Image Map

Jeune Socialiste anonyme

 

Interview du 12/ 03 / 2014

 

Il nous a semblé important de relever et d’analyser l’opinion de personnes investies en politique sur le terrain, car ils sont directement visés par cette loi. Les Jeunes Socialistes, soutiens du parti dont cette loi d’abolition émane, nous donne ainsi un point de vue à la fois intérieur et plus reculé par rapport à l’esprit et aux objectifs de cette loi.



Que pensent les Jeunes Socialistes du projet de loi sur le cumul des mandats qui a été récemment voté à l’Assemblée ?

Les Jeunes Socialistes sont officiellement contre le cumul des mandats comme le parti socialiste lui-même. Il faut savoir que l’organisation des Jeunes Socialistes est un peu spéciale et diffère des autres organisations de jeunes militants. Tout d’abord parce qu’il s’agit d’un parti à part entière, indépendant du parti socialiste contrairement à la plupart des autres regroupements de jeunes militants. Toutefois, ce parti reste très affilié au PS puisque certains de ses membres sont cadres au PS (ces cas sont rares car il y a une limite d’âge supérieure pour adhérer au parti des Jeunes Socialistes) ; on le qualifie parfois d’antichambre du PS. On y retrouve donc les principaux courants influents du parti. Les Jeunes Socialistes n’ont que rarement des responsabilités politiques importantes, leur travail est de préparer les militants, et s’ils veulent faire une carrière politique et se présenter comme député alors ils s’affichent plutôt membres du Parti Socialiste. En effet, le mouvement des Jeunes Socialistes soutient toujours le candidat ou la liste du PS qui se présente.

Si les Jeunes Socialistes soutiennent le projet de loi pour l’abolition du cumul des mandats, c’est pour plusieurs raisons. Tout d’abord par soutien au PS, mais également parce qu’ils espèrent que l’interdiction du cumul permettra d’ouvrir la politique aux jeunes engagés et aux militants, puisque l’un des objectifs clairement affiché de cette loi est le renouvellement de la classe politique. Ils pensent que certains postes leurs seront accessibles alors qu’ils ne l’étaient pas avant car il était occupé par un élu cumulant un mandat local et un mandat national.



Quel type de postes briguent ces Jeunes Socialistes ? S’agit-il de mandats locaux ou de mandats nationaux ?

Le mouvement des Jeunes Socialistes demande à ses adhérents de s’investir surtout au niveau local : distribution de tracts, participation aux meetings pour les municipales … Les Jeunes Socialistes briguent donc essentiellement des mandats d’élus locaux comme des postes de maires, de conseillers municipaux, généraux ou régionaux. Ils voient vraiment dans cette loi la possibilité de pouvoir plus s’impliquer, d’être reconnus et de pouvoir percer dans la politique alors que cela leur était difficile. C’est une opportunité pour eux de pouvoir être reconnus pour leur implication locale dans le mouvement des Jeunes Socialistes et que ce travail ne soit pas qu’un simple travail de l’ombre mais débouche sur de vrais postes, concrets.



Et n’avez-vous pas peur que ces jeunes nouveaux élus occupent les premières places des listes mais ne soient en réalité que des pantins pour des hommes politiques plus influents qui n’ont plus le droit de cumuler mais qui seraient toujours ceux qui prendraient les décisions ?

C’est en effet l’un des risques. Les membres du mouvement en sont conscients. Toutefois, nous pensons que ce projet de loi est une superbe opportunité et nous souhaitons au moins essayer de tenter notre chance car c’est la première fois que l’on propose une telle ouverture aux jeunes impliqués en politique.

En revanche, il y a un autre aspect de la loi qui nous fait peur. Nous craignons que les parlementaires, s’ils ne sont plus élus locaux, n’aient plus le même contact avec le terrain et se reposent uniquement sur les militants et les Jeunes Socialistes pour créer le lien avec les habitants. Il se pourrait alors que cela les déconnecte, les coupe, d’une certaine façon, de la réalité et qu’ils perdent ainsi conscience des problèmes des citoyens. De plus, cela pourrait renforcer le sentiment qu’ont de nombreuses personnes d’être mal représentées par leurs élus nationaux : si ceux-ci passent leur temps au Palais Bourbon, cela sera pire encore. Nous pensons donc qu’il serait intéressant de faire des compromis et d’autoriser les parlementaires non pas à être des maires de grandes villes mais au moins à avoir un poste avec suffisamment de responsabilités pour les obliger à garder un contact important avec la population sans les inciter à délaisser leurs activités de parlementaires.



Pour vous, le cumul a un impact sur la qualité du travail parlementaire ?

Je n’en suis pas absolument certaine. La plupart des gens crie au scandale en voyant l’Assemblée Nationale quasi vide à la télévision. Ils pensent alors que les élus ne travaillent pas puisqu’ils ne sont pas présents dans l’hémicycle mais ils ne se rendent pas compte, et je ne m’en n’avais pas vraiment conscience moi non plus avant de joindre le mouvement, qu’un député a beaucoup à faire hors du Palais Bourbon. En effet, les parlementaires font beaucoup de visites dans leurs circonscription, travaillent parfois là-bas et ont aussi besoin de temps pour préparer leurs intervention à l’Assemblée, pour étudier les propositions de loi … Je pense qu’il y a là un grand problème de communication entre les parlementaires et les électeurs. En outre, j’allais oublier ce point, les discussions à l’Assemblée sont parfois très techniques et il ne sert pas à grand-chose qu’un député qui ne s’intéresse pas à un sujet aille écouter des heures et des heures de discours techniques, mieux vaut qu’il soit en visite dans sa circonscription !



Vous ne semblez donc pas entièrement favorable au projet de loi.

Non, pas entièrement c’est vrai, comme d’autres Jeunes Socialistes ou élus du PS. Je pense que le fond, l’idée, sont bons mais qu’il faudrait ajouter quelques exceptions pour laisser un peu de latitude au parlementaire afin que celui-ci ne se retrouve pas, comme je le disais tout à l’heure, coupé du quotidien de ses électeurs. Toutefois, si on entend peu ce genre de choses à gauche c’est parce qu’il est assez difficile pour le parti au pouvoir de proposer de nouvelles choses sans donner l’impression de s’opposer au gouvernement ou de ne pas soutenir les mesures qu’il prend.