SÉLÉCTION

Paramètres et critères d'affectation

 

           Les deux algorithmes que sont APB[1] et Affelnet[2], utilisent tout deux des variables d’affectation pour répartir les élèves. Mais comment sont répartis les élèves ? En étudiant plus en détails les paramètres d’affectation, nous pouvons premièrement comprendre la répartition obtenue mais nous pouvons aussi obtenir les premiers éléments d’analyse sur les critiques qui peuvent être formulées à propos de l'affectation algorithmique.

Des étudiants confus face à la multiplicité de sources d'informations contradictoires

             Comme cela a été abordé dans le sous-noeud légalité, les étudiants sont souvent noyés sous les informations et les recommandations qui leur sont faites pour optimiser leurs chances d'être sélectionnés dans la filière de leur choix. Ainsi, en plus de devoir formuler des voeux de formations qui seront déterminants pour leur avenir, ils ont souvent du mal à savoir quels sont les critères pris en compte et leur poids respectif. En effet, il existe plusieurs guides pour les aiguiller, mais ceux-ci contiennent des informations nombreuses et diverses, voire contradictoires. Par exemple pour APB, on peut citer trois sources d'informations où les instructions ou recommandations données ne se recoupent pas :

  • l'Inspection Générale de l'Education Nationale (IGEN) précise comment est faite la sélection pour les filières sous-tension (constitution de groupes en fonction de l'ordre du voeu) ;
  • le Guide du Candidat (sur le site d'APB) définit les critères pris en compte dans la sélection comme le domicile ; 
  • le Code de l'Education donne trois autres critères dont la situation familiale par exemple (mais qui n'est pourtant pas mentionnée dans le Guide du candidat).

 

 

Critères sur AFFELNET : nombre de voeux limités et bonus boursier


 Affelnet : algorithme inspiré de la théorie d'appariement de Gale et Shapley

          Affelnet, qui permet de classer les vœux d’orientation de tous les élèves de troisième afin de leur proposer une place dans un lycée, est codé selon la théorie d'appariement formulée par Gale et Shapley en 1962. Dans un article nommé “Choix d’école en France : une évaluation de la procédure Affelnet” de Victor Hiller et Olivier Tercieux [3], les chercheurs expliquent que la procédure Affelnet correspond à la procédure d’acceptation différée école-proposant, définie par Gale et Shapley. Affelnet a donc été créé sur ce modèle et de fait, Tercieux et Hiller disent qu'il en découle ainsi un certain nombre de propriétés de la procédure Affelnet. En particulier, elle est stable et difficile à manipuler. Néanmoins, à la théorie de la répartition initiale de 1962, l’algorithme Affelnet ajoute deux composantes : la limite sur le nombre de vœux que les parents peuvent reporter, ainsi que l’existence d’un bonus pour les écoles classées en premier dans la liste de préférences, qui permet donc une complexification de la théorie d’appariement de référence. Ce sont notamment ces deux variables qui créent un biais par rapport au modèle d’appariement de Gale et Shapley et cette distorsion est susceptible d’affecter grandement l’efficacité de l’algorithme.

Nous évaluons aussi le mécanisme Affelnet lorsque sont autorisées les deux variantes précédemment citées : la limite sur le nombre de vœux que les parents peuvent reporter et le « bonus premier vœu ». Nous soulignons au travers d’exemples que l’existence d’une telle limite génère des problèmes importants de non-affectation et de manipulabilité : les stratégies de manipulation deviennent en effet très simples et très accessibles pour des parents relativement bien informés. La présence d’un « bonus premier vœu », i.e., la possibilité de bénéficier d’une plus haute priorité dans une école si elle est classée en premier, a également des conséquences néfastes en terme d’incitations : les parents peuvent n’avoir même plus intérêt à être sincères sur leur premier vœu alors même qu’ils y ont intérêt en l’absence du bonus.

Hiller, Victor, Tercieux, Olivier. « Choix d’écoles en France : une évaluation de la procédure Affelnet ». 

