2. Difficultés d’amarsissage

Phase la plus critique du voyage, l’approche de la planète Mars et l’amarsissage à proprement parler restent une zone d’ombre dans le projet Mars One. L’acteur principal sur la controverse liée à la problématique de l’amarsissage, faisant référence dans ce domaine, est le Nasa Langley Research Center, spécialisé dans les technologies liées au « Entry, Descent and Landing », abrégées en EDL.

 

Deux problématiques sont liées à l’amarsissage :

  • Tout d’abord, celle de la précision du lieu de l’amarsissage, qui ne doit être que d’une centaine de mètres. Cette difficulté est encore amplifiée par le caractère répété des lancements du projet Mars One. Tous les modules devront en effet se poser au même endroit sur Mars, pour ne pas compromettre la mission… En s’appuyant sur les résultats de recherche du Nasa Langley Research Center, les auteurs du rapport « Pathways to Exploration: Rationales and Approaches for a U.S. Program of Human Space Exploration », peuvent affirmer :

 To conduct a human mission to the Mars surface, the landing system must be capable of placing individual payloads of about 40 MT with accuracy to within hundreds of meters of the targeted landing point. This is well beyond current capabilities at every stage of EDL.


-- Pathways to Exploration: Rationales and Approaches for a U.S. Program of Human Space Exploration,Committee on Human Spaceflight, p.123   [1]

 

Cette problématique de la précision du lieu d’amarsissage avait déjà été rencontrée par les équipes de la NASA par le passé, en effet, elle n’est pas caractéristique des vols spatiaux habités : pour les envois de sondes (comme par exemple Curiosity), le même problème se pose : et les équipes de lancement de la NASA n’avaient pas pu atteindre le degré de précision mentionné plus haut…

 

  • L’autre problème qui se pose est celui la procédure à employer pour décélérer le module accueillant les astronautes sans leur porter atteinte. En effet, lors de missions non habitées, les accélérations subies par le module de descente ont été mesurées. Or, elles sont bien trop puissantes pour un équipage humain, qui n’y résisterait pas :

The EDL approach used for Curiosity applied g-loads to the payload that are inconsistent with human passengers.


-- Pathways to Exploration: Rationales and Approaches for a U.S. Program of Human Space Exploration,Committee on Human Spaceflight, p.124   [1]

 

Une grande précision dans la zone d’atterrissage, ainsi qu’une descente « en douceur » pourraient être réalisées à l’aide de rétrofusées. Néanmoins, cette technologie et très gourmande en carburant, ce qui augmenterait encore le poids du module martien. L’on entrerait ainsi dans un cercle vicieux d’augmentation du poids du module d’atterrissage : la solution n’est, à l’heure actuelle, pas pertinente.

 

We try to not use propulsion if we don't have to. […] We make use of that atmosphere as much as we can, because it means we don't have to carry all that fuel with us.


-- Neil Cheatwood, senior engineer at NASA Langley Research Center   [2]

 

Ces déclarations sont encore appuyées par le responsable des programmes d'exploration du système solaire au CNES :

Donc en d’autres termes, il faut freiner avec un moteur avant même d’entrer dans l’atmosphère de Mars. Bonjour la taille des réservoirs! Vous imaginez! C’est ça le problème. D’où le fait qu’on ait un véhicule qui fait entre 40 et 80 tonnes.


-- Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du système solaire au CNES   [3]

 

D’autres solutions sont néanmoins envisageables, selon la NASA :

The size and mass of the payloads for a Mars surface mission demand a more advanced thermal protection system, more advanced hypersonic and supersonic deceleration systems, and more advanced terminal landing systems to survive the passage through the thin martian atmosphere.»


-- Pathways to Exploration: Rationales and Approaches for a U.S. Program of Human Space Exploration,Committee on Human Spaceflight, p.124   [1]

 

Les progrès réalisés sont encourageants. A titre d’exemple, des chercheurs du NASA Langley Research Center ont mis au point un bouclier thermique gonflable, nommé le « Hypersonic Inflatable Aerodynamic Decelerator », pouvant être stocké dans un volume très réduit lors du trajet, et s’ouvrant au moment de la descente vers Mars.

 

The idea is that you would have something that could be packed up, put in a very small volume and then deployed into a very large size.


-- Anthony Calomino, principal investigator for materials and structures for hypersonic re-entry at NASA Langley Research Center   [2]

 

Cependant, le financement reste un problème central dans la mise au point de technologies pour le EDL fiables et efficaces, comme le déplore Neil Cheatwood :

 If I had the budget and we had the funding to do it, I think we could get as large a scale as needed for humans in five to ten years.


-- Neil Cheatwood, senior engineer at NASA Langley Research Center   [2]

 

En conclusion, les technologies liées à l’EDL sont à l’heure actuelle le point central à développer pour pouvoir espérer un jour faire se poser un homme sur Mars, selon la NASA. Et les technologies existantes sont encore loin d’êtres satisfaisantes :

 

Hadrien12

 

C’est encore une fois pour le manque de communication autour des technologies mises en œuvre que le projet Mars One est critiqué, alors que les centres de recherche de la NASA (notamment le Langley Research Center) mènent des recherches sérieuses sur la problématique de l’amarsissage, et publient régulièrement les résultats de leurs recherches, leurs succès, leurs échecs, et l’avancée globale du projet.

 

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 Sources :

[1] National Research Council. « Pathways to Exploration: Rationales and Approaches for a U.S. Program of Human Space Exploration », 06/2014, p. 123, 124. Disponible sur : http://www.nap.edu/openbook.php?record_id=18801&page=R1 (28/05/2015).

[2] Vergakis B., “NASA inflates chance of landing astronauts on Mars”, Advantage Business Media, 01/05/2015. Disponible sur : http://www.rdmag.com/news/2015/01/nasa-inflates-chance-landing-astronauts-mars (28/05/2015)

[3] Entretien avec Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du système solaire au CNES

 

 Images :

• Tableau de l'état actuel des problématiques techniques, classées, avec code couleur.
Tiré de : National Research Council. « Pathways to Exploration: Rationales and Approaches for a U.S. Program of Human Space Exploration », 06/2014. Disponible sur : http://www.nap.edu/openbook.php?record_id=18801&page=R1 (28/05/2015).