Frédéric Besnier

Frédéric Besnier est directeur de l’Association Nationale des Ligues de Sport Professionnel (ANLSP). Lorsque nous l’avons contacté, il était conseiller de la Ministre des Sports Valérie Fourneyron, avant le remaniement du gouvernement Valls, la veille de l’interview.

 

 

Quel pouvoir peut exercer l’Etat sur le marché des transferts ?

Euh… Assez faible, c’est une question transnationale donc prendre des dispositifs en France n’aura pas d’impact sur les transferts internationaux. C’est donc compliqué d’aborder cette question uniquement au niveau national. L’impact que peut avoir la France ,c’est par des sentiers au niveau de l’UE. Et encore, ce ne sont pas des question politiques c’est de questions à prendre au niveau des fédérations sportives, donc il faut que ce soit l’UEFA, la FIBA qui prennent par eux-mêmes des règlements internationaux vis à vis des transferts. De la même manière pour les transferts nationaux il faut que ces transferts soient compatibles avec les règles de la Commission Européenne.

 

Justement l’Etat ne pourrait-il pas pousser une régulation en appuyant des réformes via l’UE afin d’avoir un réel impact ?

Si, si c’est ce que je dis. L’Etat peut avoir un impact en prenant des mesure européennes. Mais sur ce sujet là les mesures relèvent du sportif et de ses instances. Parfois seulement elles doivent s’inscrire dans une compatibilité avec les règles de l’UE. Sur les agents par exemple, la mouvance au sein de l’UE est plutôt de déréglementer les professions réglementées. Si nous on continue dans nos législations à encadrer au motif d’objectifs nobles (transparence, éthique…), mais si ses règles là ne sont pas conformes parce que du côté européen on dérèglemente, il y a un problème.

 

Et au niveau des agents, vous voulez dire que l’UE essaye de déréglementer comme la FIFA ?

La FIFA ce n’est pas encore fait, ce sera en Février 2015 que la nouvelle règlementation entrera en vigueur. Mais oui il n’y aurait plus d’habilitation au titre d’agent sportif, ce qui renvoie à des soucis si en France l’accès reste réglementé. C’est donc au niveau européen qu’il faut agir. Mais pas seulement sur les agents, sur bien d’autres métiers. La mouvance est à la dérèglementation, car les règles sont un obstacle à la libre circulation européenne.

 

L’UE n’a donc pas un point de vue positif sur une régulation des transferts par la voie politique ?

Comment vous faites ? Ca veut dire quoi concrètement réguler les transferts ?

 

Essayer de limiter les sommes en jeu, empêcher un club en déficit de dépenser pour acheter un joueur…

Le Fair Play financier de l’UEFA devrait répondre à cette question pour le foot.

 

Il n’y aurait pas dans la vision de l’Etat de spécificité sportive qui réglementerait le foot autrement qu’une entreprise ?

Le contrôle de gestion existe déjà en France. Un club aujourd’hui ne peut pas dépenser plus que ce qu’il génère. S’il est en déficit il est placé sous contrôle, ne peut pas acheter de joueur, sa masse salariale est plafonnée. Tout ce travail est fait aujourd’hui.

 

Oui mais la DNCG est un organe de la ligue, est-ce que l’Etat intervient dans ces problèmes là ?

Pourquoi voulez-vous qu’il intervienne ? Cela signifierait que vous estimez que le Contrôle de Gestion fait mal son travail, qu’il n’est pas autonome, qu’il est sous influence. C’est des choses qu’on entend. Il y a des rapports qui le disent aussi et qui ont demandé la création d’une haute autorité autonome chargée de la régulation du sport professionnel, le contrôle des clubs et caetera, en partant du principe que le Contrôle de Gestion le faisait mal. Après ce n’était pas notre analyse au Ministère.

 

Dans l’hypothèse d’une mauvaise gestion de la Ligue, l’Etat pourrait-il intervenir pour une régulation plus importante ?

Quand l’Etat dit dans la loi qu’il faut un contrôle de gestion il intervient. Comme vous disiez par rapport à d’autres secteurs économiques, il y a une spécificité qui est bien prise en compte, puisqu’il y a des contrôles et des mesures demandés par l’Etat et qui sont spécifiques. Je ne vois pas pourquoi vous voulez que l’Etat intervienne plus par rapport au contrôle de gestion.

 

Oui mais l’initiative du contrôle de gestion vient-il plus de la ligue ou de l’Etat ?

L’Etat impose un contrôle de gestion, qui est organisé et géré par la ligue. Ca relève donc de la responsabilité de la délégation. Dans le cadre de celle-ci, les fédérations assurent le contrôle des clubs. Et le contrôle de gestion est autonome au sein des fédérations.

 

Et est-ce que la France a essayé de faire porter le projet du contrôle de gestion au sein de l’UE ?

