Temps et coût du travail

Temps et coût du travail

Le temps de travail a été l’un des points les plus sujets à controverse dès l’apparition du projet. Le rapport Combrexelle préconisait ainsi la fin pure et simple des 35 heures, idée écartée très tôt par le gouvernement Valls car jugée trop dangereuse à deux mois des élections régionales. Cependant, au cours des débats durant l’adaptation de la loi, des propositions ont semblé mettre ces 35 heures en sursis. Hollande affirme par exemple en janvier 2016 que le nombre et la majoration des heures supplémentaires pourront être fixés par accord d’entreprise, provoquant un véritable tollé à gauche. Le gouvernement fera de nombreux volte-face sous la pression des syndicats (Medef d’un côté, syndicats contestataires comme la CGT de l’autre) et d’une partie du PS avant l’adaptation du texte final en août 2016, qui permet de majorer les heures supplémentaires à 10% par accord d’entreprise, sans qu’un accord de branche ne puisse s’y opposer.

Evolution du régime d’heures supplémentaires

La loi El Khomri dans sa version finale facilite également l’augmentation de la durée hebdomadaire de travail : la moyenne hebdomadaire sur 12 semaines peut, par accord d’entreprise, passer à 46 heures (44 heures au maximum auparavant).

Faciliter les heures supplémentaires et autoriser l’augmentation de la durée hebdomadaire est vu par les frondeurs comme contraire aux valeurs du socialisme : “Cette loi n’est pas une loi de gauche” pour Martine Aubry le 25 février 2016 au micro de RTL. Le site loitravail.lol, qui héberge la pétition lancée par Caroline de Haas contre la loi travail, dit lui que “ce n’est pas de la flexibilité, c’est carrément de l’élasticité !”. Nombreux sont ceux qui défendent le bilan des 35 heures, et sont donc opposés à une augmentation du temps de travail : « les 35 heures ont créé au moins 350 000 emplois » nous a rappelé Anne Eydoux durant un entretien.

Ce débat sur l’élasticité a repris de la vigueur mi-2017 avec l’arrivée à l’Elysée d’Emmanuel Macron : “ Emmanuel Macron a en effet promis d’étendre sa logique – la primauté de l’accord d’entreprise sur les accords de branche professionnelle ainsi que sur le Code du travail – à d’autres domaines que ceux traités par le texte de Myriam El-Khomri : la durée du travail, les repos et les congés. Et par ordonnances, qui plus est.” [1]

Macron semble également vouloir adapter la durée de travail à l’âge : « Les jeunes veulent travailler plus et les vieux doivent travailler moins ». Telle est la philosophie d’Emmanuel Macron , qui prône donc une durée hebdomadaire qui fluctue avec l’âge. « Il faut s’adapter aux individus. On peut ainsi imaginer que les branches professionnelles négocient une possibilité pour les salariés qui le souhaiteraient de travailler moins à partir de 50 ou 55 ans : 30 heures, 32 heures, pourquoi pas ? En revanche, quand on est jeune, 35 heures, ce n’est pas long. Il faut donc plus de souplesse, plus de flexibilité. »  [2]. Celui qui est depuis devenu Président de la République argumente : non seulement les jeunes ont plus d’énergie, mais en plus lui et l’employeur veulent qu’il apprenne son métier, progresse plus en travaillant plus. Il paraît même vouloir aller encore plus loin, sans l’annoncer clairement pour l’instant : il “caresse surtout l’idée de laisser les entreprises fixer elles-mêmes leur durée hebdomadaire de travail” [1] .

Quels effets peut-on attendre d’un allongement du temps de travail ? Selon Stéphane Carcillo, professeur d’économie à Sciences Po, [1] augmenter le temps de travail ne créera pas d’emplois, car on n’assistera pas à une baisse du coût du travail. Pour Patrick Artus, directeur de la banque Natixis, “Les négociations décentralisées entreprise par entreprise permettent un rapprochement des coûts avec la réalité de la productivité des entreprises” [1]. C’est donc aligner salaires et temps de travail sur la productivité qui maintiendrait la compétitivité. A l’inverse, “le FO et la CGT y voient plutôt une course mortifère au moins-disant social dans laquelle celles-ci seraient obligées de s’aligner sur les règles les moins protectrices pour les salariés” [1]. On retrouve ici l’opposition entre deux modèles.

Enfin, selon Anne Eydoux, la compétitivité des entreprises ne s’améliorera pas en cherchant à tout prix à diminuer les coûts : « Les pays d’Europe, s’ils cherchent la compétitivité par les coûts, ils seront toujours perdants par rapport à la Chine ». Selon elle, il faut donc chercher à améliorer la qualité, relancer l’innovation plutôt qu’allonger le temps de travail ou diminuer le coût du travail.

  1. Vignaud, M. (2017, mai 26). Réforme du travail : ce que Macron a dans la tête. Le Point. Consulté à l’adresse http://www.lepoint.fr/politique/reforme-du-travail-ce-que-macron-a-dans-la-tete-26-05-2017-2130448_20.php
  2. Emmanuel Macron annonce ses 8 mesures chocs dans « l’Obs ». (2016, novembre 9). Consulté 5 juin 2017, à l’adresse http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/election-presidentielle-2017/20161108.OBS0914/emmanuel-macron-annonce-ses-8-mesures-chocs-dans-l-obs.html

 

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