Éléments de quantification

Compte tenu de la spécificité du sujet et sa « limitation » au contexte économique et sociologique, nous avons principalement interrogé trois bases de données pour la recherche d’articles : Business Source Elite, Europresse et Web of Science.  Pour avoir une première vue d’ensemble du sujet, on détermine le nombre de résultats de l’équation de recherche randomized controlled trials AND economics dans chacune des trois bases mentionnées. La répartition surprend puisque c’est Web of Science qui fournit le plus de résultats, alors même qu’elle n’est pas spécialisée dans le domaine économique, à la différence de Business Source Elite. Mais le pot-aux-roses est rapidement mis à nu : la très grande majorité des articles listés par Web of Science (80 à 90 % d’après une estimation grossière) sont en réalité des publications purement médicales, puisque les RCT sont utilisés depuis plus d’un siècle en médecine. Le terme booléen economics ne semble pas discriminer suffisamment la recherche. Des essais tels que economy development se montrent inefficaces pour éliminer les articles parasites ; de même, en ne listant que les articles de Social Sciences (à l’aide de l’option appropriée), on obtient des résultats comparables, certainement du fait que les publications médicales évaluent aussi l’influence de pathologies sur le corps social. Ainsi, la répartition obtenue est en fait biaisée, à savoir que Web of Science produit un grand nombre de résultats inadaptés.

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Pour donner un premier aperçu du contexte du sujet de la controverse, il peut être intéressant de dresser un portrait de la recherche en économie du développement lors du siècle dernier. L’équation de recherche economic development dans Business Source Elite permet de quantifier le nombre de publications par périodes de vingt ans au cours du siècle. Il apparaît que l’économie du développement connaît une explosion d’intérêt lors des trente dernières années. On peut expliquer ce phénomène par l’apparition du Tiers-Monde post-décolonisation à l’économie délétère.

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On s’intéresse maintenant à la production scientifique d’Esther Duflo en tant que protagoniste principal de la controverse. On cherche les articles qu’elle a publiés depuis l’année 2000 dans Business Source Elite, puis on dresse le profil de répartition au cours du temps et selon les supports.

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On constate un pic de publications d’Esther Duflo en 2011-2012, ce qui correspond à sa nomination en tant que membre d’un comité de conseil de la Maison Blanche. On peut supposer que sa notoriété médiatique du moment, alliée à ses compétences académiques connues et sa reconnaissance politique, lui permettent de publier un nombre important d’articles. Mais le raisonnement inverse est aussi légitime : son activité de recherche particulièrement fructueuse en ces années 2010 lui vaut sa nomination, sorte de conséquence de la reconnaissance de son travail par ses pairs. Notons également la variété des supports de publications, avec deux pôles équivalents que sont les revues académiques et les magazines.

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Il reste à déterminer la localisation géographique de son écho dans la presse. Pour cela, on interroge Europresse (équation de recherche esther duflo bien sûr) et on trie les articles selon leur origine. Trois zones sont particulièrement intéressantes à étudier : la France (origine nationale d’Esther Duflo), l’Amérique (son implantation académique et sa zone d’influence politique) et l’Afrique (particulièrement visée par ses travaux). Près de la moitié des publications de presse liées à Esther Duflo est française, preuve que sa personne est particulièrement appréciée chez nous, au risque de surévaluer son influence réelle et sa véritable notoriété universitaire. L’Afrique s’y intéresse peu, mais il faut prendre en compte le type et le niveau de la presse locale qui faussent possiblement les résultats. L’Amérique semble elle préférer les publications académiques aux articles grand public puisque le nombre d’articles qui lui sont consacrés apparaît bien peu élevé en comparaison de la notoriété d’Esther Duflo – à moins que cette notoriété ne soit une projection franco-française.

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Pour être tout à fait complet, on peut essayer de déterminer si l’économie de la pauvreté est un sujet qui n’intéresse que le milieu universitaire ou si la presse généraliste y accorde également de l’importance. Encore une fois, on interroge Business Source Elite avec l’équation de recherche poor economics, qui correspond également au titre du livre publié par Esther Duflo et Abhijit Banerjee. Entre 1890 et 2010, ce ne sont pas moins de 22 763 publications qui sont parues, dont près de 14 000 dans les revues scientifiques. On voit donc que les problématiques économiques de ce type restent l’apanage des chercheurs, d’autant plus si l’on considère que les résultats issus de magazines sont consacrés au livre et non au problème de fond.

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Quant aux RCT, le résultat est encore plus criant : l’équation de recherche randomized controlled trials AND economics conduit à 185 résultats entre 1979 et 2014, dont 126 sont parus dans des revues scientifiques contre 31 dans des magazines.

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