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2008 - David Li, premier suspect

En 2008, les mathématiques financières sont montrées du doigt lors de la crise des subprimes. Une formule revient particulièrement fréquemment dans les gros titres: celle de David Li fondée sur la théorie des copules gaussiennes pour modéliser la corrélation entre les risques de défauts de paiement serait en effet à l'origine de la crise. Ses hypothèses, simplifications drastiques de la réalité, et son utilisation abusive sont particulièrement remises en cause. Reste alors à déterminer le coupable. Qui de David Li lui-même, bouc émissaire facile, des mathématiciens financiers en général, ou des banquiers endossera la responsabilité de cette crise? Lire la suite
A la recherche du coupable

Doit-on alors réellement pointer du doigt David Li? Ou plus généralement, doit-on remettre en cause les quants et leur finance quantitative? Certains leur reprochent d'être hors de la réalité, appliquant leur expertise académique au monde de la finance et manipulant des chiffres qui ne représentent plus rien, faisant passer l'intelligence numérique devant l'instinct et l'expérience des traders classiques. Cependant, selon Harry Pajer, professeur de statistique et mentor de Li à Waterloo, «Tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles». La formule de Li a en effet a clairement été une percée positive dans le monde de la finance pendant cinq années, un morceau de technologie financière qui a permis à des risques très complexes d'être modélisés avec toujours plus de facilité et d'exactitude qu'avant. De plus, Li a juste écrit un article. Un nouveau parallèle avec la physique s'impose alors selon Pajer: lui imputer la responsabilité de la crise serait comme imputer celle d'Hiroshima à Albert Einstein. Li n'a pas mis le feu à Wall Street, il a juste fourni l'allumette. Certains lui reprochent cependant de s'être voilé la face sur l'extrême complexité du problème et d'avoir présenté sa formule comme «résumant tout». En 2005, Li a pourtant déclaré dans The Wall Street Journal, que «La chose la plus dangereuse est quand les gens croient tout ce qui sort du modèle», en précisant que le sien ne s'appliquait pas dans tous les environnements. Cependant, les banquiers gagnaient à cet instant trop d'argent pour prendre en compte ces mises en garde. Aveuglement volontaire ou non, la formule a été utilisée à outrance à des fins non prévues par le modèle. Ils auraient du noter que les résultats beaucoup moins volatils que prévus impliquaient que le risque s'était déplacé ailleurs. Mais où? Ils n'ont pas su, ils n'ont pas demandé. Selon Steeve Brown, professeur à l'Université de mathématiques de Waterloo, «Les modèles sont seulement aussi bons que leurs hypothèses. Si l'on ignore ses hypothèses, il peut produire des choses qu'il n'avait jamais prévu de produire». Le modèle donnait l'impression d'éliminer définitivement le risque, ce qui n'est jamais possible en finance. Il était trop difficile à comprendre pour ses utilisateurs mais malheureusement trop facile à appliquer. David Li avait déjà avertit en 2005 que «Très peu de personnes comprennent l'essence même du problème». On peut alors parler de la responsabilité des banques, et plus particulièrement de leurs mathématiciens, qui faute d'avoir un résultat exact, se contentent et privilégient sa simplicité et sa rapidité.

Extrait de : Lien

Sources :

Controverse Mathématiques & Finance. Haut de page.
GILLET, LETOURNEAU, MAGNIEN, MARCILHACY, VYARAVANH-GIRARD