Transposition de l’article et de la directive à l’échelle nationale

Après le vote de l’article au parlement européen fin mars 2019, il reste deux étapes principales dans la mise en application de la directive.
Après le vote de l’article au parlement européen fin mars 2019, il reste deux étapes principales dans la mise en application de la directive.
Le vote au Conseil : une approbation loin de l’unanimité
Le vote au Conseil : une approbation loin de l’unanimité
D’abord, le texte doit être voté au Conseil de l’Union Européenne, qui représente les États membres de l’Union. Ce cadre de double-vote à la fois par le Parlement Européen et par le Conseil est appelé « codécision ». Pour que la directive soit acceptée par le Conseil, il est nécessaire qu’elle obtienne une majorité qualifiée, c’est à dire au moins 55% des États membres — de fait 16 États sur 28 — en faveur de la directive, représentant au moins 65% de la population de l’Union Européenne.
D’abord, le texte doit être voté au Conseil de l’Union Européenne, qui représente les États membres de l’Union. Ce cadre de double-vote à la fois par le Parlement Européen et par le Conseil est appelé « codécision ». Pour que la directive soit acceptée par le Conseil, il est nécessaire qu’elle obtienne une majorité qualifiée[1], c’est à dire au moins 55% des États membres — de fait 16 États sur 28 — en faveur de la directive, représentant au moins 65% de la population de l’Union Européenne.
La directive droit d’auteur a finalement été votée au Conseil le 15 avril 2019, mais sans unanimité. Ainsi, parmi les 28 États membres, 19 ont voté en faveur de la directive, 6 s’y sont opposés — l’Italie, la Pologne, les Pays-Bas, la Suède, la Finlande, et le Luxembourg —, et 3 se sont abstenus — la Belgique, la Slovénie, et l’Estonie. Si l’on effectue le décompte de population suivant les règles du Conseil, le seuil de 65% de la population de l’Union parmi les 19 pays s’étant prononcés favorablement est dépassé avec 68,75%.
La directive droit d’auteur a finalement été votée au Conseil le 15 avril 2019, mais sans unanimité[2]. Ainsi, parmi les 28 États membres, 19 ont voté en faveur de la directive, 6 s’y sont opposés — l’Italie, la Pologne, les Pays-Bas, la Suède, la Finlande, et le Luxembourg —, et 3 se sont abstenus — la Belgique, la Slovénie, et l’Estonie. Si l’on effectue le décompte de population suivant les règles du Conseil, le seuil de 65% de la population de l’Union parmi les 19 pays s’étant prononcés favorablement est dépassé avec 68,75%[3].
A l’issue du vote le 15 avril, plusieurs pays effectuent des déclarations quant à leur vote. Ainsi, l’Allemagne — ayant voté en faveur du texte — explique son vote d’abord par l’urgence de mettre à jour le droit européen sur les questions de droit d’auteur et d’internet, qu’elle considérait dépassé par l’évolution du web. Dans le même temps, le gouvernement fédéral allemand regrette qu’un consensus sur la responsabilité des plateformes n’ait pas été trouvé, et notamment concernant le filtrage automatique.
A l’issue du vote le 15 avril, plusieurs pays effectuent des déclarations quant à leur vote[4]. Ainsi, l’Allemagne — ayant voté en faveur du texte — explique son vote d’abord par l’urgence de mettre à jour le droit européen sur les questions de droit d’auteur et d’internet, qu’elle considérait dépassé par l’évolution du web. Dans le même temps, le gouvernement fédéral allemand regrette qu’un consensus sur la responsabilité des plateformes n’ait pas été trouvé, et notamment concernant le filtrage automatique.
Dans une déclaration commune, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Pologne, l’Italie et la Finlande — ayant voté contre le texte — s’accordent sur la nécessité de faire évoluer le droit européen dans un contexte où les technologies numériques ont radicalement changé les pratiques de création, partage et diffusion de contenu. Cependant, ceux-ci estiment que la directive ne parvient pas à trouver un équilibre entre protection des ayants droit et intérêts des citoyens et des entreprises, au risque de faire obstacle à l’innovation et à la compétitivité du marché européen dans le domaine.
Dans une déclaration commune, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Pologne, l’Italie et la Finlande — ayant voté contre le texte — s’accordent sur la nécessité de faire évoluer le droit européen dans un contexte où les technologies numériques ont radicalement changé les pratiques de création, partage et diffusion de contenu. Cependant, ceux-ci estiment que la directive ne parvient pas à trouver un équilibre entre protection des ayants droit et intérêts des citoyens et des entreprises, au risque de faire obstacle à l’innovation et à la compétitivité du marché européen dans le domaine.
Ainsi, même parmi les États de l’Union, un désaccord sur la directive générale reste présent dans l’une des dernières étapes de vote et d’application.
