Un texte en contradiction avec d'autres directives européennes ?

Le Parlement Européen, de l'utilisateur Treehill de Wikipédia
Le texte et la formulation même de l’article sont sujets à débat. D’après certains experts et think tanks, la directive et l’article 13 en particulier contredisent certaines directives européennes précédentes et les termes utilisés dans certains passages portent à confusion. Ces incohérences ont été relevées par des questions posées par différents pays au Service Juridique du Conseil européen et ont été reprises par le Max Planck Institute for Innovation and Competition et un groupe de professeurs de droit et propriété intellectuelle et chercheurs dans un article pour la European Intellectual Property Review.
Le texte et la formulation même de l’article sont sujets à débat. D’après certains experts et think tanks, la directive et l’article 13 en particulier contredisent certaines directives européennes précédentes et les termes utilisés dans certains passages portent à confusion. Ces incohérences ont été relevées par des questions posées par différents pays au Service Juridique du Conseil européen et ont été reprises par le Max Planck Institute for Innovation and Competition[1] et un groupe de professeurs de droit et propriété intellectuelle et chercheurs dans un article pour la European Intellectual Property Review.
Au niveau de la cohérence avec d’autres textes européens, le Max Planck Institute for Innovation and Competition estime que le texte contredit en particulier l’”Electronic Commerce Directive” datant de l’an 2000, la Directive Européenne sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information datant de 2001 et la Charte de droits fondamentaux de l’Union européenne datant de l’an 2000.
Au niveau de la cohérence avec d’autres textes européens, le Max Planck Institute for Innovation and Competition estime que le texte contredit en particulier l’”Electronic Commerce Directive” datant de l’an 2000, la Directive Européenne sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information datant de 2001 et la Charte de droits fondamentaux de l’Union européenne datant de l’an 2000[2].
Charte de droits fondamentaux de l’Union européenne
Charte de droits fondamentaux de l’Union européenne
« Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières. »
— Article 11 de la charte de droits fondamentaux de l’Union européenne
« Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières. »
Article 11 de la charte de droits fondamentaux de l’Union européenne
D’après le Max Planck Institute for Innovation and Competition, les technologies de reconnaissance sont susceptibles de limiter la liberté d’expression et d’information inscrites dans la Charte de droits fondamentaux de l’Union européenne, seuls des juges légalement autorisés à le faire devraient pouvoir décider de la légalité des contenus postés. De plus, l’Institut envisage des abus dans l’utilisation des technologies de reconnaissance : n’importe qui pourrait demander à un service de retirer du contenu, des concurrents pourraient alors demander le retrait des contenus de leurs adversaires, les utilisateurs et producteurs de contenu seraient lésés.
Le débat sur la liberté d’expression dépasse l’échelle de la simple cohérence du texte avec cette Charte : c'est un débat à part entière.
D’après le Max Planck Institute for Innovation and Competition, les technologies de reconnaissance sont susceptibles de limiter la liberté d’expression et d’information inscrites dans la Charte de droits fondamentaux de l’Union européenne, seuls des juges légalement autorisés à le faire devraient pouvoir décider de la légalité des contenus postés. De plus, l’Institut envisage des abus dans l’utilisation des technologies de reconnaissance : n’importe qui pourrait demander à un service de retirer du contenu, des concurrents pourraient alors demander le retrait des contenus de leurs adversaires, les utilisateurs et producteurs de contenu seraient lésés.
Le débat sur la liberté d’expression dépasse l’échelle de la simple cohérence du texte avec cette Charte : c'est un débat à part entière.
D’après le groupe de professeurs ayant signé un article dans la European Intellectual Property Review, l’article 13 s’oppose également aux articles 8 (protection des données à caractère personnel) car les filtres de contenu pourrait s’appliquer aux réseaux sociaux et à des informations normalement liées à des profils privés.
D’après le groupe de professeurs ayant signé un article dans la European Intellectual Property Review, l’article 13 s’oppose également aux articles 8 (protection des données à caractère personnel) car les filtres de contenu pourrait s’appliquer aux réseaux sociaux et à des informations normalement liées à des profils privés.
