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2008 - David Li, premier suspect

En 2008, les mathématiques financières sont montrées du doigt lors de la crise des subprimes. Une formule revient particulièrement fréquemment dans les gros titres: celle de David Li fondée sur la théorie des copules gaussiennes pour modéliser la corrélation entre les risques de défauts de paiement serait en effet à l'origine de la crise. Ses hypothèses, simplifications drastiques de la réalité, et son utilisation abusive sont particulièrement remises en cause. Reste alors à déterminer le coupable. Qui de David Li lui-même, bouc émissaire facile, des mathématiciens financiers en général, ou des banquiers endossera la responsabilité de cette crise? Lire la suite

Simple modélisation de la réalité financière, la formule comporte des failles qu'il s'agit d'identifier pour comprendre le mécanisme de crise. Comment se fait-il que la formule ait pu induire une si grossière erreur? Sur les marchés financiers, le mimétisme est une recette classique pour la création d'une bulle spéculative. Acheteurs et vendeurs de CDO peuvent être d'accord sur les prix: ils utilisent la même formule. Et elle est loin de donner une solution exhaustive au problème, car, comme une formule physique, elle se base sur un tas d'hypothèses ici très simplificatrices et sous-estime donc dans certains cas la corrélation. Le modèle n'est d'abord pas prévu pour décrire ce qu'il se passe dans un environnement extrême, mais seulement lorsqu'il se situe autour d'un «état moyen». Ici, l'espace des possibilités n'est pas binaire, comme pour le cas des assurances vie (mort ou vivant). En particulier, le marché est supposé liquide, ce qui n'est pas du tout le cas dans les cas de crise. Le modèle est inefficace lorsque quelque chose affecte un grand nombre de personnes en même temps (la baisse des prix des logements par exemple). De plus, l'approche de Li ne fait aucune allocation à l'imprévisibilité. Elle suppose que la corrélation est une constante, alors que selon Paul Wilmott, chercheur en finance quantitative, «les corrélations entre les quantités financières sont notoirement instables» et qu'il est impensable d'établir une théorie sur des paramètres imprévisibles. Enfin, l'attente pour la compilation d'une base de données historiques (se basant sur des défauts de paiement réels, qui sont rares) nécessaires au fonctionnement du modèle et donc à la détermination de la corrélation était trop longue. C'est pourquoi David Li a considérablement simplifié le problème en utilisant soit une base de données limitée, qui ne peut selon lui «couvrir toutes les possibilités», soit directement les prix des CDS pour évaluer la corrélation. Autrement dit, dans le second cas, si le prix d'un Swap tend à faire bouger celui d'un autre dans la même direction, on en déduit que leur corrélation est importante. Cela suppose que les marchés financiers en général, et plus particulièrement celui des CDS, sont capables de donner le prix d'un titre de manière exacte. La formule est en fait comprise à l'envers. On déduit les risques de corrélation de défaut de paiement à partir des prix établis par les agences de notations. Elle ne prend même pas la peine d'essayer de tracer tous les rapports presque infinis entre les divers prêts constituant un paquet, elle s'est contenté du nombre final de corrélation, propre, simple, et qui résume tout. Mais d'autres, comme Nassim Nicholas Taleb, auteur du Cygne noir, vont plus loin en remettant totalement en cause la formule pensant que l'association des risques n'est pas mesurable en utilisant la corrélation car l'histoire passée n'est pas prédictive du futur. D'autres facteurs entrent en jeu comme la situation macro-économique d'un pays par exemple. Selon lui, «Tout ce qui relève de la corrélation est de l'escroquerie».

Extrait de : Lien

Sources :

Controverse Mathématiques & Finance. Haut de page.
GILLET, LETOURNEAU, MAGNIEN, MARCILHACY, VYARAVANH-GIRARD