Procédure sur Affelnet

            La procédure Affelnet prévoit que l’élève et sa famille ont la possibilité d’inscrire entre trois et huit vœux. Un vœu équivaut à un établissement, sauf pour la filière professionnelle où il correspond à une formation spécifique dans un établissement. Dans certains établissements néanmoins, l’affectation ne dépend pas du classement Affelnet, mais d’une procédure spécifique. C’est le cas, par exemple, à Paris pour les lycées Henri-IV ou Louis-le-Grand, qui bénéficient d’une dérogation au droit commun, mais aussi pour certaines sections internationales ou formations rares, comme le démontre l'article de Séverin Gravelau, de Le Monde "Affelnet : comment fonctionne le logiciel d’affectation dans les lycées"[4]

 

Trois principaux critères de sélection

               Généralement, on s’accorde à dire que la procédure Affelnet se fonde sur trois principaux critères, qui sont :

  • le lieu d’habitation de l’élève (critère géographique)
  • ses résultats scolaires (critère scolaire)
  •  le statut de boursier (critère social).

         Cependant chaque académie possède un pouvoir d'appréciation sur ces critères. Ainsi, par exemple, d’autres catégories sont susceptibles selon les académies, d’accorder des points bonus aux élèves comme le “bonus pour le vœu numéro 1”- qui accorde alors à l’élève des points supplémentaires si l'établissement est le premier choix de l’élève-, le “rapprochement de fratrie” - si un frère ou une sœur est déjà scolarisé dans l’établissement- , l’handicap ou le suivi médical ou encore la pratique d’un sport de haut niveau. Ces derniers critères peuvent permettre d'obtenir une dérogation, qui en cas d'obtention, restera valable pour toute la scolarité de l'élève. Ces dernières font notamment débat en ce qui concerne les inégalités qu'elles peuvent apporter.

 

Critère scolaire

        Pour la rentrée 2017, le critère scolaire se fonde sur le socle commun de compétences  qui comprend huit composantes telles que “la formation de la personne et du citoyen”, “les langages pour penser et communiquer”, “les méthodes et outils pour apprendre” mais se fonde aussi sur les sept champs disciplinaires qui sont en fait les matières suivantes à maîtriser : français, mathématiques, histoire-géographie, langues, arts, Éducation Physique et Sportive (EPS), sciences et technologie. Les champs disciplinaires sont convertis en points d’après la règle établie dans ce tableau :

Les résultats des évaluations périodiques dans chaque grand champ disciplinaire sont convertis en points avant d'être renseignés dans Affelnet. // © Académie de Lyon

Les compétences, quant à elles, seront évaluées selon quatre points - maîtrise insuffisante, maîtrise fragile, maîtrise satisfaisante, maîtrise très satisfaisante. Les points de chaque élève sont alors comptabilisés avec comme maximum 8000 points au total -  2000 points maximum pour les champs disciplinaires et 6000 points pour les compétences -  que le rectorat aura obtenu par un lissage des notes de chaque matière, en l’espèce le fait de ramener pour chaque champ disciplinaire (moyenne annuelle) la moyenne à 10 avec un écart type de 1.

Critère social

En ce qui concerne le critère social, à savoir le possible statut de boursier, il s'élève à hauteur de 4000 points depuis 2017 et est binaire : l’élève obtiendra soit ces 4000 points, soit 0.

 

 

Critère géographique

Enfin, en ce qui concerne le critère géographique, que nous étudierons plus en détails dans la partie réservée sur la carte scolaire, dans l’académie de Paris, 8000 points (sur les 20 000 points au total que peuvent rapporter les trois principaux critères) sont attribués pour le secteur géographique tandis qu’à Bordeaux, le lieu de résidence ne comptait en 2016, que pour 1 500 points, contre 5000 à Lyon par exemple. Le nombre de points attribués pour chaque critère dépend donc du rectorat qui fixe le barème.

 

           Une fois le nombre de points attribué, le rectorat établit alors un classement des élèves dans chacun des établissements demandés. Selon l’académie à laquelle il est rattaché, l’élève voit donc ses critères d’affectation différer. Pour Julien Grenet [5], les critiques ne portent donc pas sur l’usage d’algorithmes mais plutôt sur les différents critères utilisés pour effectuer l’appariement. Ainsi, il semblerait que l’inefficacité relative des algorithmes d’affectation, qui lui est souvent reproché, n’est pas due aux algorithmes en eux-mêmes mais est plutôt révélatrice de politiques d’admission qui fonctionnent mal.

