Taxi : une profession en danger ?

Vous êtes ici : Un marché complexe>>La valeur des licences


Les VTC au service du client ?


A en croire les résultats de la cohabitation entre taxis et VTC outre-manche, un terrain d’entente est possible. C’est en tout cas ce que clament les VTC en citant régulièrement l’offre diversifiée favorisée par les pouvoirs publics britanniques.


Les études économiques sont unanimes et montrent qu'il est nécessaire de réguler le marché du taxi (voir le paragraphe sur Le marché du taxi) et notamment les autorisations de stationnement sur la voie publique (ADS) plus connues sous le nom de licences. L'existence de licence n'est pas remis en cause par les économistes, et son utilité est rappelé dans le récent rapport Un taxi pour l'avenir, des emplois pour la France du député Thomas Thévenoud. Cependant c'est ici que se trouve un des points de la controverse. Les principaux points de débat sur les licences concernent leur nombre et leur prix, qui constitue une rente pour leur possesseur et un frein à l'accès à la profession.

La controverse se situe principalement en France. Nous présenterons dans un premier temps le marché des licences en métropole avant de voir les différentes propositions de réforme de ce marché.


Les économistes Maya Bacache Beauvallet et Lionel Janin ont étudié le marché des licences en France à travers deux articles : Réglementation, déréglementation et concurrence : Le cas des taxis, publié dans Concurrences en 2009, et Valeur de licence et régulation du marché du taxi. Ils y dressent un portrait de la situation du marché du taxi et montrent les impacts d'une augmentation du nombre des licences sur leur prix.

Il est important de savoir que les licences n'autorisent le stationnement que dans une zone d’activité définie. Elles sont délivrées gratuitement par le maire d'une commune ou par le préfet de police de Paris, et il est possible pour leur détenteur de les céder. Les licences se vendent à prix d’or et leur prix peut varier de manière importante en fonction des régions. Ainsi, une licence s'échangeait en moyenne en 2013 à 235 000€ à Paris mais les montants peuvent atteindre 400 000€ à Nice. En revanche, les prix sont moins importants dans les régions moins touristiques : 80 000€ à Lyon, 100 000€ à Marseille ; selon l'Observatoire de l'Officiel des Taxis, une licence s'achète en moyenne en France à 97 118€ (chiffres d'avril 2014).


Répartition moyenne des frais d’un chauffeur de taxi

Comment expliquer le prix si élevé de ces licences ?

Le prix s'explique par le faible nombre de licences, 17 636, et surtout la rentabilité du métier de " de taxi. Les rotations de licences sont rares, environ 800 transactions par année. Par ailleurs la création de nouvelles licences délivrées gratuitement par la préfecture de police se fait de manière sporadique et les listes d'attente sont longues (près de 5000 candidats rien qu'à Paris). Il faut attendre de 15 à 20 ans avant de pouvoir accéder au précieux sésame. Ainsi, le marché du taxi est ici face à un dilemme, une situation délicate qui ne bénéficie ni aux uns, ni aux autres.

En permettant de céder les licences, ils ont transféré l’avantage du contingentement des chauffeurs de taxis aux propriétaires des licences. - Guillaume Allègre

D'un côté si l'on augmente le nombre de licences, il sera plus facile d’en trouver une pour un acheteur potentiel, et sa valeur s’en verra donc diminuée. Cependant une augmentation du nombre de licences pourrait stimuler la demande et entraîner l'arrivée de nouveaux clients. En particulier, le rapport Attali préconise dans l'une de ses propositions de donner gratuitement une deuxième licence aux chauffeurs déjà en activité - licence qu'ils pourraient ensuite revendre pour compenser la perte occasionnée par un doublement du marché. Cela aurait pour conséquence selon le rapport de diviser par deux le prix des licences sans pour autant spolier les détenteurs actuels, tout en augmentant le nombre de licences et par conséquent l'offre en taxis. Cependant, Richard Darbéra dans son article Rapport Attali : les craintes des taxis étaient-elles fondées ? conteste les calculs menés dans le rapport. En effet celui-ci néglige la rente générée par la possession d'une licence et également les effets de l'offre sur la demande. Maya Bacache-Beauvallet et Lionel Janin dans leurs articles, montrent également sans citer explicitement le rapport qu'un raisonnement trop simpliste aboutit à une conclusion erronée. Au cours de notre entretien avec Maya Bacache, cette dernière nous a expliqué que le marché du taxi était un marché complexe dont la demande était une fonction de l'offre. Par ailleurs, les chauffeurs de taxis à travers les différentes fédérations (FNAT par exemple) utilisent également ces modèles simplifiés pour faire pression sur le gouvernement et empêcher la création massive de nouvelles licences.

Une autre piste développé par l'économiste Jacques Delpla dans son ouvrage La Fin des privilèges, payer pour réformer, publié en 2007, propose que l'Etat rachète toutes les licences pour libéraliser le marché. Cela aurait un coût estimé à 4,8 milliards d'euros. Pour supporter cet achat, une taxe de 50 centimes par course serait instauré. Charles Quartero, président du central-radio taxi de Saint-Raphaël, dans l'article De la réglementation des taxis... publié sur le site Agora Vox, dénonce cette mesure trop libérale qui ferait payer le montant de la facture au contribuable. Mais d’une part, les syndicats de taxis, représentés par la FNAT, refuse cette éventualité car le prix de rachat serait inférieur à la somme investi par les chauffeurs. D’autre part, le rapport rédigé par Thomas Thévenoud, qui a rencontré Jacques Delpla pour sa rédaction, enterre cette possibilité compte tenu de la situation budgétaire actuelle. Jacques Delpla a quant à lui révisé sa position dans l'article Un taxi pour la réforme publié le 20 février 2014 sur LesEchos.fr dénonçant la fraude fiscale et sociale dont profiteraient les chauffeurs de taxis.

Pourquoi les acquéreurs récents devraient payer pour les atermoiements du régulateur ?- Guillaume Allègre

Une solution envisagée par l’économiste Guillaume Allègre serait de racheter petit à petit les licences des chauffeurs au moment de leur départ à la retraite. Le prix de rachat serait alors non pas le prix du marché, mais la valeur d’acquisition – plus des intérêts afin de ne pas léser les chauffeurs en diminuant leur patrimoine. Les nouvelles licences attribuées en parallèle seraient non cessibles, comme le propose Thomas Thévenoud dans son nouveau rapport. Cela permettrait une remise à plat de la situation, puis une répartition du marché entre taxis et VTC en fonction de la demande.