La question de l’accessibilité

L’inégal accès aux techniques de neuro-amélioration

Lors de notre entretien, Kevin Warwick a souligné que peu de personnes auraient accès aux technologies d’augmentation cognitive lorsqu’elles se développeraient, et le CCNE note le  risque d’émergence d’« une classe sociale améliorée constituée d’une petite minorité d’individus bien informés et disposant de ressources financières suffisantes pour y accéder (CCNE, 2013). Les personnes améliorées creuseraient les écarts de richesses du fait de leurs capacités avancées, et cette nouvelle classe sociale se perpétuerait, laissant derrière la part de la société n’ayant pas accès aux technologies les plus avancées. (Morin, 2014).  Au contraire, pour Marc Roux, président de Technoprog en France, le transhumaniste doit s’adresser à toute la société et participer au progrès social : le déploiement contrôlé et responsable de ces nouvelles technologies amélioreraient significativement la qualité et la durée de vie de tous.

“Nous sommes techno-progressistes. Nous prônons un transhumanisme démocratique, modéré, social et humain, différent des idée libertaires californiennes.” Marc Roux (Morin, 2014)

Nous vous invitons à consulter la page traitant des impacts sur les inégalités pour une plus ample réflexion sur le sujet.

Toutefois, la question de l’accessibilité ne se limite pas à des considérations financières. Il convient en effet d’établir un cadre législatif à l’utilisation et la vente de stimulants cognitifs afin de limiter les risques qu’elles engendrent, tant pour la santé individuelle que pour la société dans son ensemble.

L’accès aux stimulants cognitifs chez les enfants

“Mettons tous les enfants sous Ritaline et ils seront tous polytechniciens?” Laurent Alexandre

Pour le moment le choix d’accorder aux enfants  l’accès aux smart drugs repose sur les médecins et les pédopsychiatres, mais ces derniers sont sous la pression des parents exigeants, qui par ailleurs peuvent obtenir ces substances illégalement (Roux, 2014). Par exemple, pour certains parents, la Ritaline serait la solution à la déficience scolaire et le gage de brillantes études. Cela a conduit à des abus de prescriptions : le pédopsychiatre François Ansermet a mené une étude dans un canton suisse où plus de la moitié des enfants étaient sous Ritaline il y a une dizaine d’année. En effet, dès que ces derniers présentaient des signes d’hyperactivité ou un défaut d’attention, les médecins du canton leur prescrivaient automatiquement de la Ritaline alors qu’ils ne présentaient pas de troubles neurologiques réels. (Ansermet, 2018).

L’usage des drogues neuro-amélioratrices chez les enfants évolue selon les classifications. En effet, la définition des maladies psychiatriques et le choix des traitements s’appuient traditionnellement sur la DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder). Cette référence des psychiatres met régulièrement à jour la description et la classification des syndromes, symptômes et signes des maladies psychiatriques. La DSM est elle-même critiquée par les spécialistes qui peuvent lui préférer d’autres classifications comme la RDC (Research Domain Criteria) (Ansermet, 2018).  En plus de ces désaccords entre psychiatres, les politiques de santé interne aux pays peuvent influencer l’usage et le volume des prescriptions de drogues neuro-amélioratrices chez les enfants (Paillard, 2014). Par exemple, en France, le CCNE déconseille fortement l’utilisation de substances neuro-amélioratrices « chez l’enfant, l’adolescent et les personnes vulnérables ». (Garré, 2014) (Morin, 2014).

Et dans le domaine militaire ?

Quid des armées? L’armée américaine a mené des travaux “prometteurs” à partir d’ultrasonographie transcrânienne pulsée avec casque individuel… (Paillard, 2014). Cela marque-t-il un premier pas vers des forces militaires qui seraient totalement neuro-améliorées pour être plus informées que l’adversaire ?

Pour en savoir plus, consultez sociétés en guerre : Un nouveau marché pour des surhommes?

Les startups et les médecins

Qui seront les fournisseurs de ce genre de technologie ? Seront-ils plusieurs ou y aura-t-il monopole/oligopole ? Les prix seront-ils acceptablement bas avec un marché compétitif dans ce secteur ? Pour l’instant, l’une des principales start-up impliquées dans ce marché est Neuralink : fondée par Elon Musk en 2016, elle a pour but de créer des composants électroniques pouvant se connecter au cerveau (Ezratty, 2017). 

Vers une nouvelle figure du médecin