Dialogue social

Dialogue social

Nous avons pu découvrir que la modification du Code du Travail amène la recentralisation des négociations entre syndicats et patronat au sein de l’entreprise. C’est l’inversion de la hiérarchie des normes (cf onglet Hiérarchie des normes) qui conduit à la suprématie des accords d’entreprise. Le manque de compétitivité des entreprises françaises ainsi que des chiffres du chômage toujours plus inquiétants ont poussé le gouvernement à rédiger ce projet de loi. Celui-ci doit par exemple permettre de moduler les effectifs d’une entreprise en fonction de ses besoins afin d’être compétitive. L’objectif du gouvernement est de promouvoir le dialogue social. Ce projet de loi permettrait à chaque entreprise de décider de ses règles : chaque entreprise aurait son propre Code du Travail., ce qui est contesté par Myriam El-Khomri : «Il n’y aura pas un code du travail par entreprise, contrairement à ce que nous pouvons entendre : la loi demeure comme cadre, mais la diversité des entreprises et des statuts est une réalité» [1]

Cependant, d’après l’INSEE, il y a 23,9 millions de salariés en France et le taux de syndicalisation est de 7,1 pour 100 salariés. C’est le taux le plus bas de tous les grands pays industriels. On peut répondre alors que le bon critère à observer pour évaluer le syndicalisme en France est celui de la présence syndicale dans les entreprises et les administrations.  Cependant, à titre d’exemple, lors de son congrès de 2016, la CGT a précisé ne rayonner que sur un quart du salariat. Toutes ces données s’accordent donc vers la constatation suivante : on assiste à un affaiblissement continu des syndicats en France.

Or, la loi Travail, en recentrant les négociations au sein même de l’entreprise, pense garantir un juste dialogue social. Tous les syndicats ont d’ailleurs signé ce projet de loi pour recentraliser les négociations au sein de l’entreprise – sauf FO qui craignait une inversion des normes et un affaiblissement du pouvoir syndical. Cependant, pour négocier, il faut deux acteurs et le deuxième acteur (les syndicats) se considère être en grande faiblesse par rapport au premier (le patronat). Par conséquent les syndicats sont en mesure de se demander s’ils ont réellement le pouvoir de s’opposer aux volontés patronales.

En plus de leur faible représentativité, un autre phénomène alimente l’interrogation au sujet du réel pouvoir des syndicats de dire non. En effet, le délégué syndical est un employé de l’entreprise et se retrouve confronté à ses supérieurs pour négocier. Comment parvenir à s’opposer aux volontés de la direction sans mettre en péril sa propre carrière? De plus, c’est le patron qui fixe les moyens alloués aux syndicats au sein de l’entreprise. Il existe par conséquent une dépendance intellectuelle et matérielle des syndiqués envers la direction de l’entreprise, ce qui renforce énormément la difficulté de s’opposer aux volontés du patron. En outre, celui-ci peut avoir recours à des avocats, juristes ou consultants. Ainsi, la négociation paraît encore plus déséquilibrée à la défaveur du délégué syndical n’ayant pas une culture juridique aussi étendue que celle de la partie adverse. La situation serait ainsi assez différente si le négociateur syndical était un salarié du syndicat, et non un salarié de l’entreprise, comme c’est le cas dans la plupart des grands pays industriels. Théoriquement, placer les accords d’entreprise au-dessus des accords de branche et donc positionner les négociations au cœur de l’entreprise paraît pouvoir garantir une équité dans le dialogue social (signature de tous les syndicats sauf un) mais la mise en situation amène les syndicats à penser que l’équité du dialogue social est bien difficile à atteindre en raison de la dépendance du délégué syndical envers son patron. En effet, un Observatoire de la discrimination et de la répression syndicale créé en 2013 a mené une enquête sous l’égide de plusieurs syndicats comme la CFTC, la CGT, FO ou encore le Syndicat des Avocats de France et le Syndicat de la Magistrature montrant que le délégué syndical était sujet à une discrimination au sein de l’entreprise au sujet de sa carrière pouvant aller jusqu’à des pénalités salariales.[2]

Ce changement de position des syndicats face à la recentralisation des négociations au sein de l’entreprise est le reflet même que l’équité du dialogue social est un point controversé. Donc il s’inscrit parfaitement comme un élément majeur dans cette controverse autour de la loi EL Khomri.[3]

  1. Alemagna, L. (2016, mai 8). Inversion de la « hiérarchie des normes », la pomme de discorde décortiquée. Libération. Consulté à l’adresse : http://www.liberation.fr/france/2016/05/08/inversion-de-la-hierarchie-des-normes-la-pomme-de-discorde-decortiquee_1451312
  2. Breda, Thomas (2016, janvier 26). La réforme du code du Travail. La vie des idées. Consulté à l’adresse : http://www.laviedesidees.fr/La-reforme-du-code-du-travail.html
  3. Andolfatto D., Labbé D. (2016). La réforme, la rue et les syndicats., 156, 825-832. Consulté à l’adresse :
    http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=COMM_156_0825&DocId=26255&hits=5446+5443+5441+7+4+2+

 

 

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