Ca a été fait plus ou moins mais pas fortement, parce que le Fair Play Financier a été une réponse portée par l’UEFA elle-même.

 

Pensez-vous que c’est le rôle de l’Etat de réguler le milieu du football ?

L’Etat doit fixer le cadre, dire ce qui doit être fait. Il doit assurer la sécurité juridique permettant à une fédération ou à une ligue de mettre en place les dispositifs de contrôle. Mais il ne doit pas se substituer à celles-ci pour faire ce travail là. Après, si la fédération ne fait pas son travail, l’Etat peut se saisir en dernier recours. Mais ce n’est pas à lui de dire que tel club doit être relégué administrativement parce qu’il a dépassé les déficits, ou que tel club ne doit plus recruter de joueurs. C’est à la DNCG de le faire, pas à l’Etat. Mais les clubs mécontents ne se gênent pas pour faire appel au TAS le cas échéant. La concurrence sportive fait qu’il y a une certaine auto-surveillance sur le travail que doit faire le contrôle de gestion. L’Etat doit fixer les règles, les cadres, permettre aux fédérations de prendre leurs décisions. Par exemple quand on dit dans la loi qu’une fédération peut prendre des mesures pour les joueurs formés localement, pour le Salary cap, c’est une illustration de la manière dont l’Etat intervient. Si demain une ligue décide d’instaurer le Salary Cap (comme l’a fait la Ligue de Rugby), un club ne pourra pas l’attaquer. Mais on n’oblige pas une ligue à instaurer le Salary Cap. D’autant que chaque ligue a ses spécificités : le rugby français peut instaurer le Salary Cap parce que c’est le meilleur au monde, qu’il a les meilleurs joueurs et les plus gros salaires. Le Hand, le Basket et le Foot se tireraient une balle dans le pied. Mais ils peuvent le faire. De la même manière, il y a un projet de loi pour sécuriser le contentieux sportif. Si dès que la DNCG prend une décision, elle est attaquée par les clubs en question, et que la lenteur de la justice place les clubs en situation de folie comme Le Mans l’an dernier, ce n’est pas gérable. On avait donc envisagé plusieurs mesures pour sécuriser les décisions de la DNCG. Par exemple, on avait proposé de créer un unique TAS national pour qu’il n’y en ait qu’un seul qui puisse être saisi pour toute affaire concernant les classements sportifs. Afin d’uniformiser les décisions, la jurisprudence… Et cela illustre la capacité d’intervention de l’Etat dans le football.

Mais le sport est déjà terriblement encadré ! Au nom de la nécessité de veiller à l’éthique, à l’équité entre les clubs, il y a déjà un encadrement très important.

 

Lorsque l’Etat demande un encadrement, vérifie-t-il que c’est bien fait ?

Oui, c’est une question intéressante : quelle est la capacité de contrôle derrière ? Le contrôle de gestion publie annuellement le bilan de son activité, mais il travaille en indépendance. On voit alors les décisions qui sont prises (et elles sont nombreuses)

 

Et pour les fraudes fiscales ?

Là c’est un tout autre domaine, mais comme pour chaque entreprise, c’est Bercy qui veille à ce que les impôts soient bien payés par les clubs. Mais le contrôle de gestion, s’il constate une fraude, peut saisir les autorités fiscales. Ce sont alors elles qui prennent le relai. C’est un schéma classique pour toutes les entreprise, il n’y a pas besoin de prendre de mesures !

 

Etes-vous largement satisfaits de la DNCG ou avez-vous parfois l’impression qu’elle est trop proche de la ligue et des clubs de football ?

Non, ça c’est des fantasmes. Le contrôle de gestion est un modèle unique en Europe. Il y a eu deux ou trois affaires qui ont défrayé la chronique, mais vu l’ancienneté de celui-ci, c’est plutôt normal. Et quand on regarde de près les affaires, comme au Mans ou on a dit que c’était des histoires politiques, un club peut contester la décision de la DNCG et avant d’aller au TAS il peut aller à la conciliation du CNOSF, qui fait une proposition. Cette proposition reçoit une réponse, qui a été rendue positive par la FFF. Mais voilà, ce n’est pas ça qui permet de dire que la DNCG n’est pas assez autonome ou est politisée. Dans sa globalité il fonctionne très bien, et les clubs sont vraiment contrôlés. Il suffit de voir le nombre d’encadrements pris. Après le système est toujours perfectible, il pourrait par exemple y avoir un décret donnant des règles communes au contrôle de gestion. Aujourd’hui, chaque fédération ou chaque ligue a défini les modalités des contrôles de gestion. Il faudrait un décret posant les principes, les gardes fous, les grandes règles de fonctionnement des contrôle de gestion dans tous les sports en France.