L’article 16 — liberté d’entreprise — de cette charge est également mentionné par la European Intellectual Property Review, les auteurs de l’article estimant que la mise en place de systèmes de filtrage serait trop lourde financièrement et techniquement pour des jeunes plateformes.
L’article 16 — liberté d’entreprise — de cette charge est également mentionné par la European Intellectual Property Review, les auteurs de l’article estimant que la mise en place de systèmes de filtrage serait trop lourde financièrement et techniquement pour des jeunes plateformes.
”Electronic Commerce Directive”
”Electronic Commerce Directive”
« 1. Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que:
a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente
ou
b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible.
2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle du prestataire. »
— Article 14 de l’Electronic Commerce Directive
« 1. Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que:
a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente
ou
b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible.
2. Le paragraphe 1 ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle du prestataire. »
Article 14 de l’Electronic Commerce Directive
L’article 13 est parfois assez flou dans sa formulation, et il est difficile de savoir dans quel cas il s’applique à la place de l’article 14 de l’Electronic Commerce Directive. Dans sa première version, l’article 13 fait référence aux « prestataires de services de la société de l'information qui stockent un grand nombre d'œuvres » ou encore aux prestataires qui « donnent accès » — présent également dans la version finale du texte. Giovanni Maria Riccio, professeur de droit comparé à l’université de Salerne, partage les mêmes doutes au sujet de la définition d’«un grand nombre d’oeuvres ». D’après le Max Planck Institute for Innovation and Competition, ces termes sont trop flous : qu’est-ce qu’un « grand nombre » ? Dans quelle mesure une plateforme doit-elle donner accès à du contenu pour que l’article 13 s’applique ? Simplement l’héberger ? Le classer, le hiérarchiser ? Ces termes flous empêchent de savoir quand l’”Electronic Commerce Directive” ou la Directive copyright s’appliquent.
Source
• G. M. Riccio, « Ancillary Copyright and Liability of Intermediaries in the EU Directive Proposal on Copyright », SSRN Electronic Journal, 2018.
L’article 13 est parfois assez flou dans sa formulation, et il est difficile de savoir dans quel cas il s’applique à la place de l’article 14 de l’Electronic Commerce Directive. Dans sa première version, l’article 13 fait référence aux « prestataires de services de la société de l'information qui stockent un grand nombre d'œuvres » ou encore aux prestataires qui « donnent accès » — présent également dans la version finale du texte. Giovanni Maria Riccio, professeur de droit comparé à l’université de Salerne, partage les mêmes doutes[3] au sujet de la définition d’«un grand nombre d’oeuvres ». D’après le Max Planck Institute for Innovation and Competition, ces termes sont trop flous : qu’est-ce qu’un « grand nombre » ? Dans quelle mesure une plateforme doit-elle donner accès à du contenu pour que l’article 13 s’applique ? Simplement l’héberger ? Le classer, le hiérarchiser ? Ces termes flous empêchent de savoir quand l’”Electronic Commerce Directive” ou la Directive copyright s’appliquent.
Un considérant — recital en anglais — accompagnant la Directive Copyright a été plus tard ajoutée permettant de préciser les liens de l’article 13 avec l’article 14 de l’”Electronic Commerce Directive” et stipule que les plateformes ayant un rôle actif — défini comme étant, entre autres, un rôle d’organisateur et de promoteur de contenu — ne peuvent pas se défaire de leur responsabilité grâce à l’article 14. Là encore, le “rôle actif” des plateformes est trop peu défini pour être clair et pour rendre le texte facilement applicable d'après le Max Planck Institute for Innovation and Competition.
Un considérant — recital en anglais — accompagnant la Directive Copyright a été plus tard ajoutée permettant de préciser les liens de l’article 13 avec l’article 14 de l’”Electronic Commerce Directive” et stipule que les plateformes ayant un rôle actif — défini comme étant, entre autres, un rôle d’organisateur et de promoteur de contenu — ne peuvent pas se défaire de leur responsabilité grâce à l’article 14. Là encore, le “rôle actif” des plateformes est trop peu défini pour être clair et pour rendre le texte facilement applicable d'après le Max Planck Institute for Innovation and Competition.
« Absence d'obligation générale en matière de surveillance
1. Les États membres ne doivent pas imposer aux prestataires, pour la fourniture des services visée aux articles 12, 13 et 14, une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.
