Europe : la directive Nitrates

Un des combats majeur de cette controverse se joue à Bruxelles au Parlement Européen. C’est de là qu’avant tout, provient un texte pilier…

La Directive Nitrates

La directive n°91/676/CEE est plus connue sous le nom de “Directive Nitrates”. Ratifiée le 12/12/91 et publiée dans le Journal Officiel de la Commission Européenne du 31/12/91, elle concerne la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. Constitué de douze articles et de cinq annexes est actuellement en vigueur et se trouve aux prémices de toutes les réglementations mises en place par les états membre de l’Union Européenne. Passage à la loupe sur un texte aux fondements de notre enquête.

Le texte intégral est disponible sur Eur-lex.europa.eu
: Eur-lex.europa.eu

Les motivations

En préambule, et comme il est coutume dans les textes de lois, sont énumérées les diverses considérations sur lesquelles s’appuient sa rédaction. S’y révèlent les motivations qui ont amené à la signature de la directive, qui, rappelons le, concerne la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. Il est donc ici question de :

Répondre à un problème de pollution …

En premier lieu, la directive fait état de la pollution des eaux aux nitrates dans plusieurs régions des États de l’UE, ainsi “la teneur en nitrates de l’eau dans certaines régions des États membres est en augmentation et atteint déjà un niveau élevé…”

Mais que signifie “élevé” ? Le point de référence est donné par une autre directive que le texte cite : la directive 75/440/CEE du Conseil, du 16 juin 1975 sur “la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d’eaux alimentaires dans les Etats membres”. Celle-ci fixe des normes européennes sur la teneur, notamment, en nitrates des eaux de consommation courante.

À noter qu’une précédente résolution du Conseil de l’Europe, concernant spécifiquement la zone de la mer du Nord, est aussi présentée comme motif : “la résolution du Conseil, du 28 juin 1988, sur la protection de la mer du Nord et d’autres eaux de la Communauté (8) invite la Commission à présenter des propositions de mesures communautaires”

…en ciblant les sources agricoles.

La commission considère, explicitement, l’agriculture comme premier facteur de la pollution incriminée, citons : “les nitrates d’origine agricole sont la cause principale de la pollution provenant de sources diffuses, qui affecte les eaux de la Communauté”. Bruxelles accuse en fait les méthodes de production de l’agriculture intensive, et s’intéresse surtout à l’élevage. Aussi c’est pourquoi le texte se réfère par la suite « effluents d’élevage ».

La directive relève par ailleurs l’orientation de la Politique Agricole Commune (P.A.C) à ce sujet, citons : “il est indiqué dans le « Livre vert » de la Commission intitulé « Perspectives de la politique agricole commune » (…) que l’utilisation d’engrais et de fumiers contenant de l’azote est nécessaire à l’agriculture de la Communauté, mais que l’utilisation excessive d’engrais constitue un danger pour l’environnement”, ce qui donne ainsi un aperçu de la position de l’Europe à ce sujet avant 1991.

Enfin, la directive affiche une intention d’agir directement sur l’agriculture pour en modifier les pratiques : “les Etats membres, en encourageant de bonnes pratiques agricoles, peuvent assurer à l’avenir un certain niveau de protection de l’ensemble des eaux contre la pollution”.

Les articles à la loupe

Afin d’avoir une vue d’ensemble du texte sans pour autant nécessairement plonger dans le coeur de la littérature grise, le lecteur trouvera ici une description succinte du rôle associé à chaque article. Précisons que les intitulés des articles ne sont pas des éléments du texte officiel, nous les avons ajouté dans le but d’éclaircir la présentation.

Article 1er : But de la directive

  • réduire la pollution des eaux par les nitrates de source agricole
  • prévenir toute nouvelle pollution du même type

Article 2 : Définition des termes

Cet article constitue un glossaire des termes propres au sujet, employés par la suite. Notamment : “effluent d’élevage”, “eutrophisation”, ou encore “épandage”.

Article 3 : Zones vulnérables

D’après certains critères spécifiés dans l’annexe I, les États membres doivent identifier sur leur territoire des zones vulnérables, d’où proviennent des eaux polluées. La liste des zones vulnérables est rendue publique et doit être révisée au moins tous les quatre ans. En outre, l’article précise comment traiter le contentieux posé lorsque l’eau polluée par un état membre alimente un état voisin.

Article 4 : Codes de bonnes pratiques agricoles

Les États membres doivent éditer des “codes de bonnes pratiques agricoles”, tels qu’expliqués dans l’annexe 2. Ceux-ci doivent être appliqués volontairement par les agriculteurs, que les États veillent à former et informer.

