PRÉSENTATION GÉNÉRALE

       La lutte contre les ghettos scolaires et les inégalités scolaires est depuis un certain nombre d’années l’une des priorités du gouvernement. De nos jours, la répartition des élèves se fait grâce à des algorithmes, et ce de plus en plus tôt - comme en témoigne la généralisation récente de l’algorithme Affelnet 6ème à Paris qui permettra l’allocation des élèves dès la classe de 6ème ainsi qu’une plus grande mixité scolaire en théorie. En France, depuis la fin des années 2000, deux principaux algorithmes sont utilisés : Affelnet (pour le collège hors académie de Paris et lycée) et Admission Post-Bac (APB) pour les études supérieures. Si la rationalisation de l’affectation grâce à l’utilisation de tels algorithmes est globalement saluée, ceux-ci font néanmoins débats sur deux points principaux, à savoir la mixité scolaire et sociale ainsi que la légalité et la transparence.

       Premièrement, les variables prises en compte par les algorithmes et leur poids respectif restent assez flous : chercheurs (Grenet, Fack, Piketty), think tank et associations (TerraNova, Droits des Lycéens), ou encore élèves/étudiants et leurs parents mettent en question la légalité et de la transparence de tels logiciels d’appariement. La loi de la République Numérique de 2016 prône une plus grande transparence de ces algorithmes face aux contestations grandissantes de leur opacité. Toutefois, le manque d’information maintenu par certains politiques (sénateurs, recteurs, députés, Ministre de l’Enseignement Supérieur) créée à la fois un manque de confiance dans ces algorithmes et donc des contestations - au sein même de la sphère politique - , mais aussi des inégalités, car seuls les plus informés peuvent procéder à des “stratégies d’évitement”, comme l’a évoqué Grenet, et à une utilisation optimale de ces outils.

       L’Association Droits des Lycéens s’est alors saisie de la question et est parvenue à obtenir la publication d’une partie du code de l’algorithme APB après saisine de la CADA. Néanmoins, les documents communiqués par le ministère ne permettent pas réellement de pallier l’opacité de l’algorithme et cela témoigne du fait qu’il se montre assez peu coopératif - sa posture étant par exemple jugée “scandaleuse” par Piketty - laissant le débat quant à la non transparence de tels algorithmes quasi intact.

        Par ailleurs, l’utilisation d’algorithmes d’allocation des élèves soulève la question de la sélection et des inégalités sociales et scolaires qu’elle peut engendrer. Le choix des critères d’affectation, compétence attribuée au recteur d’académie, est au centre du débat, provoquant de vives tensions entre les secteurs privé et public. Par exemple, Julien Grenet qui est chargé de recherche au CNRS, dans ses études sur Affelnet, a mis en exergue le rôle prépondérant des critères qui sont choisis, car ces derniers peuvent permettre de favoriser la mixité scolaire et sociale ou, au contraire, la freiner. D’autres, comme Clément Baillon, fondateur et ancien directeur de l’Association Droits des Lycéens, pensent qu’APB n’est que l’outil qui permet l’affectation des élèves : les algorithmes n’auraient pas d’impact sur la mixité. En ce sens, l’inefficacité relative des algorithmes d’affectation ne serait donc pas due aux algorithmes en eux-mêmes mais serait révélatrice d’un déterminisme social latent, notamment dans l’orientation.

DÉMARCHE DE RECHERCHE

QUELS ALGORITHMES ? 

 

          Nous nous sommes aperçus que quasiment seuls les algorithmes d’APB et d’Affelnet étaient évoqués dans la presse et autres supports. Nous avons donc restreint le sujet de notre controverse à ces deux entités, ainsi qu’à l’une de leur descendance : le projet des secteurs multi-collèges en expérimentation à Paris. Ainsi, nous traitons les trois niveaux d’enseignement, sans nous attarder sur d’autres algorithmes, peut-être un peu moins importants (comme celui de Dauphine par exemple).

 

Pour mieux comprendre le fonctionnement des deux algorithmes, cliquez sur les logos correspondants ci-contre :

 

 

QUEL CADRE TEMPOREL ?

