Le transhumanisme : dépassement de l’Homme ?

L’idéal transhumaniste

Le “transhumanisme” apparaît pour la première fois en 1957 sous la plume de Julien Huxley, frère de l’auteur du Meilleur des Mondes, afin de désigner l’ambition d’améliorer l’espèce humaine par des modifications biologiques (Dutent, 2017). Jean-Michel Besnier, interviewé dans cet article de l’Humanité, soutient que le mouvement transhumaniste “repose sur une dépréciation de l’homme”, à l’image de la dystopie d’Aldous Huxley.  Le transhumaniste, habité d’un désespoir face aux fragilités humaines, aspire à se “déconnecter du monde”, à dépasser sa nature biologique

Concevoir une immortalité sur la base de la pérennisation des métabolismes biologique, promouvoir “l’obsolescence de l’intelligence biologique en faveur de l’intelligence artificielle”, “faire entrer la technologie dans notre anatomie” : telles sont, selon Jean Michel Besnier, les aspirations du mouvement transhumaniste pour lequel “si nous restons biologiques, nous ne participerons plus à l’évolution”.

En France, le mouvement transhumaniste est notamment représenté par l’Association Française Transhumaniste, fondée par Marc Roux en 2010.  Celui-ci s’inscrit dans la lignée du transhumanisme dit “techno-progressiste”, et “revendique le droit d’améliorer l’existence de l’homme par la technologie” (Siméon, 2015). Cette même source cite par exemple le fondateur de l’AFT : 

«L’évolution de l’homme n’est pas terminée. Imaginons qu’on trouve le moyen d’atténuer notre agressivité… Il y a 40 000 ans, nous en avions besoin, mais aujourd’hui, beaucoup moins. Alors, pourquoi se l’interdire ?» Marc Roux

Le transhumanisme : un mouvement en essor ?

Marc Roux cite un sondage de 2015 conduit par le Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie. Celui-ci a conclu que “58 % des 2 000 personnes interrogées pensent ainsi que les progrès de la médecine doivent aider à améliorer les capacités physiques et mentales d’une personne en bonne santé, et 45 % à repousser les limites de la mort” (Siméon, 2015). Pour lui, ces résultats, qui montrent un partage à peu près équitable de l’opinion publique sur la question du transhumanisme sont encourageants pour le développement des idées qu’il défend.

A l’heure actuelle, il existe par ailleurs dans le monde une communauté de personnes utilisant des technologies dites “open-sources” pour améliorer leurs capacités physiques et revendiquant l’accès aux interfaces invasives de stimulation cognitive (Atmani, 2016). Kevin Warwick, premier cyborg de l’histoire, est la “face académique” de cette communauté connue sous le nom de “body-hackers” (Wainwright, 2015). Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il nous a expliqué qu’en 1998, il s’est fait implanter dans le bras un émetteur RFID lui permettant de commander des portes ou des lampes à distance, mais que ceci n’était qu’une première expérience. En 2002, une interface neuronale implantée dans son système nerveux lui a permis de prendre le contrôle, depuis les États-Unis, d’une main robotique se trouvant à Londres. Ce deuxième implant lui a aussi permis de connecter son système nerveux avec celui de sa femme, qui avait elle aussi un implant, ce qui leur a permis d’exercer une certaine forme de télépathie.

Bien que Kevin Warwick nous ait confié son incompréhension et une certaine déception face au faible nombre de personnes ayant mené des expériences semblables aux siennes, le mouvement des body-hackeurs se popularise peu à peu  : à Berlin, Stockholm et Copenhague, des «implant parties» s’organisent dans les soirées techno underground où les participants peuvent se faire implanter des puces électroniques sous-cutanées. Tout cela suggérerait-il l’essor du mouvement transhumaniste dans les années à venir ? (Atmani, 2016).

Le développement actuel des technologies de stimulation cérébrale dans le domaine thérapeutique nourrit également les espoirs des transhumanistes. Par exemple, l’Union Européenne a octroyé 1 milliard d’euros au « Human Brain Project », qui vise à modéliser le cerveau humain pour en faire un logiciel qui pourrait fonctionner sur des machines et sur d’autres corps. Le projet permettrait avant tout une meilleure compréhension des maladies dégénératives, mais selon Jean-Michel Besnier, les transhumanistes y voient l’opportunité de réaliser un cerveau qui puisse survivre à la mort. Il craint que les technologies développées soient détournées des objectifs thérapeutiques pour servir les ambitions des transhumanistes les plus radicaux.

‘Le pouvoir politique européen a commis à mon sens une erreur magistrale. Nos meilleurs neurobiologistes ont d’ailleurs quitté le navire en voyant que l’univers mental servait un certain libertarianisme ultralibéral. Comment faire pour sonner l’alarme ?’ Jean-Michel Besnier

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