              Le choix des critères sur le fonctionnement des algorithmes par les académies est donc proéminent. Ce sont elles qui peuvent par exemple favoriser la mixité sociale en donnant de l’importance au critère social (voir mixité).

 

Critères sur Admission Post-Bac

              Admission Post Bac, ou plus simplement APB, est la plateforme qui permet aux étudiants bacheliers de faire leurs choix pour leurs études supérieures.

Sur le site du Ministère de l’Education Nationale il est indiqué que  :

“ La plateforme Admission Post-Bac permet la préinscription des étudiants en 1ère année de licence et coordonne les admissions dans les formations sélectives publiques et privées (STS, IUT, Écoles …) qui participent à la procédure afin d'accroître les chances d'admission dès fin juin du plus grand nombre de candidats. Environ 90% des élèves ont leur affectation définitive dès début juin.”
Ministère de l'Education Nationale

 


Des procédures différentes selon la capacité d'accueil de la formation

 

           Pour les formations sélectives, les dossiers sont analysés directement par les établissements concernés : l’algorithme d’APB sert seulement d’intermédiaire entre les futurs étudiants et les établissements. Pour les formations sans limite de capacité d'accueil, toutes les candidatures sont acceptées en théorie. Enfin, concernant les formations à capacité d'accueil limitée, qui est un phénomène de plus en plus courant de nos jours, la procédure APB peut alors se compliquer. En effet, dans ce cas, l’algorithme repose sur un « traitement automatisé critérisé » (communiqué du gouvernement du 1er juin 2016) , qui s’applique quand le nombre de candidats est supérieur à la capacité d'accueil de l’établissement demandé. C’est notamment le cas en PACES (Première Années Communes aux Études de Santé) et des licences comme STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) mais de plus en plus aussi dans des filières telles que le droit ou l’économie.

             Un classement est alors établi selon plusieurs critères (cette fois-ci nationaux), qui sont entre autres :

  • L'académie : si l'académie qui correspond eu lieu d’habitation du candidat est la même que celle ou il a passé son baccalauréat, alors ce candidat sera classé devant un candidat venant d’une autre académie. Ce critère a souvent été critiqué pour les universités parisiennes telles que la Sorbonne Paris-I, qui voit donc sa population être principalement parisienne.
  • Le rang attribué à la formation dans les choix de l’élève : le candidat ayant classé sa licence au rang 1 sera positionné devant celui l'ayant classée au rang  2 et ainsi de suite.

             Mais aussi, ce classement peut s’effectuer selon :

  • La moyenne générale de l’élève : le logiciel APB peut classer les candidats en fonction de leur moyenne générale
  • Le niveau de l’établissement
  • Le rang de l’élève dans la classe
  • Le niveau dans certaines matières : en fonction de la filière désiré, certaines matières vont être privilégiés par rapport à d’autres.
  • Le statut de boursier : en cas d'hésitation entre deux dossiers de même niveau, un élève boursier sera souvent privilégié par le recruteur.

[1] Admission Post Bac (APB), plateforme nationale de l’algorithme d'appariement dans le supérieur https://www.admission-postbac.fr 

[2]  Affectation des Elèves par le Net (Affelnet Paris), plateforme parisienne de l’algorithme local d’appariement au lycée https://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p2_943816/affelnet-comment-ca-marche

[3] HILLER, V., TERCIEUX, O. « Choix d’écoles en France : une évaluation de la procédure Affelnet ». Revue économique 65, no 3 (28 avril 2014): 619-56.

[4] Graveleau S.(2017, 22 mars). Affolent : comment fonctionne le logiciel d'affectation dans les lycées.Le Monde Campus. Disponible sur : http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/03/22/affelnet-comment-fonctionne-le-logiciel-d-affectation-dans-les-lycees_5099037_4401467.html#QCXqPO7muk71RqoG.99.[Consulté le 24/05/2017]

[5] FACK, G., GRENET, J., BENHENDA, A., Institut des Politiques Publiques [2014], L’impact des procédures de sectorisation et d’affectation sur la mixité sociale et scolaire dans les lycées d’Île-de-France, 196 pages. Disponible sur : http://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2014/07/impact-sectorisation-affectation-mixite-lycees-idf-rapport-IPP-juin-2014.pdf  [Consulté le 02/04/2016]