Il est désormais possible de comprendre le véritable nœud de la controverse : il s'agit d'un décalage entre les découvertes scientifiques concernant la sensibilité animale et la façon dont cette sensibilité est appréhendée par le droit français. Pour un grand nombre d'acteurs, ce dernier ne prend pas suffisamment en compte ce caractère sensible de l'animal. Nous allons tenter ici de comprendre les propositions de ces acteurs afin de changer le statut de l'animal dans la société actuelle.
LA CREATION D'UNE NOUVELLE CATEGORIE JURIDIQUE
La première option proposée par un certain nombre d'acteurs consisterait à créer une nouvelle catégorie juridique qui prendrait ainsi en compte la particularité sensible de l'animal et le distinguerait ainsi du simple bien-meuble.C'est notamment la position des auteurs à tendance subjectiviste (qui veulent un droit de l’animal pour améliorer les traitements qu’il subit).
Pour mieux prendre en compte la sensibilité animale, sans pour autant créer une 3e catégorie juridique, des associations, comme la LFDA, ou des juristes proposent des modifications partielles de la loi. Il s'agirait plutôt de prendre en compte dans la loi les multiples avancées scientifiques concernants la sensibilité animale sans pour autant en faire un véritable sujet de droit. Le but est donc d'imposer des obligations aux hommes pour préserver la sensibilité animale.
De nombreuses associations, comme la LFDA, considèrent en effet que les découvertes scientifiques faites récemment devraient être prises en compte dans les textes français : plus un animal est sensible et plus on devrait faire état de cette sensibilité afin de lui éviter des peines inutiles. Ils proposent ainsi d’aménager la loi en conséquence. M.AUFFRET VAN DER KEMP nous ainsi expliqué que « le code civil parle de « biens meubles », il les distingue donc des autres biens, cependant ils restent considérés comme des choses. Il faudrait procéder à une harmonisation avec le code rural qui introduit la notion de sensibilité. La LFDA milite dans ce sens depuis 5-6 ans ». Dans son article SENSIBILITÉS À LA SENSIBILITÉ DES ANIMAUX EN FRANCE, il rajoute que le droit devrait se montrer plus sensible à l'acquisition de nouvelles connaissances scientifiques et à la prise en compte de la sensibilité animale.
Pour cette association, l’animal est un bien, mais un bien particulier. En effet, si on prend l’exemple d'une voiture, chaque individu s'il le désire peut détruire la sienne à coup de masse. Il fait ce qu'il veut, tant qu'il ne blesse personne. Il s’agit du « droit de jouissance ». De plus, chacun peux la vendre, c’est le « droit ce cessation ». Un animal, est aussi un bien pour cet individu. Pourtant, il ne peut pas en jouir comme il veut, (c.f Code Pénal). De plus, sa vente est accompagnée de nombreux papiers. Certains disent : « les animaux ne sont pas des sujets de droits, n’ont pas de droits, car ils ne peuvent pas contracter ». Cette assertion peut être mise en défaut, si on considère des personnes incapables, telles que les handicapés mentaux. Ils ne peuvent pas parler, pas écrire, et donc pas contracter. Pour autant, ils ont des droits. En effet, des personnes sont là pour les représenter. C'est pourquoi il n'est pas absurde de vouloir protéger l'animal en adaptant le droit.
La LFDA voudrait ainsi ajouter un article dans le code de l’environnement qui reconnaisse la sensibilité –comme définie avant- des animaux sauvages. De plus, cette association aimerait également supprimer les incohérences qui peuvent exister. Par exemple, des faisans en élevage sont considérés par le code rural comme des animaux protégés et sensibles. Par contre, dès qu’on les libère dans la forêt, ils perdent leur sensibilité. Cela peut paraître absurde. De même, un poisson utilisé comme appât dans la pêche au vif est considéré comme tenu en captivité. Le fait de l’accrocher à un hameçon le fait souffrir. Or le code pénal punit les sévices : le pêcheur devrait être puni.
Selon la LFDA, le premier objectif consiste à définir la sensibilité dans la loi. La conséquence éthique immédiate est que, si l’animal est sous notre responsabilité, on doit tout faire pour lui éviter des souffrances supplémentaires. Il faut éviter les souffrances évitables. Attention, il ne faut pas parler de « souffrance inutile », ça n’a pas de sens. On peut à la limite dire « infliger inutilement souffrance ».
De telles solutions sont dites « welfaristes », c'est-à-dire favorables à la reconnaissance de la sensibilité animale, mais pas la reconnaissance de droits animaliers. Selon M.GUICHET, « Il ne faut pas de statut de sujet de droit de l’animal car les conséquences seraient très lourdes ». Il faut tenir compte de la sensibilité animale , différencier les lois, les graduer selon les animaux. Cela passe par une sensibilisation du public à la sensibilité animale pour reprendre l'article de M.AUFFRET VAN DER KEMP, SENSIBILITÉS À LA SENSIBILITÉ DES ANIMAUX EN FRANCE.
Les modifications évoquées ci-dessus consistent pour la plupart à des changements plus ou moins profonds de la loi française. Certains acteurs sont favorables à des solutions plus radicales fondées sur la valeur de chaque individu et non plus sur le simple critère d'espèces.
Ainsi, l'ensemble des acteurs de la controverses proposent des solutions plus ou moins radicales pour prendre en considération la sensibilité animale dans la société actuelle. Cependant ces solutions restent contestées tant d'un point de vue philosophique qu'économique ou juridique.