Le dilemme de la reconstruction chirurgicale

Un chemin difficile

Les femmes qui souhaitent se faire opérer avancent avant tout des raisons d'intégrité physique : il s'agit de retrouver la partie d'elle-même qui leur a été enlevée. Mais après une opération aussi intime, le temps nécessaire à l'appropriation de son corps est long et les obstacles sont nombreux.

Tout d'abord, il faut signaler que même si les chiffres sont encourageants, cette intervention reste un acte médical, et donc soumis à des possibilités d'échecs. On mesure alors l'ampleur de la déception de la patiente et l'horreur du traumatisme ravivé.

De plus, l'un des inconvénients de cette opération consiste à obliger la patiente à révéler son excision au grand jour. Cette mutilation est en effet gardée secrète, certaines réussissent même à la cacher à leur conjoint. Elle est vécue par les victimes comme une terrible humiliation. Le fait de se faire opérer nécessite de justifier un arrêt maladie, ce qui se trouve être parfois terriblement gênant. Les patientes se sentent une nouvelle fois stigmatisées comme des victimes, comme la « femme qui a été massacrée quand elle était petite. » (voir le blog http://survivance.blogspot.com/ ).Ce sentiment va à l'encontre de la rémission morale attendue.

Par ailleurs, malgré le suivi psychologique, les femmes ayant subi l'intervention ont du mal à se remettre de ce traumatisme. La reconstruction leur rappelle inévitablement leur excision et les mauvais souvenirs qui vont avec. Leurs témoignages sont autant d'échos de leur colère envers leurs proches qui ont demandé ou consenti à leur mutilation. Le non-dit qui règne autour de la question dans la plupart des familles plonge les patientes dans des gouffres de perplexité et ne les aide pas à se construire une nouvelle identité sur des bases stables.

Enfin, la principale difficulté à laquelle sont confrontées ces femmes est l'attachement à un milieu culturel rejetant ce genre d'intervention. En effet, en faisant reconstruire leur clitoris, elles imposent une distance entre leur vie et leurs racines culturelles. C'est dans ce sens que cet acte peut se révéler traumatisant. Si elles retrouvent une partie de leur corps, ne perdent-elles pas dans le même temps leur histoire ? L'opération fait ainsi souvent naître un sentiment de culpabilité, la femme se sent coupable de rejeter sa culture et les décisions qui ont été prises pour elle par ses parents. « Souvent, quand je repense à mon opération, je culpabilise car je me dis que ma famille a fait ça pour moi » témoigne ainsi l'une d'entre elle sur un forum Africain. (www.Afrik.com) Aussi les patientes se font en général opérer sans en avoir averti leurs proches, ou alors en l'ayant fait après un long débat intérieur.

Un espoir de reprise de possession de son corps

Malgré ces difficultés, les femmes sondées sont souvent favorables au recours à cette pratique. En France, leurs conjoints le sont aussi dans la plupart des cas.

Il faut d'abord souligner que cette opération est très facile à réaliser, et qu'elle est entièrement remboursée. L'accès à ces soins est donc largement facilité même si peu de cliniques les dispensent.

Par ailleurs, les bénéfices qu'en tirent les femmes excisées sont multiples. Sur le plan purement médical, les douleurs auxquelles elles étaient soumises diminuent grandement. Bien que l'opération ne soit pas toujours une réussite totale, elle leur permet d'envisager leurs rapports sexuels de manière plus sereine, de prendre du plaisir. Du fait de cette reconstruction, elles ne sont plus au service du plaisir de leur partenaire comme leur imposait leur excision, et peuvent découvrir leur propre désir.

Mais la principale avancée que permet cette opération est un progrès d'ordre psychologique. Les femmes mutilées se sentent humiliées, elles sont honteuses de leur corps et de cette cicatrice. Le fait de se faire opérer leur donne un image de leur personne beaucoup plus valorisante : à présent ce sont des femmes à part entière. Nombreuses d'entre elles adoptent après l'intervention un nouveau rapport, plus épanoui, à la féminité. Elles reprennent possession de leurs corps. Ainsi, on peut citer un témoignage dans le livre d'or de la clinique du Dr Foldes :

« Dr Foldes me fait le plus beau des cadeaux dont je pouvais rêver. Il me permet enfin d'accéder à ma féminité et m'offre une nouvelle vie ».