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La quasi-faillite du hedge fund LTCM (Long Term Capital Management) en 1997 restera comme l’un des scandales les plus retentissants de l’industrie financière, et comme un complet désaveu du modèle de Black & Scholes (1973) à son géniteur qui a pourtant reçu le prix Nobel pour ces travaux la même année.

L’histoire d’un scandale

Tout commence en 1993 avec le retour de John Meriwether après deux ans de chômage forcé suite à un scandale. Ce dernier va recruter une équipe d’élite composée des traders les plus réputés (Lauwrence Hilibrand), de professeurs de renom dans les plus grandes universités (Myron Scholes, Stanford et Robert Merton, Harvard) ou encore du vice-président de la FED (David Mullins). L’idée était simple : créer un fond d’investissement hyper efficace capable de battre le marché, et ceci en s’appuyant sur des méthodes scientifiques et notamment la fameuse formule de Black & Scholes. Les investisseurs ne se font pas prier et John Meriwether récolte près d’1,25 milliards de dollars pour sa petite aventure, malgré les commissions les plus élevées (25% des gains). Et la mayonnaise prend : la première année les performances atteignent 20%, ensuite c’est +42,8% en 1995, +40,8% en 1996 et +17,1% en 1997 pour les actionnaires. L’équipe exulte et va prendre de plus en plus de confiance en investissant toujours plus, de l’argent qu’ils n’ont pas, et bénéficier un maximum de l’effet de levier. Ainsi les positions de LTCM atteignaient 1000 milliards de dollars alors que les fonds propres n’étaient que de 4 milliards et les actifs de 125 milliards de dollars. La chute ne fut que plus douloureuse

En effet, en 1997 le vent tourne, la crise asiatique ayant déjà emporté à la baisse la performance du fond cette année, ce sont les défauts de la Russie en 1998 qui vont porter le coup de grâce. LTCM qui avait alors vendu à découvert ses emprunts voit leur cours grimper. LTCM ne pourra plus vendre de positions par manque de liquidité du marché. Les modèles mathématiques de LTCM sont balayés en un mois et la FED sera obligée d’intervenir pour éviter la faillite.

Le marché plus fort que les maths

Après cet échec Robert Merton dira « stricto sensu, il n’y avait aucun risque. Si le monde s’était comporté comme il l’avait fait par le passé » (1) mais il ne s’est pas comporté comme le passé. En particulier, contrairement aux hypothèses de leur modèle, la crise a fait augmenter de manière anormale la volatilité. Les modèles mathématiques de LTCM devenaient alors caduques. Mais la gestion des nouveaux produits dérivés était en grande partie informatisée selon le modèle de Black & Scholes. Le groupe a donc subit la crise de plein fouet, amplifiée par ses modèles qui avaient faits leur fierté pendant 4 années.

On pourra retenir que le modèle semble fonctionner (au sens de faire du profit) en stabilité financière mais ne sait pas réagir aux crises. En revanche rien ne dit ici que ce modèle est responsable de la crise. Quoi qu’il en soit l’idée de Merton selon laquelle « la réalité finira bien par imiter la théorie. » semble erronée. L’histoire de LTCM montre bien les limites du modèle de Black & Scholes qui n’est donc bien qu’un modèle.

(1) Cité par Roger Lowenstein dans : When Genius Failed : The Rise and Fall of Long-Term Capital Management, 2001

Sources :

Controverse Mathématiques & Finance. Haut de page.
GILLET, LETOURNEAU, MAGNIEN, MARCILHACY, VYARAVANH-GIRARD