L’un des principaux problèmes liés à la question des rythmes scolaires est le manque d’éléments de test et de comparaison des différents modèles (en l’occurrence 4 et 4.5 jours). Ainsi il est tentant de chercher ces pièces manquantes à l’étranger.

 

“Ne disons pas que les nouvelles mesures vont créer de l’hétérogénéité alors que c’est déjà le cas […] Prenons ce que cela a de positif, c’est à dire le pragmatisme, le fait qu’on doit laisser, comme cela se passe dans pratiquement tous les pays du monde, une certaine liberté locale pour pouvoir définir ce qui est bien.” Commentait Michel Blanquer au micro de France Inter le 06/06/2017.[1]

 

Dans quelle mesure la comparaison avec l’étranger est-elle pertinente ?

 

La comparaison du système éducatif Français avec ses équivalents internationaux est utile pour mettre en relief les différents défauts ou force du système Français. Cette comparaison, bien que particulièrement complexe est donc très régulièrement utilisée par les médias comme dans cet article du journal Capital qui vante les bienfaits des différentes mesures prises dans les pays voisins comme l’Angleterre ou l’Allemagne.[2]

 

 

Toutefois, les premiers intéressés par ces études comparatives sont les états et les instances internationales elles mêmes car elles cherchent constamment à s’améliorer.

 

Ainsi, la Revue internationale de Sèvres[3] souligne que quelques mois avant que le débat des rythmes scolaires ne soit relancé en 2010 par Luc Chatel; l’OCDE[3] et Eurydice[5] (Agence exécutive Education, Audiovisuel et Culture) avaient, dans deux rapports, produits des études comparatistes sur ce sujet. L’ensemble des informations recueillies permet de dessiner le paysage très éclaté des rythmes scolaires présenté ici.

 

Sur quoi porte la comparaison ?

Le rapport d’Eurydice « Chiffres clés de l’éducation en Europe 2009 »[6] offre une comparaison portant sur le temps annuel d’enseignement de trente-et-un pays. Dans son dernier rapport annuel Regards sur l’éducation 2010, l’OCDE propose un ensemble d’indicateurs destinés à analyser « l’environnement pédagogique et l’organisation scolaire » dans les pays membres (Allemagne Australie Autriche Belgique Canada Chili République de Corée Danemark Espagne Estonie Finlande France Grèce Hongrie Irlande Islande Israël Italie Japon Lettonie Luxembourg Mexique Norvège Nouvelle-Zélande Pays-Bas Pologne Portugal Royaume-Uni République slovaque République tchèque Slovénie Suisse Suède Turquie États-Unis) et partenaires de l’OCDE. L’indicateur relatif au temps d’instruction évalue le temps que les élèves âgés de 7 à 15 ans doivent en principe passer en classe. Ces deux études révèlent une variété très grande des rythmes scolaires avec trois facteurs pris en compte : l’organisation annuelle du temps scolaire ; les rythmes hebdomadaires et l’aménagement de la journée. Le mode de gouvernance des systèmes éducatifs est déterminant en la matière. En effet, dans de nombreux pays, les établissements ou les autorités locales chargées de l’éducation sont libres de décider du nombre d’heures de cours à dispenser et de leur répartition entre les diverses matières. Le tableau ci dessous récapitule certaines des différences de fonctionnement entre trois pays et la France.

 

Source OCDE Regards sur l’éducation, 2010

 

Rythmes hebdomadaires et amplitude horaire de la journée

Dans la majorité des pays, la semaine d’enseignement est de cinq jours. Pour quelques pays, l’amplitude hebdomadaire est de six jours. En Corée du Sud, les semaines vont du lundi au samedi inclus, sachant que deux samedi par mois doivent être libres. C’est également le cas pour quelques Länder en Allemagne. En Angleterre, il existe parfois des activités optionnelles le samedi. En Italie, les cours doivent être répartis au moins sur cinq jours par semaine mais il est très fréquent, particulièrement dans le premier cycle, que les cours aient lieu du lundi au samedi inclus. En Pologne, les écoles ont la possibilité de proposer des cours le samedi matin, de manière ponctuelle ou régulière (après consultation des parents et des enseignants). Cette organisation peut être différente pour les établissements privés. Au Japon, par exemple, les samedis et dimanches sont des jours sans école (arrêté ministériel) mais certaines écoles privées organisent des cours le samedi. La France constitue une exception, avec la semaine de quatre jours dans le cycle primaire.

