Entretien avec Mathieu AURIOL

Mathieu Auriol est juge aux affaires pénales de Niort.


Quel est le statut juridique de l'animal ?

Selon le Code Civil (1804), l'animal ne peut en aucun cas être considéré comme une personne. C'est donc une chose mais une chose pas comme les autres.
Le fait que ce soit une chose implique la notion de propriété et de commerce.
Le fait que ce ne soit pas une chose comme les autres implique certaines limites  (par exemple, l'existence d'une réglementation concernant les espèces protégées, la condamnation du trafic d'animaux ...).
 
Ce statut n'est plus forcément valable avec les mentalités actuelles ce qui explique pourquoi la question « les animaux ne sont-ils que des meubles ? » se pose aujourd'hui.
L'animal domestique du XIXe siècle n'est pas le même que celui du XXIe siècle.
 Si l'animal du XXIe siècle est un bien de production, aujourd'hui suite à l'individualisation des mœurs l'animal de compagnie peut être le seul compagnon d'une personne. On prend en compte la sensibilité animale, le bien être animal plus que par le passé (il existe des psychologues pour chiens).
L'animal est donc passé de simple bien de production à partie intégrante de notre quotidien.

 
La loi et la souffrance animale : Dans quelle mesure la loi prend elle en compte la souffrance animale ?
 
La souffrance animale est acceptée par la loi si elle est liée à une pratique traditionnelle (comme la corrida, ou le gavage des oies).
Ceci peut susciter des réactions de mécontentement de la part des agences de protections des animaux jugeant ces pratiques barbares.
 
Par exemple, il y a un ou deux mois, le Conseil Constitutionnel a été saisi pour savoir si la tauromachie était ou non constitutionnelle. Il a finalement refusé d'interdire la tauromachie. Les militants se sont alors tournés vers la Convention Européenne des Droits de l'Homme, ce qui peut paraître antithétique : les « droits » des animaux ne peuvent pas être comparés aux droits humains.
 
Selon l'article 1384 du Code Civil, il existe une responsabilité du fait des choses/des animaux qui même si elle est différente de la responsabilité du fait d'autrui existe. « Chaque individu est donc responsable du dommage qu'il cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses dont on a la garde ».  Il y a donc une responsabilité vis-à-vis des animaux. Par ailleurs cette responsabilité pour les animaux, suppose de leur éviter des souffrances inutiles.
 
Le droit pénal classe les infractions en trois catégories : les contraventions, les délits et les crimes.             
Il est suffisant pour condamner les comportements les plus scandaleux à propos des souffrances animales . Par exemple, l'abandon ( qui conduit à l'absence de nourriture) est une contravention, les mauvais traitements sont un délit.
 
Par exemple, il y a:
  • le groupe NTM dont le soliste avait explosé la tête d'un singe;
  • Un individu ayant jeté son chien, Pepette  par la fenêtre car ce dernier lui avait mangé son steak : c'est un délit.
Le degré de gravité, la limite entre délit et contravention peuvent cependant être subjectif : les associations d'animaux voient des infractions partout. Pour elles les animaux sont comme des enfants (on parle d'éducation canine aujourd'hui et non plus de dressage) et par conséquent elles souhaiteraient que la loi soient plus sévère.
 
Enfin, le code rural, plus moderne aborde des aspects plus spécifiques comme le braconnage, l'agriculture, la pêche, les espèces protégées...
L'ensemble de ces textes permettent ainsi d'éviter le plus possible les souffrances animales.
 
 
Et par rapport à l'abattage ?
 
S'il est vrai qu'il existe une souffrance animale, il n'en reste pas moins que l'Homme étant un être omnivore il peut par nature tuer l'animal.  La loi impose cependant des règles visant à réduire la douleur animale autant que possible.
Par ailleurs, il serait souhaitable de prendre en compte la douleur animale dans le cas de l'abattage rituel où l'on n'endort pas l'animal,
 
 
Et par rapport à l'expérimentation scientifique ?
 
Il existe déjà un cadre juridique important pour l’expérimentation scientifique. On pourrait pousser plus loin le degré de protection mais cela se ferait au détriment de la recherche.
 
 
Est-il possible de créer une 3e catégorie légale : personne/chose/animal ?
 
Il serait effectivement possible de créer cette 3e catégorie mais ce serait difficile car cette seule catégorie devrait regrouper toutes les catégories d'animaux. Si l'on commence à faire une distinction entre chose et animaux, il faut distinguer animaux domestiques, animaux sauvages et animaux d'élevage....
En effet, Médor le labrador fidèle ne pourrait pas avoir les mêmes lois/droits que Margueritte la vache.
Il y aurait donc une hiérarchisation des animaux. Mais alors comment l'établir ?
On peut établir un lien avec certaines religions qui considèrent que certains animaux sont sacrés (vache) et d'autres impies (porc).
 
Vouloir à tout prix sortir les animaux de la condition de chose relève du registre émotionnel, du raisonnement égalitaire.
Il faut éviter de considérer l'animal d'un point de vue simplement humain, anthropomorphique.
 
Par ailleurs, l'animal est soumis à son instinct. Il ne peuvent donc avoir des droits et des devoirs entre eux (seuls les Hommes peuvent avoir des obligations envers les animaux).
Leur imposer des devoirs supposerait qu'ils aient une conscience de l'interdit.
 
Par exemple, en Angleterre, au Moyen-Age, les bêtes étaient jugées et condamnées comme les Hommes. Il y avait donc des procès d'animaux.