2. Les États membres peuvent instaurer, pour les prestataires de services de la société de l'information, l'obligation d'informer promptement les autorités publiques compétentes d'activités illicites alléguées qu'exerceraient les destinataires de leurs services ou d'informations illicites alléguées que ces derniers fourniraient ou de communiquer aux autorités compétentes, à leur demande, les informations permettant d'identifier les destinataires de leurs services avec lesquels ils ont conclu un accord d'hébergement. »
— Article 15 de l’Electronic Commerce Directive
« Absence d'obligation générale en matière de surveillance
1. Les États membres ne doivent pas imposer aux prestataires, pour la fourniture des services visée aux articles 12, 13 et 14, une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.
2. Les États membres peuvent instaurer, pour les prestataires de services de la société de l'information, l'obligation d'informer promptement les autorités publiques compétentes d'activités illicites alléguées qu'exerceraient les destinataires de leurs services ou d'informations illicites alléguées que ces derniers fourniraient ou de communiquer aux autorités compétentes, à leur demande, les informations permettant d'identifier les destinataires de leurs services avec lesquels ils ont conclu un accord d'hébergement. »
Article 15 de l’Electronic Commerce Directive
Toujours selon le Max Planck Institute for Innovation and Competition, l’article 13 serait également en contradiction avec l’article 15 de cette même directive en imposant implicitement la mise en place d’un système de filtrage automatique aux plateformes hébergeant du contenu.
Giovanni Maria Riccio cite des cas de jurisprudence dans lesquels la Cour de Justice européenne a conclu que l’utilisation de systèmes « pour filtrer et bloquer des communications électroniques est incohérent avec les lois européennes ».
Toujours selon le Max Planck Institute for Innovation and Competition, l’article 13 serait également en contradiction avec l’article 15 de cette même directive en imposant implicitement la mise en place d’un système de filtrage automatique aux plateformes hébergeant du contenu.
Giovanni Maria Riccio cite des cas de jurisprudence dans lesquels la Cour de Justice européenne a conclu que l’utilisation de systèmes « pour filtrer et bloquer des communications électroniques est incohérent avec les lois européennes ».
Directive européenne sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information de 2001
Directive européenne sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information de 2001
« Droit de communication d'oeuvres au public et droit de mettre à la disposition du public d'autres objets protégés
1. Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire toute communication au public de leurs oeuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs oeuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement.
2. Les États membres prévoient le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la mise à la disposition du public, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement:
a) pour les artistes interprètes ou exécutants, des fixations de leurs exécutions;
b) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes;
c) pour les producteurs des premières fixations de films, de l'original et de copies de leurs films;
d) pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs émissions, qu'elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite.
3. Les droits visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont pas épuisés par un acte de communication au public, ou de mise à la disposition du public, au sens du présent article. »
— Article 3 de la Directive européenne sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information
« Droit de communication d'oeuvres au public et droit de mettre à la disposition du public d'autres objets protégés
1. Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire toute communication au public de leurs oeuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs oeuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement.
2. Les États membres prévoient le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la mise à la disposition du public, par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement:
a) pour les artistes interprètes ou exécutants, des fixations de leurs exécutions;
b) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes;
c) pour les producteurs des premières fixations de films, de l'original et de copies de leurs films;
d) pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs émissions, qu'elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite.
3. Les droits visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont pas épuisés par un acte de communication au public, ou de mise à la disposition du public, au sens du présent article. »
Article 3 de la Directive européenne sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information
Là encore, d’après le Max Planck Institute for Innovation and Competition, les termes « mettre à disposition » utilisé au premier paragraphe de cet article ont des liens flous avec « donner accès » employé dans l’article 13. De même, « donner accès » est-il un « acte de communication au public » — expression retrouvée dans le paragraphe 3 ?
Là encore, d’après le Max Planck Institute for Innovation and Competition, les termes « mettre à disposition » utilisé au premier paragraphe de cet article ont des liens flous avec « donner accès » employé dans l’article 13. De même, « donner accès » est-il un « acte de communication au public » — expression retrouvée dans le paragraphe 3 ?