Firme
chinoise BYD (Build Your Dreams) s’apprête
à faire une entrée remarquée dans le
monde de l’hybridation automobile. A l’origine,
cette multinationale est
spécialisée dans la production de batteries pour
téléphones portables, se
positionnant en première position mondiale. Cependant, elle
n’a pas hésité à
franchir le pas, et se lance dans la production de la F3DM ;
véhicule
hybride intégrant un bloc moteur électrique
d’une puissance supérieure au bloc
moteur thermique qui lui est associé, et qui tient en
réalité le rôle de moteur
d’appoint. BYD matérialise ainsi un rapprochement
entre deux univers
jusqu’alors bien distincts : les industries
automobile et électronique. (LE
MONDE 02 12 2008)
Jusqu'à présent l'immense majorité des
batteries utilisées dans les appareils
électroniques était du type nickel
métal. Cependant ces dernières ont
révélé
leurs limites en terme de durée de vie, et l'irruption d'une
nouvelle
technologie permettant, à puissance et voltage
égaux, de réduire l'encombrement
stérique de 50% a ouvert de nouvelles perspectives,
à première vue
prometteuses.
Il
s'agit de la nouvelle technologie lithium ion,
érigée en véritable fer de lance du
mouvement de miniaturisation déjà
amorcé
par l'industrie électronique. En 2000, seulement 9% de la
production mondiale
de lithium étaient utilisés pour la confection de
batteries, chiffre qui a
depuis explosé, puisqu'en 2009, c'est désormais
20% de la production qui sont
concernés. Dans ces conditions, la demande en lithium
s’est envolée, tout comme
son cours qui a été multiplié par dix
en six an, passant de 350$/tonne à
3000$/tonne à l'heure actuelle. Des modèles de
batteries Li-Ion sont déjà sur
le marché, et en parallèles de nombreux projets
de recherche ambitieux sont
menés.
Cependant,
cette croissance exponentielle des cours n'est pas sans rappeler celle
du
pétrole, ou de l'uranium. Tout comme celle des autres
matières premières. C'est
justement ce
« détail » qui semble
pour l'instant avoir été omis, ou
tout au moins, passé sous silence. En effet, dans le grand
mouvement écologiste
qui semble se dessiner à l'échelle mondiale, les
constructeurs automobiles sont
nombreux à parier sur l'avenir du véhicule
électrique ou partiellement
électrique (hybrides). Et donc sur l'avenir de la
« batterie haute
performance » lithium ion. C’est pourquoi
les constructeurs tentent de
surfer sur cette vague verte en se positionnant en ardents
défenseurs du
« déplacement
durable ». Cependant, le lithium est
considéré comme un
métal très rare, dont les réserves
sont extrêmement localisées et ponctuelles
à
la surface du globe. Que penser du report du problème de la
finitude des
ressources pétrolières sur celui d'une autre
ressource naturelle ?
Et
si les ressources limitées de lithium pouvaient freiner le
tant annoncé et
attendu essor des voitures électriques ? (LE MONDE
08 10 2008) Si les
chiffres précis sont délivrés au
compte goutte, certains laboratoires affirment
que la quantité de lithium nécessaire
à la production d’une batterie de
véhicule électrique est 100 fois
supérieure à celle d’une batterie
d’ordinateur
portable. En apparence, les constructeurs automobiles affectent donc de
ne pas
s’inquiéter des réserves du
métal en question. Une étude du consultant
Meridian
International Research publiée au mois de mai 2008 a
cependant dressé un état
des lieux inquiétant quant aux perspectives de
développement de l’exploitation
du lithium. Intitulée « The trouble with
lithium 2 »
(http://www.meridian-int-res.com/Projects/Lithium_Microscope.pdf),
cette étude souligne principalement les enjeux
environnementaux liés à
l’extrême fragilité des milieux naturels
hôtes, à savoir dans les Andes au cœur
de l’Amérique Latine, aux Etats Unis, ainsi que
dans la région de l’Himalaya au
Népal et au Tibet. Fragilité à mettre
en rapport bien sûr, avec le
caractère
traumatisant des
méthodes
d’exploitation minière mises en œuvre
à grandes échelles, telles que la mine
à
ciel ouvert. Une fois encore, on constate que la réduction
d’un type de
pollution (ici, les rejets de CO2) correspond à un
« transfert de
charges » vers une pollution ou
dégradation d’une autre nature (ici, la
destruction et pollution pérenne d’un milieu
naturel unique). Dans ces
conditions, est-il encore pertinent de qualifier le véhicule
tout ou
partiellement électrique de « voiture
propre » ?
Car il
est vrai que la classification actuelle des
véhicules en catégories plus ou moins
émettrices de CO2 semble omettre toutes les pollutions
susceptibles
d’intervenir en amont de l’utilisation du dit
véhicule. C’est ainsi que certains
laboratoires (tels que le CNW Marketing Research) tentent de mettre en
place
des protocoles d’estimation
d’ « empreintes
écologiques
globales », comprenant à la fois
l’extraction des matières premières,
mais
également les coûts écologiques de
production et de recyclage, et bien sûr
l’importance des rejets de gaz à effet de serre
dans l’atmosphère. Ce sont de
telles études qui ont abouti à
« démontrer » que le
Hummer H3,
symbole ultime du triomphe de l’homo energivorus
s’il en est, était « plus
vert » que l’hybride star de Toyota, la
Prius.(http://www.ledevoir.com/2007/08/03/152297.html)
D’autre
part, ce rapport (TWL2) soulève une
« contradiction » issue de la
confrontation des objectifs industriels de production de
véhicules électriques
et des réserves estimées de lithium. En effet, de
manière à réduire de
manière
significative la consommation pétrolière, une
proportion non négligeable du
parc automobile mondial (estimé à 1 milliard de
véhicules) devra être
« électrifiée »
au cours de la décennie à venir. A terme,
c’est
l’ensemble de la production mondiale qui devra être
labélisée « Highly
Electrified Vehicle », à savoir 60
millions de véhicules par an. Voilà
pour la demande
« estimée ». Si
l’on considère désormais
l’ « offre »,
les géologues estiment que les réserves
naturelles
de lithium s’élèvent à 6,2
millions de tonnes, pour une production actuelle de
25000 tonnes par an (http://tyler.blogware.com/lithium_shortage.pdf).
Tout en
gardant à l’esprit que le secteur de production de
batteries électrique n’est
pas le seul secteur d’activité
nécessitant du lithium (industrie
pharmaceutique).C’est dans cette
perspective que l’enquête Trouble with Lithium 2
met en garde contre des
pénuries en lithium qui pourraient
s’avérer plus violentes que celles que nous
pourrions
connaître concernant le pétrole. Dès
lors, que penser des conflits armés du
siècle passé ayant eu pour toile de fond la
sécurisation des réserves
pétrolières ? Peut on se permettre
d’exacerber de nouvelles tensions
géopolitiques à l’échelle
mondiale ? Doit on se préparer à des
« krachs lithiumiers » ?