Plusieurs experts scientifiques, convoqués notamment par le gouvernement, mettent en avant l’impact des deux options sur le rythme biologique de l’enfant.

 

Afin de garder le bien-être de l’enfant au coeur du débat des rythmes scolaires, certains spécialistes se sont penchés sur la question de l’attention des élèves à l’école dans les différentes répartitions du temps scolaire. Ils ont obtenu plusieurs résultats, présentés ici, qui sont régulièrement repris dans la presse et exploités par les différents acteurs de la controverse.

 

La parole des experts

 

Un impact sur le sommeil des enfants

Parmi eux, le chronobiologiste François Testu est régulièrement cité dans des publications de presse scientifique favorables à une semaine de 4 jours et demi[1].
La chronobiologie, discipline scientifique dédiée à l’étude des rythmes biologiques, est régulièrement mise à contribution dans ce débat : en effet, la répartition hebdomadaire des horaires de cours influe sur la fatigue ressentie par les élèves. Dans une publication de 2008 titrée Rythmes de vie et rythmes scolaires : aspects chronobiologiques et chronopsychologiques, que François Testu a co-écrit avec quatre psychologues de l’Université François Rabelais à Tours, la semaine de 4 jours est accusée d’introduire une irrégularité dans le cycle de sommeil des enfants. Ainsi, l’absence du réveil imposé le mercredi matin permettant aux élèves de faire une grasse matinée ne se traduirait pas par une récupération plus importante : au contraire, les élèves qui ont expérimenté cette pause au milieu de la semaine dorment en moyenne plusieurs minutes de moins par semaine.

 

 

On observe ici d’un coté le site « expérimental », avec une semaine de 4 jours et demi (mercredi matin de classe), avec des horaires journaliers « aménagés » et des activités pendant la pause méridienne. De l’autre, le site « témoin » suivait une semaine de 4 jours et des horaires journaliers traditionnels.

La recherche de M. Testu montre donc que, toutes choses étant égales par ailleurs, l’organisation hebdomadaire où les élèves travaillent le mercredi matin est la plus intéressante biologiquement parlant. En effet, les élèves sont moins fatigués et donc plus enclins à écouter le cours qui leur est dispensé.

D’autres chronopsychologues s’expriment également sur la question en pointant du doigt un « effet weekend » ralentissant les élèves le lundi matin, qui est amplifié par la suppression du samedi matin travaillé[2].

 

 

Des journées trop longues mises en cause

Afin de compléter ce résultat, le psychologue a réalisé des tests d’attention et de performances scolaires sur plusieurs classes de primaire, et a conclu que le pic d’attention d’un enfant a souvent lieu en fin de matinée :

 

 

Cette observation tend donc, elle aussi, à montrer que la semaine de 4 jours et demi est plus favorable à l’apprentissage, avec sa matinée supplémentaire. François Testu prend donc position en faveur de cette dernière : il déclare ainsi dans sa publication de 2008[3] que les priorités des aménagements du temps scolaire sont “une semaine de 4 jours et demi de classe, la régularité de l’alternance des temps scolaires et des temps de repos, la présence de structures d’accueil avant et après la classe, […]”.
Il déclare également que, selon les règles de la psychologie, “il est aberrant de penser que les élèves de l’école élémentaire peuvent mobiliser leurs capacités d’attention pendant 6 heures de « contrainte » scolaire au cours de la journée”.

Parmi les autres rapports de la communauté scientifique ayant eu un rôle décisif dans le débat des rythmes scolaires, on trouve celui de l’Académie de Médecine intitulé « Aménagement du temps scolaire et santé de l’enfant », publié en janvier 2010[4]. Celui-ci reprend les travaux de plusieurs experts, et affirme franchement que la semaine de 4 jours est un “non-sens biologique” pour l’enfant ! En cause, la désynchronisation de l’enfant qui est reportée comme principale cause de fatigue dans plus de 60% des cas.
La recommandation de l’Académie, basée sur l’étude de cas de nombreux enfants est “une année scolaire de 180 à 200 jours (avec comme corollaire la réduction des grandes vacances), 4 à 6 heures de travail par jour selon l’âge de l’élève, quatre jours et demi à cinq jours de classe par semaine en fonction des saisons ou des conditions locales”. Ce rapport, paru début 2010, est cité par Vincent Peillon en 2013 lors de sa réforme des rythmes scolaires.

