Péages urbains

Interview de Matthieu GLACHANT


Quand avez-vous travaillé sur les péages urbains et pendant combien de temps ?

J’ai publié des études sur le sujet entre 2006 et 2010, je ne peux pas donner les dates précises je ne m’en souviens pas. Mais je donne toujours des cours sur le sujet.

Avez-vous pris en compte la loi Grenelle 2 qui allait être promulguée après vos travaux ?

Non pas vraiment, cela faisait longtemps que l’on parlait de projet de loi comme celui-ci, régulièrement on parlait de projets comme celui de Grenelle 2. Donc je ne l’ai pas vraiment anticipé, cependant mes travaux étudient le péage urbain en général. Il n’y a pas forcément de lien avec la législation existante. A propos de cette loi qui ne légifère que les péages de zone, elle est partiellement réussi car très contraignante : seulement une expérimentation et pendant 6 mois. Il existe déjà des péages urbains en France, mais ce sont des péages d’axes (A86 par exemple). Il existe trois sortes de péages urbains : les péages de zone, cordon et d’axes.

Est-ce que c’est à cause de cette loi contraignante qu’il n’y a pas plus de péages urbains ?

C’est une raison mais pas le frein majoritaire, c’est surtout lié à la frilosité des élus locaux car ces péages présentent un risque électoral. Mais c’est aussi lié à la conjoncture économique, un péage urbain est perçu comme une taxe et ces dernières sont très mal vues par les populations.

Cependant à long terme, je pense qu’il y en aura et j’y suis favorable. Il y des problèmes qui ne peuvent être résolus que par les péages : les embouteillages. Les transports en commun peuvent participer à la réduction des embouteillages mais pas suffisamment.

Et les systèmes qui regroupent les données de tous les utilisateurs pour diffuser l’information du trafic en temps réel ? Type Big data

Cela ne va pas changer grand-chose, il en existe déjà et ne sont pas si efficaces que cela. La majorité des embouteillages sont regroupés sur des horaires précis : le matin les gens vont au travail et le soir ils rentrent.

Croyez-vous qu’il faille que l’impulsion soit donnée par le gouvernement ou que ce sont les collectivités locales qui doivent prendre le taureau par les cornes ?

Il parait très compliqué que le gouvernement donne l’impulsion pour pousser les maires à faires des péages urbains, en effet avant la loi Grenelle 2 il y avait une loi qui interdisait les maires d’installer des péages urbains. C’est quand même hallucinant, qu’une solution locale à un problème local soit interdite de la sorte aux élus locaux ! Inciter les maires reviendrait à un renversement total qui n’est pas prêt d’arriver. Je pense que c’est aux élus locaux et métropoles de décider.

Vous avez étudié les possibilités de faire un péage urbain à Paris, quelles ont été vos conclusions ?

On parle beaucoup de faire un péage urbain de zone comme celui de Londres dans le cœur de Paris cependant quand on y regarde bien il n’y a pas tant de congestion dans Paris intramuros mais surtout aux alentours sur les axes autoroutiers. De plus c’est un dispositif très cher à mettre en place, alors qu’il est beaucoup plus simple d’augmenter la taxe sur l’essence si l’on fait un péage global. De plus, le réseau de transport en commun à Paris est saturé, il faudrait donc augmenter sa capacité ce qui reviendrai très cher. Vu que les axes congestionnés sont ceux en dehors de Paris intra-muros, la solution qui me paraît la plus adaptée est de faire des péages d’axes, pourquoi ne pas rendre le périphérique payant ? Le réel enjeu est sur l’agglomération. De plus le problème du péage urbain est qu’il est très compliqué de faire des tests vu les coûts monstrueux de mise en place. Je suis totalement pour les tests mais c’est difficilement applicable aux péages urbains.

Que pensez-vous des inégalités créées par les péages urbains dont parlent beaucoup les généralistes?

C’est en moyenne un problème qui n’existe pas, un péage urbain prend grosso-modo de l’argent aux riches pour le distribuer aux pauvres (voirs slides du cours de M Glachant). Il existe forcément des caas particuliers où une personne est tributaire de sa voiture pour aller travailler, mais dans ce cas des aides peuvent être allouées à ces personnes par les mairies comme ce qui est fait avec les tarifications spécifiques des transports en commun pour les personnes qui en ont besoin.

Le gros problème du péage urbain est son coût d’installation et son coût d’exploitation, environ 25% des recettes générées. Ce n’est pas un outil pour générer de l’argent, il serait beaucoup plus efficace d’augmenter le prix de l’essence. De même, l’argument écologique n’est pas valable pour le péage urbain, la pollution ne s’arrête pas à la limite du péage urbain, ceux qui sont autour ne paient pas et polluent quand même. De plus, en prenant l’exemple de Paris, la circulation dans Paris intra-muros représente 15% de la circulation de l’agglomération, une diminution de 10% de la circulation due au péage urbain entrainerait une diminution de 0,85% des gaz à effet de serre. Il est beaucoup plus efficace d’augmenter le prix de l’essence. Le péage urbain est un outil localisé.

Quels sont les ordres de grandeur d’investissements dans un péage urbain pour une ville telle que Paris ou Lyon ?

Je ne les ai pas en tête et je ne peux vous les donner mais ça peut se trouver dans les travaux de Charles Raux, Remy Prud’homme, Pierre Kopp notamment.

Que pensez-vous de l’efficacité à long terme du péage urbain ? Si le trafic raugmente après quelques années comme c’est le cas à Londres par exemple.

Je n’étais pas au courant de la ré augmentation du trafic à Londres mais le résultat qui compte pour un péage urbain est la vitesse moyenne, à Londres elle est passé de 2,3min/km à 1,7min/km ce qui représente une augmentation de 30% de la vitesse moyenne. Si le trafic raugmente il suffit d’augmenter le prix, si le but du péage urbain est vraiment de réduire le trafic.

Faire payer l’accès à une ville comme à Londres ne peut il pas bloquer ou tout du moins freiner l’économie ?

Dans un sens oui, mais d’un autre coté un certain niveau de congestion freine aussi l’économie car la perte de temps est facilement traduisible en perte d’argent. Après qu’est ce qui coûte le plus cher entre les deux pour les utilisateurs? C’est une question à étudier. Le temps perdu dans les bouchons représente de l’argent qui est perdu par tous, il n’est récupéré nulle part alors qu’avec un péage urbain cet argent peut être réutilisé. Pour financer des transports publics par exemple. Il y a bien sûr un lien entre fiscalité, activité et congestion. Il n’y pas de réponse générale à cette question.

Il faut se demander combien les gens sont prêt à mettre pour gagner du temps et étudier cela à l’aide d’une étude coûts-Bénéfices.