Article 5 : Programmes d’action

Les États doivent éditer des programmes d’action, s’appliquant à chaque zone décrétée vulnérable. Ceux-ci doivent obligatoirement contenir :

  • des mesures fixées directement par la directive (annexe III)
  • les mesures fixées par l’état lui-même (code de bonnes pratiques)Doivent aussi être mis en place des programmes de surveillance pour évaluer l’efficacité des programmes d’action.

Notons que la directive fixe des délais stricts.

Article 6 : Surveillance des taux de nitrates

L’article définit à quelle fréquence doivent être effectués les contrôles de surveillance, en fonction de la nature des eaux (superficielle, souterraine), des taux de nitrates relevés et de l’état d’eutrophisation observé.

Article 7 : Recommandations

C’est un renvoi à l’article 9 : « Les recommandations pour la surveillance visée aux articles 5 et 6 peuvent être établies conformément à la procédure prévue à l’article 9. »

Article 8 : Adaptation au progrès scientifique et technique

C’est encore un renvoi à l’article 9 : « Les annexes de la présente directive peuvent être adaptées au progrès scientifique et technique, conformément à la procédure prévue à l’article 9. »

Article 9 : Comité « Nitrates »

Cet article définit un nouvel organe intervenant au niveau européen : le comité « Nitrates »
Celui-ci est composé des représentants des états membres et présidé par un représentant de la commission.

L’article définit en particulier le processus de validation des mesures proposées , en trois temps :

  • a) Conformité avec l’avis du comité : arrêt de la Commission
  • b) Non conformité ou pas d’avis : saisine du Conseil, qui statue à la majorité qualifiée.
  • c) Pas de réponse du Conseil dans les trois mois : arrêt par la Commission si majorité simple opposée

Article 10 : Rapports à la commission

Les États membres doivent fournir, tous les quatre ans, à la Commission des rapports contenant des informations précises définies en annexe V.

Article 11 : Synthèse de la commission

Dans un délai de six mois après la réception des rapports des États, la commission émet une synthèse, qu’elle communique au Parlement et au Conseil.

Article 12 : Adoption de la directive

Les États membres doivent adapter leur droit interne à la directive, par le biais de dispositions adéquates, mises en place dans un délai de deux ans après signature, et communiquées à la Commission.

Les annexes

Annexe I : définition des eaux atteintes par la pollution

Concernant la concentration des nitrates dans les eaux, toutes les directives fixent le seuil de 50 mg/L quelque soit le type d’eau (souterraine ou de surface) concerné. Nous reviendrons sur la difficile question des seuils par la suite.
L’eau est également reconnue comme polluée si, en son sein, risque de se produire le phénomène d’eutrophisation.

L’annexe I, dans le cas présent, fixe le seuil pour les eaux souterraines. Elle renvoie à la directive 75/440/CCE pour les eaux de surface. Malheureusement, cette directive est abrogée. Le schème ci-dessous donne une vision de l’organisation des différents textes entre eux. On arrive à la conclusion que la référence est dorénavant la directive 98/83/CE :

Cette directive fixe bien le seuil pour les eaux de surfaces à 50 mg/L.

Annexe II : Codes de bonnes pratiques agricoles

L’annexe indique des conseils que les états devraient suivre, pour instaurer des pratiques agricoles permettant de remédier au problème de pollution. Ces conseils portent sur les épandages d’engrais azotés, leurs périodes et leurs conditions, les cuves de stockages des effluents d’élevage.

Annexe III : Mesures à inclure dans les programmes d’action

Ces mesures, conformes aux conseils avisés en annexe II, demandent expressement aux États de prendre certaines dispositions : périodes annuelles d’interdiction de l’utilisation de certains engrais, capacité des cuves…

Annexe IV : Méthode de mesure de référence

L’étude des engrais chimiques et de leurs composition est détaillée par la directive 77/535/CEE. Cela ressemble à un grand énoncé de travaux pratiques de chimie, assez complexe dans la mise en forme.

Pour les eaux douces et les eaux marines, la directive 86/574/CEE donne une méthode de référence pour l’analyse de la concentration en nitrates. Une référence bien précisée : la spectrophotométrie d’absorption moléculaire, les résultats sont à donner en mg/L , et doivent être précis à deux chiffres significatifs après la virgule. Nous ne rentrerons pas dans des considérations techniques, mais notons donc bien que la mise en œuvre des dispositions de la directive s’appuie bien sur un fond d’analyse scientifique.