Marketing

Jean-Noël Kapferer

Professeur de marketing à HEC, il est un des experts des marques de renommée internationale.

En 2003, il a écrit dans la Revue française de gestion, « Réinventer la marque ». Même si l’obsolescence programmée n’est pas directement le sujet de l’article, celui-ci amorce un nouveau point de vue, celui des gestionnaires d’entreprisesIl se demande si ce n’étaient pas les entreprises qui influaient sur le consommateur avec des manœuvres d’obsolescence programmée, mais si c’était le comportement du consommateur qui contraignait les entreprises à user de ces méthodes ?

L’obsolescence programmée est en général abordée par les associations de défense de l’environnement ou du consommateur ; or dans cet articlel’angle d’approche diffère :  si les entreprises aussi étaient victimes de ce phénomène ?

L’article s’interroge sur une obsolescence programmée du savoir, c’est-à-dire à l’évolution des pratiques de management des marques. L’auteur nous confronte à une idée paradoxale : dans un monde où le consommateur passe d’un produit à l’autre et attend toujours de nouveaux modèles, celui-ci, lorsqu’il se fie à une marque, attend d’elle qu’elle lui garantisse une longue durée de vie du produit. Nous entrons dans une ère d’incertitude où le public ne sait plus si la marque est vectrice de gage de qualité.

Il évoque la menace de la saturation des besoins dans notre marché actuel (qui pousse à employer de nouvelles techniques), qui entraine la nécessité de stimuler le désir chez le consommateur.

 

Joseph Gultinan

Professeur de marketing à l’Université de Notre-Dame (Indiana, EUA). Il s’est intéressé aux prix, à la stratégie de management et à la stratégie pour les nouveaux produits (travaillant sur les facteurs influençant le taux de diffusion de l’innovation).

En 2009, il écrit dans Journal of Business Ethics « Creative Destruction and Destructive Creations: Environmental Ethics and Planned Obsolescence » : à lire ici.

Il date d’une conférence qui s’est tenue en 2007, donc bien avant le déferlement médiatique autour de la question de l’obsolescence programmée. On constate cependant que la controverse est déjà là et que des questions sont débattues, notamment dans des conférences et des lieux de discussion scientifique autour de l’éthique dans l’industrie.

Dans cet article il traite de problématiques intéressantes :

-         les conséquences environnementales de l’obsolescence programmée,

-         la performance des marchés et des industries,

-         les biens durables,

-   la responsabilité des concepteurs d’objets et des managers d’entreprise dans l’obsolescence programmée

Il cherche avant tout à expliquer « pourquoi l’obsolescence programmée est pratiquée et comment elle marche ». Il part de quelques chiffres, attestant une surconsommation et un gaspillage démentiel à l’échelle de la planète : aux USA par exemple, il énonce le fait que, chaque année, seulement 20 000 téléviseurs sont recyclés/réinsérés dans le circuit de vente alors que 20 millions sont vendus (cette preuve lui suffit pour justifier l’obsolescence et le gaspillage qu’elle entraine). Il formule aussi l’idée selon laquelle cette pratique démesurée de l’obsolescence programmée conduit à de graves conséquences environnementales et humaines (destruction de l’environnement, surexploitation des ressources, pollution, intoxication des personnes chargées de recycler ces produits technologiques dans les pays en voie de développement…).

Ces problèmes environnementaux et humains vont guider tout le propos de l’auteur. Il cherche à les mettre en évidence, à en montrer les coupables (les ingénieurs et les designers, les managers d’entreprise et les entreprises elles-mêmes, et puis les consommateurs qui par leur choix, entre un produit durable, « vert », et un produit plus compétitif mais moins respectueux de l’environnement, leur rapportant en terme économique plus d’ « utilité » sur le court terme, favorisent ou non la mise en œuvre par les industriels de l’obsolescence programmée).

L’argument principal des industriels en terme d’obsolescence programmée est de maintenir leur compétitivité. La logique économique actuelle pousse les industriels à chercher sans cesse des innovations aussi infimes soient-elles, à pousser le consommateur à changer ses appareils électroniques, pour ne pas se retrouver exclus du marché. Les industriels ont le pouvoir de choisir la « recyclabilité » de leur appareil : leur choix de matériaux, de facilement recyclables à in-recyclable, est grand. Dans une logique consumériste, il n’est pas très utile pour eux de proposer au client des appareils facilement recyclables ou réparables.

Il existe de nombreuses façons pour les industriels de pousser le consommateur à renouveler ses appareils. Guiltinan en fait une énumération :

o        Limiter la durée de vie ou « death dating »

o        La conception qui limite les possibilités de réparation (« Design for limited repair »)

o        L’obsolescence esthétique (« Design aesthetics that lead to reduced satisfaction »).

o        « Design for fashion ».

o        « Design for functional enhancement through adding or upgrading product features ».

L’auteur s’interroge que les solutions pour mettre fin à cette pratique déraisonnable qu’est l’obsolescence programmée. Parmi elles, les plus efficaces sont les politiques publiques de réglementation.

-         « public policy action ».

-        Les contraintes imposées aux industriels après la conception et la vente du produit peuvent avoir un autre effet : encourager la fabrication de produit « vert » dont le coût (de recyclage, de maintenance, etc.) est beaucoup moins élevé.

-      Les initiatives de politique publique peuvent motiver l’activité et les stratégies marketing qui soutiennent des conceptions respectueuses de l’environnement en faisant apparaître de nouveaux concepteurs de produit et des ingénieurs.