Dans le secteur primaire, la moyenne de l’OCDE est de 4,1 heures/jour et celle de l’Europe (19 pays) est de 4,2. Le Chili offre une moyenne de 5,7 heures de cours journalier avec, à l’autre extrême, la Russie, la Hongrie ou la Corée du Sud qui ont une durée quotidienne de trois heures de cours par jour. En France, la journée est de six heures (sur quatre jours).

 

Réformes et débats au sujet des rythmes scolaires

Le rapport annuel Regards sur l’éducation 2010 de l’OCDE récapitule, dans un tableau, les réformes concernant le temps d’instruction annuel mises en œuvre entre 1995 et 2010 pour

Luc Chatel, dans sa lettre de mission au Comité de pilotage, place les travaux de réflexion et de redéfinition des rythmes scolaires sous le signe de la comparaison « Dans le cadre européen, l’observation des rythmes scolaires de pays comparables à la France permettra de discerner ce qui, dans leur conception, participe le cas échéant d’un meilleur succès des élèves ».

 

Un rapport de la SNUipp concernant la comparaison des systèmes Européens prévient que “la comparaison des rythmes scolaires en Europe est un exercice délicat, compliqué par le fait que l’architecture des différents niveaux d’enseignement peut être très différente. De plus, certains systèmes éducatifs sont fortement décentralisés et confient une certaine autonomie au niveau local ou à celui de l’établissement pour déterminer les périodes de congés, ce dont ne rend pas entièrement compte le calendrier national.”[7]

 

Bien décidé à mener cette étude, la revue Éducation et Formation de l’Education Nationale, dans son numéro “comparaisons internationales”[8] souligne néanmoins l’importance de cette comparaison :

“Les comparaisons internationales ont pris aujourd’hui une place très importante dans le débat public sur l’éducation. C’est le signe d’une plus grande ouverture de chaque système vis-à-vis des systèmes éducatifs étrangers, mais aussi la marque d’une volonté de compétition avec ces mêmes systèmes. Les premiers travaux menés ont tout d’abord permis de mieux appréhender la complexité de cette comparaison dans un domaine où la diversité est très importante. C’était une étape indispensable avant d’essayer de mesurer cette diversité. “[9]

 

On peut enfin noter certains points de la conclusion de l’étude effectuée par la SNUipp :

“Il n’existe pas d’organisation type au niveau européen.

On observe néanmoins quelques points de rapprochement [dont la] généralisation de la semaine de 5 jours (les semaines de 6 jours restent exceptionnelles) [ainsi que la] généralisation des activités périscolaires, en dehors des heures d’enseignement.

En revanche, il subsiste de grandes divergences en ce qui concerne l’organisation des congés scolaires.

La situation française se distinguant par :

  • Un nombre d’heures d’enseignement très élevé
  • Une semaine de 4 jours qui implique un nombre de jours de classe très peu élevé, bien que le nombre de semaines scolaires dans l’année soit dans la moyenne des pays européens ; (Corollaire) une journée de classe très longue ;
  • Un même nombre d’heures pour tous les élèves scolarisé en élémentaire, quel que soit leur âge ;
  • Des périodes de petites vacances relativement importantes”

 

Toutefois, comme on a pu le voir les systèmes éducatifs étrangers dans leur ensemble, notamment les rythmes scolaires, sont totalement différents, à tel point que les comparaisons sont entre les modèles sont très délicates puisqu’elles appelleraient souvent à une refonte totale de l’organisation des semaines et du rythme global de l’année et des vacances.  