En ce qui concerne la temporalité de la controverse, nous n’avons exclu aucune période. La seule chose à constater est qu’il y a une réelle explosion des documents trouvés à partir des années 2010 (dans toutes les sphères de documentation).

Lorsque nous avons commencé à regrouper les différents articles, nous nous sommes rapidement rendu compte que c’est à partir de 2016 que les résultats sont les plus nombreux. On observe un pic de résultats à partir de juin 2016, mois des résultats des premières phases d’APB. On retrouve alors beaucoup d’articles à propos de réactions d’élèves et leurs parents, ainsi que l’intervention d’associations notamment, de parents ou d’élèves. Il se poursuit en juillet, au moment de la communication des résultats d’affectation définitifs après la dernière phase d’APB. On trouve également énormément d’articles en septembre, mois de la rentrée scolaire, période à laquelle les débats sont ravivés. A ce moment-là, chercheurs et politiques sont mobilisés, et même la justice (quand certaines situations incompréhensibles se produisent, comme les non-affectation de bons élèves ou en filières non sélectives). Pour l’année 2017, on remarque également que l’on a des articles autour de janvier et mars, le premier étant le mois d’ouverture d’APB, le second le mois après lequel les lycéens ne peuvent plus rentrer de nouveaux voeux. On retrouve beaucoup d’articles descriptifs et informatifs, mais aussi des articles qui soulèvent les inquiétudes des élèves et leurs parents en raison de l’opacité du système. Peu d’auteurs apportent de nouvelles informations à ce moment-là, mais leurs arguments sont rééxploités.

Par exemple, lorsque l’on tappe sur Europresse l’équation “algorithme” et “affectation”, on obtient le graphique suivant.

On observe donc un pic fin janvier 2016, date de l’ouverture d’APB, puis en juin 2016, lors des phases de réponses et enfin en septembre, date de la rentrée.

QUEL CADRE SPATIAL ?

Peu de ressources étrangères nous ont paru être liées à la controverse en France. En effet, à propos des algorithmes dans l’éducation en France, on trouve très peu, voire aucun, document sur le sujet. Ainsi, le cadre spatial de nos recherches pour alimenter notre corpus s’est limité aux documents français.

Par ailleurs, nous avons décidé de nous restreindre majoritairement au cas français pour le sujet en tant que tel. Il semblerait que pour l’heure, la presse et les chercheurs étrangers ne se soient pas emparés d’une controverse autour d’un potentiel manque de transparence et de mixité dans l’allocation des élèves effectuée par les algorithmes étrangers. Les questions soulevées en France quant à l’utilisation de ces algorithmes semblent être ainsi des problématiques qui demeurent spécifiquement attachées au pays. D’autres éléments pris en compte dans l’entrée dans les établissements scolaires, comme le revenu aux Etats-Unis par exemple, constituent davantage le point de concentration des intellectuels étrangers que celui d’une juste utilisation des algorithmes.

Sources de la vidéo


 Par ordre d'apparition 

[1] Hussonnois-Alaya C. (2017 mars 14).  Entrée au lycée: comment seront affectés les élèves ?, 1min22s, Disponible sur http://www.bfmtv.com/societe/entree-au-lycee-comment-seront-affectes-les-eleves-de-3e-en-seconde-1120803.html, [Consulté le 23/05/2017]

[2] Eurokaner, (2011 avril 14), Les coulisses de la carte scolaire, 30min32, Disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=_MEB8bADYz8

[3] Delahousse L. (2017 mars 19), JT de 20h : Lycéens, l’heure du choix, 50min18, Disponible sur http://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/jt-de-20h-du-dimanche-19-mars-2017_2093807.html, [Consulté le 28/03/2017]

[4] Roux C. (2015 mai 11). « Najat Vallaud-Belkacem, seule contre tous », C dans l’air,  64 min, Disponible sur https://www.france.tv/france-5/c-dans-l-air/64333-najat-en-premiere-ligne.html [Consulté le 20/05/2017]

[5] Lamibe M. (2015 avril 1). Education : les revers de la carte scolaire, 4min31, Disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=Xd75inabYqE,  [Consulté le 17/04/2017]

Acteur: Astrid Aulanier