Et l’éthique?

 
L’éthique interdit-elle de répondre à toutes ces questions?

Étant donné que les études prétendent montrer des corrélations entre d’un côté la réussite scolaire, le QI et de l’autre côté les gènes et l’héritabilité, on s’intéresse de près aux genres et différents groupes ethniques. Ainsi, les différences obtenues entre ces différentes catégories génèrent de multiples débats, mettant notamment en cause la légitimité de ces études et surtout des résultats qu’elles prétendent montrer.

Les utilisations raciales des conclusions des recherches ont été nombreuses, et ce dès le début de la controverse (Arrêter les recherches?). Certains ouvrages ont généré de nombreuses polémiques, comme par exemple The Bell Curve , écrit en 1994 par le psychologue Richard Herrnstein et le politologue Charles Murray, et vendu à 400 000 exemplaires en seulement quelques mois (Herrnstein et Murray, 1994). L’idée générale de ce texte est que les inégalités sociales aux États Unis peuvent être expliquées par les gènes. Pour eux, l’intelligence est majoritairement héritée. En reliant les fractures sociales aux inégalités ethniques, ils étudient aussi la question des différences d’intelligence selon l’appartenance ethnique, s’interrogeant sur la pertinence des politiques éducatives et socio-économiques, en posant simplement la question: pourquoi, malgré les importants investissements dans les programmes sociaux, la différence entre les plus et les moins avantagés ne s’est elle toujours pas refermée? Ils évoquent aussi l’idée d’une classe génétiquement prédestinée à être désavantagée intellectuellement. C’est pourquoi ils ont dû faire face à des réactions très vives de la part des lecteurs, qui pour beaucoup continuent de s’interroger sur des problématiques soulevées par ce livre: les plus désavantagés intellectuellement sont-ils incapables de réussir autant que les élites intellectuelles? Pourquoi les afro-américains se trouvent ils en grande partie dans des communautés pauvres? Ne pouvons nous rien y faire? Alors que quelques uns félicitaient Richard Hernstein et Charles Murray d’avoir pointé du doigt la source réelle des inégalités sociales, beaucoup d’opposants ont tenté de remettre en cause les statistiques citées dans ce livre sur les différences entre ethnies aux États-Unis. De façon plus générale, le directeur de recherche au CNRS Franck Ramus nous a confié une autre raison possible à ce type de tendances que fournissent certains articles. Il se base notamment sur des raisons environnementales, pour expliquer d’éventuelles différences de QI, comme par exemple le fait que dans certains pays, il y a un manque notable d’éducation, facteur majeur de développement du quotient intellectuel selon lui. Il fait aussi référence aux maladies infantiles très présentes dans certaines régions du monde, qui influencent de façon non négligeables le développement du cerveau. La professeure de psychologie Elena L. Grigorenko, elle, affirme qu’il est éthiquement important d’être conscient que le génome humain n’a jamais été juste ni indépendant des cultures, mais au contraire marqué par l’évolution et l’histoire humaine.

Franck Ramus nous a d’ailleurs fait remarquer que l’idée selon laquelle la génétique a un rôle équivalent à l’environnement dans la construction de l’intelligence dérange notamment beaucoup certains professeurs puisque pour eux, dans une certaine mesure, cela remet en question l’importance de l’enseignement qu’ils fournissent.

D’autres questions éthiques se posent. En utilisant les résultats d’élèves dans différentes matières scolaires, certains généticiens prétendent désormais établir des corrélations entre des gènes et des capacités cognitives. C’est pourquoi certains comme le conseiller britannique à l’éducation Dominic Cummings envisagent d’utiliser les connaissances génétiques pour améliorer le système éducatif. Le généticien Robert Plomin, bien connu pour ses nombreuses recherches dans ce domaine imagine un système dans lequel on s’intéresserait aux prédispositions des enfants pour leur fournir un enseignement personnalisé. Cette idée dérange cependant ceux qui refusent d’encourager les enfants à se cataloguer.

Nombreux sont les scientifiques qui pensent que la question éthique est de second ordre tant que les techniques de manipulations génétiques sont peu avancées.

Selon Lee Thompson, il faut que la question de l’éthique progresse au même rythme que les technologies. Il serait dommage de freiner des recherches pour répondre à des problèmes éthiques qui ne peuvent pas se produire dans l’immédiat car les technologies sont encore trop peu précises. En outre, la question de l’eugénisme pose également des problèmes éthiques: contrairement à la Chine qui selon Laurent Alexandre est plus ouverte que les pays occidentaux à ce type de manipulations (Alexandre, 2018), Elena L. Grigorenko soutient qu’il est important de rester aussi loin que possible d’une société acceptant la génétisation de l’humanité, à l’image de la société présentée par le film Bienvenue à Gattaca.