Aspect économique de la controverse


Tout d’abord, nous l’avons présenté en introduction, la viticulture a un rôle très important dans l’économie de la région Languedoc Roussillon, que ce soit au niveau du commerce régional, des emplois créés par la viticulture, du tourisme…
Si nous nous intéressons donc aux conséquences économiques d’un arrachage important dans cette région, nous avons comme conséquences économiques principales :
celles liées au tourisme, nous les avons évoquées : un Languedoc Roussillon avec de moins en moins de vignes serait moins attractif. Pour certains, les conséquences économiques seraient importantes pour le Languedoc Roussillon qui est une région très touristique.
Il faut aussi prendre en compte les conséquences économiques directement liées aux vignerons et viticulteurs eux-mêmes : beaucoup, comme nous l’avons dit, risquent de se retrouver sans travail…
Enfin compte tenu de la surface du vignoble actuel, il ne faut pas oublier tous les salariés de la profession qui ressentiraient cet arrachage au même titre que les viticulteurs : il s’agit des fabricants de produits chimiques pour la vigne, des personnes qui vendent du matériel pour la vigne comme des tracteurs, des engins agricoles, etc… Il y a aussi toute la partie aval de la filière avec les salariés qui travaillent pour le commerce du produit fini. On trouve par exemple le CEVISE (Comité Economique des Vins du Sud-Est) qui pose le problème de l’impact social de l’arrachage des vignes et de l’absence d’étude sur ce sujet. Certes, les primes d’arrachages permettent à celui qui arrache de compléter sa trésorerie mais elles entraînent la perte d’un certain nombre d’emplois dans la filière viticole française entre l’amont et l’aval (ex : structures de vinification et de commercialisation). Le CEVISE propose l’hypothèse de «1 emploi perdu pour 4 ha arrachés ».

La libéralisation du marché entraîne-t-elle la disparition des petits vignerons ?
Comme nous l’avons exposé précédemment, la décision d'arracher est associée à la suppression des aides de régulation du marché telle que la distillation mais aussi à la suppression des droits de plantation en Europe.
Il semblerait donc que l’Europe souhaite libéraliser le monde de la viticulture. M. de Volontat nous l’a clairement confirmé : « C’est la dernière fois que l’Europe donne de l’argent pour adapter le volume de production. On part désormais sur un marché libéral et c’est la réalité du marché mondial qui arrive. »

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Est-ce normal, est ce positif, est ce une catastrophe ? Les avis ici divisés.
Tout d’abord, nous devons regarder cette libéralisation du marché à deux niveaux encore : au niveau de la concurrence mondiale et au niveau plus local.

En premier lieu, au niveau mondial beaucoup ne sont pas contre le fait que ce soit le marché qui dirige, à condition que chacun agisse avec les mêmes règles. C'est-à-dire que d’un certain coté, les agriculteurs sont pour la libération des droits de plantation car ils veulent pouvoir lutter à armes égales : ils refusent d’arracher une aussi grosse partie de leur vignoble pour que ce soit d’autres agriculteurs dans d’autres pays qui plantent. Donc si un arrachage massif doit avoir lieu, ils veulent avoir la possibilité, au même titre que les vignerons et viticulteurs du nouveau monde de replanter.
Finalement une partie des viticulteurs ne semblent pas avoir peur du marché, à condition que la réglementation soit la même pour tout le monde, de manière à ce qu’ils puissent affronter la concurrence avec les mêmes armes… En effet pour certains comme M. Montaigne, « Nous avons perdu des marchés parce que nous avons été opposés à des vignobles de haute productivité et certains aussi qui mettaient des copeaux etc…Quelque part, il faut mettre en compétition des vins produits avec les mêmes règles ». D’autant plus qu’en ce qui concerne les droits de plantation, il faut savoir que dans beaucoup de pays en Europe et dans le monde, le cadastre viticole est soit inexistant soit très peu respecté. En effet, le nombre de plantations illégales en Europe de l’est, en Espagne ou en Italie est très élevé. Face à cela, les vignerons français ne savent comment réagir. Et pour certains le fait de libéraliser les droits de plantation leur permettrait d’avoir les mêmes possibilités en terme de plantation.