Le rapport de l’Education Nationale insiste sur ces difficultés :

”La comparabilité des données n’est pas toujours assurée ou possible, ce qui rend parfois l’exercice difficile. De plus, tout système peut se prévaloir de points forts dans un domaine, et de points faibles dans d’autres, rendant délicate toute tentative de synthèse.”

 

Ainsi, selon la secrétaire de la SNUIpp, Francette Popineau, “Il est extrêmement compliqué de comparer avec l’étranger étant donné le nombre de facteurs variant d’un pays à l’autre”.

C’est pour cela qu’on observe encore une telle diversité, illustrée sur l’image ci dessous, qui reflète les différents fonctionnement des systèmes éducatifs dans les pays voisins de la France.

 

 

Lorsque nous avons posé la question “Que pensez vous des comparaisons avec l’étranger ?”, Fanny Anor, la conseillère spéciale du Ministre de l’Education Nationale a aussi insisté sur la complexité d’établir des parallèles en répondant :

“À l’étranger ça concerne plutôt le sujet vacances scolaires et il y a aussi des modèles très différents, avec plusieurs pays qui ont des après-midi libérées, c’est assez difficile de comparer et à ma connaissance il n’y a pas d’étude qui mettrait en relation rythmes scolaires et résultats scolaires”

 

Conclusion

Si les comparaisons avec l’internationale sont souvent présentées comme un argument en faveur d’un système ou d’un autre en prônant des résultats meilleurs dans un autre pays, des données produites au niveau de l’union européenne fournissent une source fiable de résultat sur lesquels ces comparaisons peuvent s’appuyer.

Néanmoins l’analyse de ces résultats pose un réel problème car le nombre de facteurs à prendre en compte rend cette comparaison trop complexe pour tirer des résultats exploitables à l’échelle d’un pays.

 

 

Références

[1] Rédaction du Huffington Post. La rentrée scolaire 2017 aura « bien sûr » lieu le 4 septembre, confirme le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. [en ligne] juin 2017. Disponible sur : <https://www.huffingtonpost.fr/2017/06/06/la-rentree-scolaire-2017-aura-bien-sur-lieu-le-4-septembre_a_22128006/> (Consulté le 26/05/2018)

[2] Nathalie VILLARD. Education : les méthodes qui marchent à l’étranger [en ligne] Capital août 2016. Disponible sur : <https://www.capital.fr/economie-politique/education-les-methodes-qui-marchent-a-l-etranger-1157209> (Consulté le 23/05/2018)

[3] Bernadette PLUMELLE. Un aperçu des rythmes scolaires dans le monde [en ligne] Revue Internationale d’éducation de Sèvres. Septembre 2011. Disponible sur : <https://journals.openedition.org/ries/2045> (Consulté le 14/05/2018)

[4] OECD, «Education at a glance», Chapter D, 2011.

[5] Eurydice « Organisation of School Time in Europe – Primary and general secondary education education, 2011/2012 ».

[6] Agence exécutive «Éducation, audiovisuel et culture» , Eurostat (Commission européenne) , Eurydice. Chiffres clés de l’éducation en Europe 2009 . [en ligne] Publications de l’UE. Mars 2009. Disponible sur :

<https://publications.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/e74d5a0a-74c3-4d18-b284-d7e0172cdf71/language-fr> (Consulté le 15/05/2018)

 

[7] Rédaction SNUIpp. Les rythmes scolaires en Europe. [en ligne] Juin 2017. Disponible sur :

<http://46.snuipp.fr/IMG/pdf/comparaison_europe.pdf> (Consulté le 14/05/2018)

 

[8] Daniel VITRY, Alec CHARRAS, Claude SAUVAGEOT. Comparaisons internationales. [en ligne]. Education & formation. Novembre 2008. Disponible sur :

<http://cache.media.education.gouv.fr/file/revue_78/88/3/revue78_38883.pdf> (Consulté le 15/05/2018)

 

[9] Pascal JOANNIN. Les rythmes scolaires dans l’Union Européenne [en ligne] septembre 2011 Disponible sur : <https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0212-les-rythmes-scolaires-dans-l-union-europeenne> (Consulté le 15/05/2018)