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L'efficacité de la législation

L'excision est interdite par la loi dans de nombreux états du monde. Cependant, certains états où la pratique est fortement ancrée ne disposent pas toujours de dispositions légales visant à interdire l'excision. Ainsi, au Mali où 94 % des femmes sont excisées, il n'y pas de loi interdisant explicitement les mutilations génitales. Dans ce pays, Christine Bellas Cabane a rencontré plusieurs associations de protection de la femme dont font partie de nombreux juristes.

Dans de tels pays, les avis sur l'opportunité de mettre en place une loi sont très partagés. De nombreux opposants à la pratique considèrent que ce serait inutile. En effet, les familles ne porteraient jamais plainte. Ainsi, certaines personnalités se disent très favorables à une loi mais quand on leur demande si, personnellement, elles porteraient plainte, elles répondent négativement. La question est de savoir contre qui porter plainte : l'exciseuse, la famille...? Dans la société africaine, le rôle de la famille est beaucoup plus important que celui de l'Etat et les lois étatiques sont difficilement acceptées. En outre, faire une loi peut parfois être contre-productif : on ne veut pas passer pour des délateurs et dans des pays où une loi existe, certaines personnes n'osent pas emmener à l'hôpital les filles qui ont des complications après l'excision, de peur qu'il y ait des conséquences judiciaires.

D'autres personnes, au contraire, pensent que l'instauration d'une loi est indispensable à l'évolution des mentalités. Inscrire ceci dans la loi devrait s'accompagner d'une grande campagne d'information afin de faire voir les risques encourus. Il faudrait également parler des procès ayant déjà eu lieu dans les différents pays (la plupart sont occidentaux). A force de communication les familles finiront par comprendre que, l'excision est quelque chose de grave et dangereux pour leurs filles.

Voici quelques témoignages de juristes qui permettent de comprendre les différents enjeux de la question:

« En me rendant à la clinique juridique, je voulais savoir si l'excision constituait un motif de plainte ou de divorce. La réponse de l'ensemble des juristes fut unanime. Elles n'étaient jamais saisies pour ce motif, en tant que tel. Cela restait du domaine privé, familial. La présidente, que j'interrogeai la première m'expliqua : ''Une seule fois, une femme dont la fillette avait été excisée contre son gré et en était morte en a parlé à une amie membre d'une association de lutte contre l'excision pour savoir si la clinique pouvait s'occuper de cette affaire. Nous avons répondu qu'il fallait qu'elle-même porte plainte, que le parquet soit saisi, avant que la clinique ne s'en empare. La femme n'a pas voulu. Elle a dit: « comment je peux porter plainte contre ma belle-mère. Ce n'est pas possible! ». Elle a dû avoir peur que son mari demande le divorce, ou même d'être rejetée de la communauté car c'est comme ça que cela se passe au Mali. La personne est mise à l'index de la société. L'affaire s'est donc arrêtée là. Mon amie ne pouvait pas porter plainte à sa place non plus. C'est donc la seule fois, et encore indirectement.»

« Je suis d'origine peule et je connais bien le problème de l'excision parce que chez nous, c'est incontournable. En fait, bien qu'elle n'ait plus trop de sens de nos jours, c'est une pratique qui arrange les hommes, car elle rend les femmes moins exigeantes sur le plan sexuel. Ils veulent plusieurs épouses, mais n'arrivent pas à les satisfaire. Avec l'excision, ils sont plus tranquilles. Il y a aussi le respect de la tradition, de la famille. Pour les Bambaras, les Soninké et les Peuls, c'est inviolable. Théoriquement, en tant que juristes, nous pouvons être favorables au vote d'une loi, mais, concrètement, nous savons qu'elle sera difficilement applicable. Au Burkina Faso, les gens se cachent, mais la pratique continue. C'est très mal vu de dénoncer une famille, on passe pour des délateurs. Moi-même, j'ai été confrontée récemment au problème et je n'ai rien dit. Ma soeur avait une enfant qui a eu une hémorragie à la suite d'une excision ; elle respirait péniblement chez la vieille forgeronne. Elle lui a mis de l'huile de palme sur la plaie. Je voulais l'amener à l'hôpital, mais ma soeur a eu peur. Une autre vieille a donné un produit noir. L'enfant est restée deux jours avec nous. Mon copain avait peur. Il n'y a pas encore de loi, et on n'ose pas aller à l'hôpital même s'il y a des problèmes. Alors ce serait pire s'il y en avait une.

-Et si elle était morte?

-Je n'aurais rien dit non plus. Qu'est-ce que ça change? Les parents sont suffisamment punis. Les gens n'osent pas parler, dénoncer les exciseuses. Ils ont peur des forces mystiques. En Afrique, c'est comme ça. »