travers les règles de son plan local d’urbanisme (PLU) (il s’agit du document qui réglemente l’utilisation des sols et au vu duquel on délivre ou non un permis de construire). En effet, auparavant le PLU visait seulement à préciser les zones constructibles ou non, la hauteur des constructions autorisée, la couleur des volets etc. mais maintenant, il s’interesse de plus en plus à d’autres problématiques (commerce mais aussi environnement etc.).

Le PLU peut notamment préciser la destination des constructions envisagées. Il peut ainsi réserver certaines zones au commerce et interdire les bureaux par exemple. Cependant, pendant longtemps, il pouvait seulement choisir entre 9 destinations possibles :  l’habitation, l’hébergement hôtelier, bureaux, commerce, l’artisanat, l’industrie, l’exploitation agricole ou forestière ou fonction d’entrepôt. Par conséquent, il était difficile de définir le type de commerce envisagé (le commerce englobe en effet le commerce de gros, de détail, mais aussi les magasins d’usine et ne distingue pas selon qu’il est alimentaire, non alimentaire etc.).

Maintenant, depuis la loi LME, le code de l’urbanisme permet au maire d’identifier et délimiter les quartiers, îlots, voies dans lesquels doit être préservée ou développée la diversité commerciale, notamment à travers les commerces de détail et de proximité, et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer cet objectif ». C’est un peu mieux mais seulement sur un quartier ou un ilôt, ça ne permet pas de développer une politique commerciale à l’échelle de la ville. Le juge admet cependant désormais qu’un PLU réserve une zone aux activités artisanales ou commerciales et interdise les bureaux et services (parmi lesquels peuvent éventuellement figurer les agences immobilières, centres de bronzage etc.).

 Mais les maires ne savent pas vraiment jusqu’où ils peuvent aller et ils craignent d’être censurés par un juge. Il faudrait clarifier ces possibilités (c’est essentiellement le travail du juge et de la doctrine juridique).

2ème problématique : Les instruments de contrôle ne sont pas toujours efficaces

La seconde problématique réside dans le fait que les instruments du contrôle de l’urbanisme visaient seulement à contrôler les constructions et non les activités. Du coup, il était nécessaire d’avoir un permis de construire quand on construisait ou faisait des travaux importants mais pas quand on changeait une activité dans un local. Aujourd’hui, ce problème est à moitié résolu puisqu’on doit obtenir un permis de construire quand on change d’activité entre les 9 activités énumérées ci-dessus. En revanche, si on ne fait pas de travaux, pas besoin d’obtenir un permis de construire si on reprend une ancienne supérette pour en faire un centre de bronzage. Donc pas de contrôle des règles du PLU.