 

 

Les limites de la recherche comme facteur de décision pour “4 jours ou 4 et demi”

La particularité de ces considérations scientifiques réside dans le fait qu’elles placent l’enfant comme véritable sujet – au sens fort du terme – de la controverse. Ici, il s’agit de déterminer quel format hebdomadaire est le plus adapté pour l’apprentissage : cette étude ne prend donc en compte que les effets directs sur l’écolier, et ne s’intéresse donc pas aux aspects de la controverse liés aux autres acteurs (parents, écoles, municipalités…).

De plus, il n’y a pas de consensus tout à fait net en ce qui concerne la décision à prendre pour l’organisation des rythmes scolaires : si tous (ou presque) s’accordent à dire que les journées devraient être moins longues, certains défendent l’école le mercredi matin et d’autres le samedi[5].

Dès lors, on peut se demander dans quelle mesure il faut considérer l’attention des élèves en classe comme la priorité absolue, par rapport à ces considérations extérieures à l’élève. Par ailleurs, d’après Fanny ANOR, l’actuelle conseillère spéciale du ministre de l’Education Nationale, aucune étude scientifique n’a montré de différence significative dans les résultats scolaires entre l’un et l’autre planning ; or, c’est habituellement par ce critère que l’on juge de l’efficacité d’une mesure éducative.

On peut de plus souligner le fait que, comme plusieurs autres publications scientifiques, le rapport de l’Académie de Médecine[4] remet en question, en plus de l’emploi du temps hebdomadaire, le système scolaire annuel français. En effet, la France a la particularité d’avoir, en comparaison de la plupart de nos voisins européens, une année scolaire avec relativement peu de jours travaillés, ce qui implique naturellement des journées prolongées. Ce sujet n’est pas à proprement parler au centre de la discussion sur les rythmes scolaires dans notre pays, car la majorité des Français est attachée au format actuel de longues vacances ; néanmoins, il est intéressant de remarquer que ce système serait, selon certains spécialistes, peu favorable aux élèves.

 

Le Dr. Jean-Michel Pedespan résume ainsi la situation[6] :

« Il est aujourd’hui possible de définir le rythme scolaire idéal destiné à une majorité d’élèves. De nombreux rapports de grande qualité ont été publiés (Académie de Médecine 2010, Y. Touitou et P. Bègue). Tous conseillent de tenir compte des rythmes biologiques, de la qualité et de la durée du sommeil, des variations quotidiennes de la vigilance. La conclusion de ce rapport propose une année scolaire de 180 à 200 jours au lieu de 144, 5,5 heures de travail par jour dans les classes primaires au lieu de 6 et 4,5 à 5 jours de classe par semaine en fonction des saisons et des conditions locales. »

 

Conclusion

 

On en vient alors au problème de la légitimité de la communauté scientifique comme porte-parole des écoliers : certes, ceux-ci parlent dans l’intérêt immédiat de l’enfant, mais, comme le montrent les parties sur les activités périscolaires, les inégalités territoriales et les enseignants, suivre les recommandations de ces experts implique parfois de faire d’importants compromis.

 

Références

[1] Leconte, Claire. « Testu François. Rythmes de vie et rythmes scolaires : aspects chronobiologiques et chronopsychologiques » Revue française de pédagogie. Recherches en éducation, no 166 (1 mars 2009): 143‑44.

[2] Delvolvé Nicole, Davila W., “Effets de la semaine de classe de quatre jours sur l’élève“  Enfance, n°4, 1994. pp. 400-407

[3] F. Testu. « Rythmes de vie et rythmes scolaires : Aspects chronobiologiques et chronopsychologiques », 2008

[4] Y. Touitou et P. Bègue, « Aménagement du temps scolaire et santé de l’enfant » – Académie de Médecine. Consulté le 17 avril 2018, disponible ici.

[5] Verdo, Yann. « Rythmes scolaires : qu’en dit la science ? » Les Echos, 1 septembre 2014.

[6] Dr. Pedespan, Jean-Michel. « Améliorer l’école en les modifiant ? » Le Quotidien du Médecin, 22 novembre 2012.