Ainsi, même parmi les États de l’Union, un désaccord sur la directive générale reste présent dans l’une des dernières étapes de vote et d’application.
En réaction au vote, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne — à l’initiative de la directive —, se félicite de son adoption et affirme « L'Europe aura désormais des règles claires garantissant une rémunération équitable aux créateurs, des droits renforcés pour les utilisateurs et une responsabilité accrue pour les plateformes. ».
En réaction au vote, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne — à l’initiative de la directive —, se félicite de son adoption et affirme « L'Europe aura désormais des règles claires garantissant une rémunération équitable aux créateurs, des droits renforcés pour les utilisateurs et une responsabilité accrue pour les plateformes. »[5].
Ce point de vue n’est pas partagé par exemple par Google, qui, un mois plus tôt, critiquait le manque de clarté du texte voté au parlement européen. Sur le blog officiel de Google, Kent Walker, responsable des affaires juridiques chez Google, affirme ainsi que, quoique des progrès aient été apportés dans la dernière version du texte grâce à des clauses de non-responsabilité des plateformes dans le cas de démonstration de bonne foi, les prérequis de la directive restent vagues et non testés. La conséquence serait de fait de provoquer un blocage par défaut de certains contenus n’enfreignant pas nécessairement les droits d’autrui, mais étant à la limite d’interprétation du texte, et ce pour éviter tout risque légal.
Ce point de vue n’est pas partagé par exemple par Google, qui, un mois plus tôt, critiquait le manque de clarté du texte voté au parlement européen[6]. Sur le blog officiel de Google, Kent Walker, responsable des affaires juridiques chez Google, affirme ainsi que, quoique des progrès aient été apportés dans la dernière version du texte grâce à des clauses de non-responsabilité des plateformes dans le cas de démonstration de bonne foi, les prérequis de la directive restent vagues et non testés. La conséquence serait de fait de provoquer un blocage par défaut de certains contenus n’enfreignant pas nécessairement les droits d’autrui, mais étant à la limite d’interprétation du texte, et ce pour éviter tout risque légal.
« Services like YouTube accepting content uploads with unclear, partial, or disputed copyright information could still face legal threats. The text needs to be clearer to reduce legal uncertainty about how rights holders should cooperate to identify their content — giving platforms reference files, as well as copyright notices with key information (like URLs) to facilitate identifying and removing infringing content, while not removing legitimate material. »
— Kent Walker, responsable des affaires juridiques chez Google
« Services like YouTube accepting content uploads with unclear, partial, or disputed copyright information could still face legal threats. The text needs to be clearer to reduce legal uncertainty about how rights holders should cooperate to identify their content — giving platforms reference files, as well as copyright notices with key information (like URLs) to facilitate identifying and removing infringing content, while not removing legitimate material. »
Kent Walker, responsable des affaires juridiques chez Google
Les Pays-Bas, le Luxembourg, la Pologne, l’Italie et la Finlande, dans leur déclaration commune, estiment aussi que le texte manque de clarté : « We feel that the Directive lacks legal clarity, will lead to legal uncertainty for many stakeholders concerned and may encroach upon EU citizens’ rights. ».
Les Pays-Bas, le Luxembourg, la Pologne, l’Italie et la Finlande, dans leur déclaration commune, estiment aussi que le texte manque de clarté : « We feel that the Directive lacks legal clarity, will lead to legal uncertainty for many stakeholders concerned and may encroach upon EU citizens’ rights. ».
Transposition dans le droit national : des leviers de négociations dans l’application du texte
Transposition dans le droit national : des leviers de négociations dans l’application du texte
A la suite du vote du Conseil, le texte est publié au journal officiel de l’Union Européenne le 17 mai 2019. Les États membres de l’Union ont ensuite deux ans pour mettre en application à l’échelle nationale le texte, un processus appelé transposition. C’est au niveau de cette transposition que les débats, les derniers mois, continuent et s’intensifient. En effet, une certaine marge de manœuvre est laissée aux États membres dans l’application du texte en accords avec leur législation nationale.
A la suite du vote du Conseil, le texte est publié au journal officiel de l’Union Européenne le 17 mai 2019[7]. Les États membres de l’Union ont ensuite deux ans pour mettre en application à l’échelle nationale le texte, un processus appelé transposition. C’est au niveau de cette transposition que les débats, les derniers mois, continuent et s’intensifient. En effet, une certaine marge de manœuvre est laissée aux États membres dans l’application du texte en accords avec leur législation nationale.
