Des désaccords entre la France et l’Europe

Les relations qu’entretiennent la France et l’Europe au sujet des problèmes de nitrate quant à leur utilisation dans l’agriculture sont parfois tendues et des contentieux peuvent apparaître. La France a ainsi été assignée à plusieurs reprises devant la Cour de Justice de l’Union Européenne entre autre pour mauvaise application de la directive dite « nitrates », directive européenne datée du 12 septembre 1991. Les dates de ces condamnations sont les suivantes:
- le 8 mars 2001
- le 23 septembre 2004
- le 31 janvier 2008
- le 13 juin 2013
Selon le site Actu-Environnement, la France devrait bientôt écoper d’une condamnation pour insuffisance des programmes d’actions.

Pour quelle raisons la France a-t-elle été condamnée?

Par un arrêt du 8 mars 2001 (affaire C-266/99), la France est une première fois condamnée à cause de la situation des eaux en Bretagne qui ne respectent pas la totalité de l’article 4 de la directive 75/440/CEE[1]. Cette directive qui date du 16 juin 1975 concerne la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production alimentaire dans les états membres de la Communauté Européenne. Concrètement la France est condamnée car elle dispose d’un taux d’azote dans les eaux superficielles supérieur à la dose prescrite par la directive nitrate. De plus, on lui reproche de ne pas avoir mis en place un plan de protection de ces eaux et enfin d’utiliser ces eaux pour la production d’eau potable sans les avoir traitées de manière spéciale.

L’arrêt du 23 septembre 2004 (affaire C-280/02) condamne la France pour le non respect de la directive 91/271/CEE[2], signée le 25 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires. La France est ici condamnée pour n’avoir pas décrété certains bassins de la Seine zones sensibles pour l’eutrophisation et pour autoriser un rejet d’azote trop important dans ces zones.

La France se voit à nouveau condamnée par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) par l’arrêt du 31 janvier 2008 (affaire C 147/07 ), pour non respect de l’article 4 de la directive 98/83/CEE[3], datant du 3 novembre 1998, qui traite de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. En pratique, dans trois départements français (à savoir la Vendée, les Deux-Sèvres et la Charente-Maritime) les taux de nitrates ont dépassé les 50 mg/L.

Enfin, la France vient d’être condamnée, en date du 13 juin 2013, par la cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) pour mauvaise application de la directive 91/676/CEE[4]dite directive « nitrates » au motif de l’insuffisance des délimitations de zones vulnérables. Par ailleurs, la France a également été assignée devant la CJUE pour insuffisance des programmes d’actions qui s’appliquent à ces zones. »

Comment évolue la législation française en réponse à ces remises en cause?

Les condamnations formulées par la Cour de Justice de l’Union Européenne à l’encontre de la France ont une influence sur la conduite qu’adopte notre pays quant à l’utilisation des nitrates dans le domaine de l’agriculture. Le cœur du problème consiste, comme on l’a dit précédemment, à adapter un texte dont la portée est à l’échelle européenne à une échelle plus restreinte, à savoir celle du territoire français, avec les spécificités que nous lui connaissons.

Le 16 juillet 2009, les autorités françaises répondent à la demande d’explications formulée par la Commission Européenne le 25 avril 2009 au sujet des conditions d’application de la directive nitrate sur le territoire français. Selon la Commission « les programmes d’action ne mettent pas complètement et correctement en œuvre toutes les prescriptions des annexes II et III de la directive, relatives notamment aux périodes d’interdiction d’épandage, au stockage des effluents d’élevages, aux limitations d’épandage des fertilisants »[5 ]. Dans sa réponse, la France affirme que des efforts importants sont mis en œuvre par les agriculteurs bien qu’il soit nécessaire que ceux-ci se poursuivent afin qu’une amélioration durable de la qualité des eaux superficielles et profondes soit remarquée face au danger de pollution que représentent les nitrates. La Commission Européenne, faiblement convaincue par ce discours, adresse une mise en demeure à la France le 20 novembre 2009, confirmée par un avis du 27 octobre 2011 incitant la France à renforcer ses mesures de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates. En Décembre 2011, la France informe la Commission européenne des changements dans la réglementation nationale concernant « les programmes d’action à mettre en œuvre dans les zones vulnérables », dont notamment le relèvement du plafond d’épandage. La situation prend une ampleur nouvelle lorsque la Commission Européenne incorpore à la procédure engagée contre la France les plaintes reçues au sujet de la prolifération des algues vertes sur le littoral de l’ouest de la France. Le 27 février 2012, la Commission Européenne décide de renvoyer la France devant la Cour de Justice de l’Union Européenne. Avant la fin de l’année 2012, deux requêtes sont adressées à la France concernant la désignation des zones vulnérables (jugée trop limitée) et l’insuffisance des programmes d’action. La France se voit condamnée le 13 juin 2013 par la Cour de Justice de l’Union Européenne pour manquement à l’obligation de désigner l’ensemble des zones vulnérables du territoire français et pour insuffisance des programmes d’action applicables dans ces zones.