M. De Volontat nous a confirmé au nom des VIF (Vignerons Indépendants de France) cette volonté de faire face au marché : « personnellement et au niveau des vignerons indépendants, le libéralisme ne nous fait pas peur. Mais est ce que la filière est prête à prendre en charge et appliquer ces mesures, ou préfère-t-on que tout soit géré « là-haut » pour plus de facilité. Moi je suis favorable au fait de nous laisser le gérer nous-mêmes. »
Nous avons noté lors de l’entretien avec M. De Volontat des éléments qui nous permettent de comprendre la position des VIF par rapport à celles des viticulteurs coopérateurs qui eux sont plus mitigés quant à la libéralisation du marché. En effet, pour M. De Volontat, « Les vignerons indépendants sont touchés plus tôt mais l’intensité du choc est exactement la même pour les deux catégories [ie entre vigneron et viticulteur]. La différence se fait plus au niveau de la capacité de réaction qu’ont les vignerons indépendants. Depuis 2003, le vigneron indépendant  soit subit la crise baisse les bras et va manifester, et a ce moment là il va mourir, il n’y a pas d’autre solution, soit dit : « il faut que je trouve d’autres solutions demain pour pouvoir augmenter mon prix de vente et donc ma marge et la valorisation de mon produit ». Pour lui, le vigneron est plus apte à réagir et donc à se battre contre la concurrence.

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Mais parallèlement à cela, certains viticulteurs et professionnels de la filière ne comprennent pas cette décision de libérer les droits de plantation : la position de M. Montaigne est représentative de cette incompréhension. Dans l’étude commandée par le Parlement Européen et destinée à contrer le projet de réforme de l’UE, il affirme que « La disparition des droits de plantation est également contradictoire avec la décision précédente d’arracher 400 000 ha de vigne en vue de rééquilibrer l’offre. Dès leur libéralisation, les plantations vont augmenter et provoquer des excédents. Deux années de budget de l’OCM vin seraient ainsi gaspillées ». Il est opposé à cette suppression des droits de plantation car pour lui les droits de plantation représentent l’outil principal d’une politique raisonnée de développement sectoriel. Supprimer les droits de plantation entraînerait la délocalisation des vignobles et le développement des grandes firmes.

Mais cette peur de développement des grandes firmes s’entend largement dans les revendications des viticulteurs et vignerons. Ils ont non seulement peur du développement des grandes firmes viticoles dans le monde contre lesquelles ils ne peuvent rien : les économies d’échelles, les différences de moyens,… font qu’ils ne peuvent pas lutter. Mais surtout, si on se place dans un point de vue plus local, beaucoup de viticulteurs et vignerons ont la sensation qu’ils arrachent ce que des grosses entreprises vont racheter dans quelques temps… parfois même, ces agriculteurs se demandent si ce n’est pas une volonté politique de les faire disparaître… Beaucoup ont l’impression en Languedoc Roussillon que des grandes sociétés françaises ou étrangères profitent de la crise pour racheter les terrains à un bas prix et qu’une fois la crise passée, ils replanteront avec d’autres moyens, d’autres ressources, d’autres pratiques (par exemple l’arrosage « goutte à goutte » qui permet d’augmenter énormément le rendement des vignes)…
M. Montaigne traduit cette peur des viticulteurs et sa crainte de la libéralisation du marché par sa phrase de conclusion de notre entretien, il nous affirme que pour lui la Commission est fondamentalement libérale et qu’ « Il y a des grands groupes, des intérêts économiques derrière, des objectifs patrimoniaux, et la commission est fondamentalement libérale.
Donc elle va passer, elle va détruire, elle va éliminer… Puis comme on va voir qu’on aura été trop loin, on va recréer des subventions, des aides au développement local pour aider des jeunes à s’installer etc… toujours pareil. J’ai l’impression qu’il ont quand même la mémoire très très courte pour ce genre de choses. »


 

Lien vers "Présentation et analyse des opinions sur cet arrachage en Languedoc Roussillon"


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