Ainsi, dans une lettre ouverte du 20 mai 2019, dans une lettre adressée aux représentants de la Commission Européenne, 42 organisations parties prenantes — parmi lesquelles l’Electronic Frontiers Foundation, La Quadrature du Net, l’EDRi, ou encore la fondation Wikimedia — rappellent leurs inquiétudes quant aux conséquences de l’article 13 sur les libertés fondamentales. Pour contrebalancer ces craintes et risques, elles appellent de leurs vœux la Commission et les États membres à inclure les organisations représentant des utilisateurs du net dans la transposition et la mise en œuvre du texte. La mise en place de dialogues et consultations avec les parties prenantes est ainsi suggérée.
Ainsi, dans une lettre ouverte du 20 mai 2019[8], dans une lettre adressée aux représentants de la Commission Européenne, 42 organisations parties prenantes — parmi lesquelles l’Electronic Frontiers Foundation, La Quadrature du Net, l’EDRi, ou encore la fondation Wikimedia — rappellent leurs inquiétudes quant aux conséquences de l’article 13 sur les libertés fondamentales. Pour contrebalancer ces craintes et risques, elles appellent de leurs vœux la Commission et les États membres à inclure les organisations représentant des utilisateurs du net dans la transposition et la mise en œuvre du texte. La mise en place de dialogues et consultations avec les parties prenantes est ainsi suggérée.
«Such broad and inclusive participation is crucial for ensuring that the national implementations of Article 17 and the day-to-day cooperation between online content-sharing service providers and rightholders respects the Charter of Fundamental Rights by safeguarding citizens’ and creators’ freedom of expression and information, whilst also protecting their privacy. These should be the guiding principles for a harmonized implementation of Article 17 throughout the Digital Single Market.»
— Lettre ouverte du 20 mai 2019, signée par des organisations défendant les libertés
«Such broad and inclusive participation is crucial for ensuring that the national implementations of Article 17 and the day-to-day cooperation between online content-sharing service providers and rightholders respects the Charter of Fundamental Rights by safeguarding citizens’ and creators’ freedom of expression and information, whilst also protecting their privacy. These should be the guiding principles for a harmonized implementation of Article 17 throughout the Digital Single Market.»
Lettre ouverte du 20 mai 2019, signée par des organisations défendant les libertés
Cette lettre adressée à la Commission et non directement aux États insiste sur le paragraphe (10) de l’article 13, qui lui-même indique l’organisation de consultations par la Commission Européenne au sujet de l’application du texte. L’Allemagne, dans sa déclaration suivant le vote à la commission, insiste sur l’importance de ces consultations au risque de fragmenter et non unifier le droit européen sur les questions du droit d’auteur.
Cette lettre adressée à la Commission et non directement aux États insiste sur le paragraphe (10) de l’article 13, qui lui-même indique l’organisation de consultations par la Commission Européenne au sujet de l’application du texte. L’Allemagne, dans sa déclaration suivant le vote à la commission, insiste sur l’importance de ces consultations au risque de fragmenter et non unifier le droit européen sur les questions du droit d’auteur.
« La Commission organise, en coopération avec les États membres, des dialogues entre parties intéressées afin d’examiner les meilleures pratiques pour la coopération entre les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne et les titulaires de droits. Après consultation des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne, des titulaires de droits, des organisations d’utilisateurs et des autres parties prenantes concernées, et compte tenu des résultats des dialogues entre parties intéressées, la Commission émet des orientations sur l’application du présent article [...] »
— Article 25 de la directive
« La Commission organise, en coopération avec les États membres, des dialogues entre parties intéressées afin d’examiner les meilleures pratiques pour la coopération entre les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne et les titulaires de droits. Après consultation des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne, des titulaires de droits, des organisations d’utilisateurs et des autres parties prenantes concernées, et compte tenu des résultats des dialogues entre parties intéressées, la Commission émet des orientations sur l’application du présent article [...] »
Article 25 de la directive
Un mois plus tôt, le 19 avril 2019, l’association Communia signataire de la lettre ouverte, rappelait également que l’article 25 de la directive laissait ouverte la porte à l’implémentation par les États membres d’exceptions plus larges à la directive, notamment via des exceptions existantes dans des directives antérieures, comme la Information Society Directive de 2001.
Un mois plus tôt, le 19 avril 2019, l’association Communia[9][10] signataire de la lettre ouverte, rappelait également que l’article 25[11] de la directive laissait ouverte la porte à l’implémentation par les États membres d’exceptions plus larges à la directive, notamment via des exceptions existantes dans des directives antérieures, comme la Information Society Directive de 2001.
Le 24 mai, la Pologne a lancé un recours contre la directive devant la Cour européenne de justice, estimant qu’elle met en place des mesures disproportionnées menaçant la liberté d’expression. Les débats sur la directive se focalisent donc à présent au niveau des États.
Le 24 mai, la Pologne a lancé un recours contre la directive devant la Cour européenne de justice[12], estimant qu’elle met en place des mesures disproportionnées menaçant la liberté d’expression. Les débats sur la directive se focalisent donc à présent au niveau des États.