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Comment rendre compte de l’activité parlementaire ?

 

Pourquoi rendre compte de l’activité parlementaire ?

 

Comme nous avons pu le voir, l’un des problèmes essentiel de la controverse sur le cumul des mandats est la question de la représentation politique. Étant donné le contenu de la loi votée le 22 janvier 2014, nous nous concentrerons sur le cas des parlementaires. Les différents acteurs du monde politique, qu’ils soient politiciens ou politologues, ne s’accordent pas sur la définition d’un bon parlementaire.

Ainsi, Antoine Carette, président de l’Union des Jeunes Démocrates, que nous avons interviewé, ou encore Guy Carcassonne, juriste français spécialisé dans le droit constitutionnel, affirment que la pratique du cumul des mandats entraîne une moindre présence des députés et des sénateurs au Parlement. Ces derniers ont effectivement des responsabilités supplémentaires, du fait de leur second mandat. Il peut s’agir, par exemple, d’assister au conseil général ou bien au conseil municipal. De tels acteurs estiment que cet absentéisme nuit au bon fonctionnement du Parlement. Cette critique formulée à l’encontre des cumulants découle d’une certaine conception de la représentativité politique, selon laquelle un bon parlementaire est un parlementaire qui consacre beaucoup de son temps au Parlement. Il existe naturellement d’autres conceptions de la représentation politique : certains affirment qu’il faut aussi qu’un parlementaire passe du temps dans sa circonscription pour garder un contact concret avec la base électorale. D’autres, tels un assistant parlementaire au Sénat que nous avons rencontré, expliquent que ce n’est pas tant le temps passé au Parlement qui détermine le fait qu’un parlementaire soit bon, mais plutôt le travail produit par ce parlementaire, tant en quantité qu’en qualité, à tous les niveaux de cette fonction (travail en commissions, propositions de loi, par exemple).

Outre la diversité des conceptions de la représentativité politique, le débat est aussi animé par des affirmations contradictoires de la part des différents acteurs de la controverse. Certains affirment que les cumulards travaillent moins que les autres parlementaires, d’autres affirment au contraire, qu’ils sont plus investis ou efficaces. Par exemple, l’assistant parlementaire dit à ce sujet :

« Je connais des cumulards qui ne font rien et puis il y a des cumulards qui font beaucoup […] En fait, ça dépend surtout de l’élu lui-même […] c’est variable, il n’y a pas de règles »

Assistant parlementaire au Sénat 1 

Le fait que les propos au sujet de l’activité des politiques soient illustrés par des cas individuels, d’ailleurs souvent des exemples extrêmes peu représentatifs du Parlement dans sa globalité, peut paraître insatisfaisant. Cela explique que journalistes et spécialistes de la politique se soient penchés sur la question de la mesure de l’activité parlementaire depuis quelques décennies, afin d’essayer rendre compte de l’activité des politiques de façon objective.

Ainsi, d’après l’association Regards Citoyens, la pratique de la mesure de l’activité parlementaire est apparue dans les années 1970. En 1977, Alain Brouillet, doctorant en sciences politiques à la Sorbonne, crée l’Institut de Mesures de l’Activité Parlementaire (IMAP). Cet institut, qui n’existe plus aujourd’hui, conçoit alors des classements de députés en affectant un score à chacune des réalisations des députés. Ces classements sont publiés dans la presse (Le Point, L’Express, Le Nouvel Observateur) au cours des années qui suivent. Dans les années 1990, l’intérêt pour ce genre de classement décroît. La tendance redémarre en 2006, alors que le journaliste Vincent Nouzille cosigne le livre Députés sous influence. L’ouvrage, consacré au lobbying à l’Assemblée Nationale, est complété par une évaluation de l’activité des députés français. Il sera suivi par divers classements de députés, publiés dans la presse, tels le hit-parade des députés de Marianne (23 janvier 2012) ou encore le classement des députés de L’Expansion (1er avril 2011). Le cabinet de conseil Interel a publié, via Le Figaro, un classement des 25 meilleurs députés et des 25 meilleurs sénateurs en 2009 et en 2010. Ce cabinet est spécialisé dans le domaine des affaires publiques et le lobbying. Nous nous appuierons sur ces classements dans la suite de notre analyse.

Dans un premier temps, nous verrons quels sont les acteurs actuellement impliqués dans la controverse  sur la mesure de l’activité parlementaire. Ensuite, nous nous intéresserons à un problème essentiel de cette démarche, qui est la définition de ce qu’est un bon parlementaire. Finalement, nous analyserons les problèmes relatifs à la quantification de l’activité parlementaire. En effet, le fait de choisir d’avoir recours à des chiffres et des statistiques pour mesurer l’activité parlementaire est loin d’être évident pour tous les acteurs de la controverse.

Suite : Les acteurs de la mesure de l’activité parlementaire

 

  1. Interview de l’assistant parlementaire