Pont

Aspect économico-technique

Forts de l’expérience des réseaux téléphoniques, les fournisseurs d’accès internet ont calqué le modèle économique associé pour la facturation de l’internet. Ce marché leur revenait naturellement au vue de leur avance manifeste dans les installations de réseaux de communication électriques. Sauf que pour justifier l’existence d’abonnements, l’installation des lignes ne suffit plus ; ils se reposent alors sur la diversité des débits proposés. Aujourd’hui, le téléphone étant connecté à “l’internet”, la facturation est réapparue avec une nouvelle justification : le volume de données échangeable. La facturation de l’internet apparaît claire aux fournisseurs dès les premières installations : après tout, l’internet ressemble beaucoup au minitel qui lui-même s’est greffé sur les lignes téléphoniques. Alors même si les états d’âmes ont pu gêner quelques fournisseurs au début, tout le monde s’est vite mis d’accord sur les prix à fixer et a fait la même chose avec internet [2].

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L’évolution technique entre le minitel et internet ne fait pas l’unanimité. En fait, les fournisseurs d’accès et de contenu s’arrangent plutôt pour rester à l’époque du minitel. Les réseaux sont encore aujourd’hui en étoile, centrés sur de gros serveurs comme Dailymotion pour citer un exemple français, qui stocke des vidéos de tous les horizons pour servir tous types d’objectifs, certains privés. Ça c’est du minitel, avec un peu plus de débit. Comme dans cet exemple, les fournisseurs de contenu ne participent bien souvent pas à l’émancipation d’internet. Les penseurs de l’internet, et ses pionniers, rêvent d’une toile, ou plutôt d’un maillage sans centre, dont chaque ramification est d’importance égale [2]. Bien sûr il est difficile pour les utilisateurs d’imaginer un tel moyen de communication, notamment à cause de l’habitude prise de tout envoyer sur des serveurs lointains, puis de se plaindre de l’utilisation de ces données par autrui, une habitude nourrie encore une fois par les fournisseurs d’accès, ou FAI, et de contenu.

Les FAI facturent beaucoup plus cher les gros serveurs : par exemple, lors des débats de la liste FRnOG en 2007, une des histoires était à propos du patron de Free qui demandait à Dailymotion des sommes importantes pour lui assurer de transporter ses données. C’est un droit de publication qui fonctionne assez bien à la télévision, mais qui n’était pas censé apparaître sur l’internet des pionniers. Vient ensuite le système des publicités. L’utilisateur finit par payer en quelque sorte par son contenu, et par les publicités qui sont dessus. Le fait de payer aux deux bouts renforce la comparaison au système téléphonique. Le possesseur du contenu paye pour le diffuser (qu’il héberge lui-même ou non) puis de l’autre côté, le public paie par son temps de cerveau humain disponible.

Bibliographie

[1] Geek de Geek. Internet libre ou Minitel 2.0 ? Benjamin Bayart. 13 juillet 2007. Voir ici.

[2] Entretien réalisé le 18 avril 2019 avec une chargée de recherche au CNRS pour l’Institut des sciences de la communication.

La neutralité du net

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