Entretien avec Sandra Fournier, de l'APHP, en janvier 2010.

Responsable de la prévention des risques sanitaires liés à l'APHP, qui a coordonné le dossier grippe

Quelles ont été les attentes de l'État français concernant l'APHP ?

L'APHP c'est 38 hôpitaux, 100.000 personnes. L'APHP définit les grands axes politiques de tous les hôpitaux. Personnellement, je fais partie de la direction politique médicale chargée des infections nosocomiales et professionnelles. Dans ce cadre, je dois organiser la vaccination du personnel médical contre la grippe H1N1.
Le premier contact avec l'État français s'est fait le 5 août par une circulaire qui trace les grandes lignes de la vaccination. À ce moment-là, dans la circulaire, il est précisé que le vaccin sera administré en deux injections.
Or, comme je travaille par ailleurs à l'agence du médicament, j'ai su dès le mois de juin que l'État prévoyait d’acheter de grandes quantités de vaccins (sans encore savoir lequel ni le nombre de doses nécessaires). Comment ? En mettant à jour les vaccins destinés à la grippe H5N1 L’APHP a dû anticiper : en juin a été désigné dans chaque hôpital un responsable vaccination qui a lui-même identifié un réseau de vaccinateurs, car il était clair que la médecine du travail était incapable d'assumer à elle seule cette responsabilité. De plus, il a fallu mettre en place une organisation particulière à cause du format en deux injections (après la décision du mois d'août de l'État pour ce format), le vaccin de la grippe saisonnière ayant un format en une seule injection. D'autre part, une campagne de vaccination a été mise en place pour promouvoir le vaccin. Enfin, les dates de la vaccination saisonnière ont été avancées d'octobre à septembre pour pouvoir être prêt à vacciner contre la grippe A dès la réception du vaccin en octobre.

Y-a-t-il un suivi des vaccinés ?

Oui, et c’est la première fois que l'on fait ça. C'est un suivi hebdomadaire et personnel par catégories professionnelles. Il a permis l'instauration d’une fiche de traçabilité de la vaccination. Résultat : après douze semaines de campagne (qui est considérée comme finie, les gens ayant décidé de ne pas se faire vacciner étant peu susceptibles de changer d'avis), 30% du personnel médical était vacciné. Constat très intéressant (influence de la politique) : 62% des médecins se sont fait vacciner contre seulement 19% des aide-soignants. Pourquoi? Parce qu'il y a une forte opposition à toutes les décisions politisées prises par l'État de la part des professionnels, ce même État ayant supprimé beaucoup de postes d'aide-soignants. De plus, les aide-soignants sont moins sensibles à la grippe A car ils ne voient pas les patients chez qui la maladie s'est aggravée, en réanimation, ou morts.

Comment mesurer l'efficacité du vaccin ? Peut-on penser à une étude témoin pour mesurer l'efficacité du vaccin relativement au nombre de grippe A évitées ?

Non. Les études cliniques ne se font jamais en aval mais en amont avant la commercialisation du vaccin. Ce que l'on réalise également, ce sont des tests sanguins (sérologie).

Avez-vous aussi un suivi des effets secondaires du vaccin?

Il existe un recueil via la médecine du travail mais aussi un bulletin hebdomadaire de l'Afssaps.

Pourquoi vacciner les personnes âgées? Ne sont-elles pas immunisées?

Oui certes, mais elles présentent une plus grande fragilité, ce qui justifie leur vaccination. A noter par ailleurs que les mutations du virus sont complètement aléatoires (comme toutes les mutations génétiques). Elle n'est pas évolutive. Le virus ne mute pas pour s'adapter à de nouvelles défenses.

Quelle est votre position vis-à-vis des adjuvants?

Pour ce qui est des études qui soit disant démontrent la dangerosité du squalène, elles ont été faites sur des échantillons non significatifs. Plus précisément, concernant l'étude qui montre le développement de l’hépatite B chez un des sujets vaccinés, il faut savoir que l’hépatite B est virale. Elle ne peut pas, en conséquence, être provoquée par le vaccin.
Pour ce qui est du squalène, il est utilisé dans plusieurs autres vaccins : Gripguard (vaccin contre la grippe saisonnière), l'utilise depuis une dizaine d'années et 45 millions d'exemplaires ont été vendus. De plus il existe des études cliniques sur le vaccin du paludisme avec squalène.

Pensez-vous que l'utilisation du squalène était réellement nécessaire ?

Ce type de vaccin a été mis en place pour la grippe H5N1 (grippe aviaire). Comme ce n'est pas un virus destiné à l'homme, il y avait un risque que la réponse immunitaire n'ait pas lieu. En conséquence, cette grippe nécessitait une forte stimulation.
Ce qui est important à noter, c'est que la politique de vaccination contre la grippe H1N1 est calquée sur celle de la grippe H5N1.