Deux arrêtés signés par Philippe MARTIN et Stéphane LE FOLL ont été instaurés pour renforcer  la lutte contre les pollutions par les nitrates. L’objectif clé est de concilier la performance économique des activités agricoles et le respect des exigences environnementales.
Le premier arrêté relatif au cinquième programme d’action national sur les zones vulnérables fixe les conditions d’épandage sur les sols pentus et détrempés ainsi que les exigences de couverture végétale des sols en période pluvieuse. La mise en place de bandes végétalisées le long des cours d’eau est également prévue. Il modifie l’arrêté de décembre 2011 et définit des capacités de stockage minimales des effluents par type d’élevage et actualise certaines normes de production d’azote.
Le second arrêté précise pour les Préfets de région les règles à suivre pour la définition des programmes d’actions régionaux. Il prévoit le renforcement des mesures de lutte contre les nitrates, les modalités de définition des zones d’actions renforcées et les mesures à mettre en œuvre sur ces zones.

La France formule-t-elle aussi des reproches à l’encontre de l’Union Européenne?

Il pourrait apparaître pour certains que la France ne semble pas prendre l’entière mesure de la situation et paraît être à contre-courant de la pensée européenne. Malgré ses quatre condamnations, la France est surveillée de près par la Commission Européenne qui craint qu’une quelconque action de la part de la France ne soit que « poudre aux yeux », comme le souligne un article du 12 mai 2012 paru dans le Télégramme[6].

Le 18 juillet 2011, La Commission demanda par courrier à la France de rendre des comptes sur son plan de lutte contre les algues vertes. La France, qui avait deux mois pour y répondre, demanda un délai d’un mois supplémentaire. Sa réponse fut ainsi attendue pour le 18 octobre de ma même année.

« Je ne pense pas que la commission européenne soit dupe devant ce tour de passe-passe de dernière minute »
Jean-François Picquot, membre d’Eau et Rivières de Bretagne

La question qui pourrait alors se poser est de avoir si la Directive Nitrate constitue ou non l’unique solution au problème ?

Le taux de nitrates dans l’environnement diminue grâce aux mesures de restriction concernant l’utilisation d’engrais par les agriculteurs. La Directive Nitrate a entraîné une diminution de la pollution par les nitrates. Cependant, si elle n’avait pas été mise en œuvre, une diminution aurait aussi été constatée, de manière moins évidente cependant, en raison de mesures prises à une échelle plus locale, et pour des raisons économiques.
Selon un article de Science of The Total Environment, datant du 15 janvier 2014 et intitulé The impact of the Nitrates Directive on nitrogen emissions from agriculture in the EU-27 during 2000-2008[7] « The (slight) decrease in N emissions in the scenario without the Nitrate Directive is likely due to other developments (economic conditions, agricultural policy, and other environmental policies) ».







[1]Directive n° 75/440/CEE du 16/06/75 concernant la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d’eau alimentaire dans les Etats membres http://www.ineris.fr/aida/consultation_document/1119
[2]Directive n°91/271 du 21/05/91 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires http://www.ineris.fr/aida/consultation_document/1059
[3]Directive n° 98/83/CE du 03/11/98 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine http://www.ineris.fr/aida/consultation_document/1017
[4]Directive n° 91/676/CEE du 12/12/91 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles http://www.ineris.fr/aida/consultation_document/1053
[5]Eau et Rivières de Bretagne: Contentieux Nitrates http://www.eau-et-rivieres.asso.fr/index.php?104/708
[6]Source : http://www.letelegramme.fr/ig/generales/regions/morbihan/nitrates-une-reponse-a-bruxelles-10-05-2012-1697301.php?utm_source=rss_telegramme&utm_medium=rss&utm_campaign=rss&xtor=RSS-52
[7]http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969713004920