Un instrument politique

  1. Quantification, mesure et réalité
  2. Un outil de décision politique

La crise de 2008 et la situation grecque ont remis au goût du jour le débat public autour de l’endettement des États.

Critère très médiatique pour juger de la situation d’un pays ou d’une politique budgétaire, l’endettement des États influence le jugement des citoyens de ce fait les choix politiques.

Les quantités d’argent mises en jeu dans le processus de financement des États, qui dépassent bien souvent l’entendement — 1925,3 Mds € pour la France en 2013 selon Eurostat —, et les situations exceptionnelles que connaissent certains pays (ex. Grèce, Espagne) cristallisent ainsi les peurs.

Au travers d’articles au ton souvent alarmiste, les médias relaient les différentes mesures issues d’agences économiques européennes telles qu’Eurostat ou l’INSEE et émettent des jugements de valeurs. Les agences de notations de la dette publique telles que Standard & Poor’s, Moody’s ou encore Fitch Ratings, ont alors une grande influence sur les États qui, cherchant à plaire aux investisseurs, n’ont d’autres choix que d’adapter leurs politiques économiques.

Afin de saisir pleinement l’enjeu politique soulevé par l’endettement des États il semble légitime de s’interroger sur le rapport entre la réalité décrite par ces mesures et les mesures elles-mêmes et de cette façon analyser l’impact de ces mesures sur la décision politique.

1. Quantification, mesure et réalité

 

Une multitude d’indicateurs sont à la disposition des États, des investisseurs ou des simples citoyens. Il serait presque impossible d’en dresser une liste exhaustive ; Nous pouvons en citer quelques uns parmi les plus utilisés : dette/PIB, déficit/PIB, taux d’inflation, taux de croissance, taux d’intérêt de la dette ou notation de la dette par des agences privées, etc. On peut s’interroger sur la pertinence de ces outils et sur la réalité qu’ils décrivent ou plus simplement se demander s’il est possible de réduire à un même critère des réalités toutes différentes les unes des autres.

Citons en exemple le cas de la France qui en 2009 a demandé à de grands économistes tels que Joseph Stiglitz ou Jean-Paul Fitoussi de proposer des réformes de calcul d’un PIB a priori insuffisant. La mise en place de telles réformes aurait eu pour effet de changer une grande partie des mesures qui se font en fonction du PIB. Ces mesures auraient-elles alors décrit la même réalité ?

Le cas de l’endettement du Japon est une bonne illustration des limites du simple indicateur dette/PIB. Ce ratio — le plus élevé du monde, 253,2% selon The Economist —  ne suscite pas les mêmes inquiétudes que celui de la Grèce — 149,4% selon la même source —. Pourtant la Grèce en très grande difficulté financière est sous le poids d’un enchainement de politiques d’austérités et se trouve en défaut de paiement vis à vis du FMI par exemple.

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2. Un outil de décision politique

 

L’imposition par divers moyens – « règle d’or », « critères de Maastricht » ou simplement pour plaire à un électorat sensible aux mesures de l’économie – des quantifications statistiques peut avoir des effets néfastes sur les décisions politiques. Dans le seul objectif d’optimiser ces critères l’État pourra agir au détriment de la réalité en limitant par exemple les investissements dans certains secteurs comme l’éducation et la santé. Le déficit et donc l’endettement pourront ainsi être contenus, mais cela va de paire avec des effets sociaux non négligeables qui ne sont pas pris en compte par ces indicateurs. Cette épée de Damoclès pourrait détourner le gouvernement de problématisations et solutions alternatives.

L’Allemagne est le seul pays de l’Union Européenne à avoir équilibré son déficit public en octobre 2014 (+0,1%). Les États membres doivent donc emprunter sur les marchés afin de financer leur déficit. Les « critères de Maastricht » imposent aux États membres de respecter le seuil de la dette à 60% du PIB et le seuil du déficit à 3% du PIB. On peut se demander l’effet que de tels critères ont sur le comportement des États : adoptent-ils un comportement conforme aux attentes qui ont engendré ces critères ? Ces critères encouragent-ils au contraire les États à dissimuler leurs écarts budgétaire comme ce fût le cas pour la Grèce ou pour la France lors de la Soulte dans le but d’adopter la monnaie unique.

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Les États orientent aussi leurs politiques budgétaires afin de minimiser leurs taux d’emprunt, d’une part afin de continuer à financer leurs actions et leurs investissements en minimisant les coûts et d’autre part afin de s’assurer une dette soutenable. Mais puisque le taux d’emprunt d’un État est lui-même une mesure de l’efficacité des politiques menées par l’État, celui-ci rétroagit et oblige l’État à prendre des mesures dans le seul but de le limiter et non de prendre des mesures d’investissement ou autres en tentant de limiter le taux d’intérêt.
Les détenteurs de dettes ont ainsi une sorte de droit de regard sur les politiques d’investissement des États, qui seront sanctionné par un fort taux d’intérêt si elles sont jugées mauvaises.

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  1. Entretien H. Sterdyniak
  2. Entretien B. Lemoine
  3. Benjamin Lemoine – Résister aux mesures européennes. Les états à l’épreuve de la surveillance statistique des finances publiques
  4. Michel Lamy – La dette : un pont entre passé et avenir
  5. Alain Desrosières – Est-il bon, est-il méchant? Le rôle du nombre dans le gouvernement de la cité néolibérale
  6. The global debt clock – Our interactive overview of government debt across the planet
    The Economist : http://www.economist.com/content/global_debt_clock
  7. Le déficit public des États de l’Union européenne. http://www.touteleurope.eu/actualite/le-deficit-public-des-etats-de-l-union-europeenne.html