Interview d'Ivonne Baki

Ancienne Ministre du Commerce extérieur d'Equateur, ancienne Présidente du Parlement andin, Ivonne Baki est actuellement chef de l'équipe de négociation pour l'initiative Yasuni-ITT. Avec la confiance du Président, elle parcourt le monde depuis sa nomination en janvier 2011 pour convaincre les pays occidentaux du bien fondé de la proposition Yasuni ITT. Elle a accepté de recevoir l'un d'entre nous à Quito en Equateur. Voici un résumé de l'entretien (pour découvrir les réponses de Mme Baki aux différentes questions, cliquer sur ces dernières) :

J’ai été convoquée par le président équatorien, Rafael Correa, afin de prendre en charge la direction du projet Yasuni. A priori intéressée par le projet, ce n'est qu’après la visite du parc en question qu'une réelle motivation s'est révélé. Le site concerné par le projet Yasuni comporte, en effet, une biodiversité végétale et animale sans égal sur notre planète, et la visite de ce site fût pour moi une expérience unique.

Je vous rappelle d’ailleurs que la zone du parc n'a pas été touchée lors du grand refroidissement (ère glaciaire) et que pour cette raison, la plupart des animaux de l’époque s'y sont dirigés. Insensible aux changements climatiques, le parc témoigne donc également d'une diversité temporelle.

Bien entendu, le gouvernement est fortement implique dans le projet Yasuni, et se charge principalement de la campagne de communication. Faire connaître le projet aussi bien d'un point de vue international que local est l'objectif principal du pays. Ainsi, en commençant par son propre pays, la campagne de communication réalisée en Équateur a permis de récolter plus de 3 millions de dollars. Plus précisément, 83% des équatoriens ont approuvé le projet, et 68% désiraient contribuer financièrement (la valeur du don n'est pas fixe).

La communauté scientifique joue également un grand rôle dans ce projet. Un important travail a été réalisé pour souligner l’unicité de la biodiversité à l’aide de cartes. En particulier, l’association à but non lucratif Finding Species a aidé à répertorier un très grand nombre d’espèces (animales ou végétales).

Jusqu’à très récemment, la campagne de sensibilisation mettait l’accent sur le pétrole et sur sa non exploitation mais ceci s’est révélé être une mauvaise stratégie. Le public a en effet bien mieux réagi à l’approche mettant en avant la biodiversité du parc, et surtout le fait que les fonds récoltés serviraient à sa protection.

De plus, n'oublions pas que la piste des réseaux sociaux n’a pas encore été exploitée, et qu’elle pourrait fortement contribuer à la popularité du projet. Pour ce faire, l’équipe du projet Yasuni travaille avec le groupe qui fût responsable de la campagne de Barack Obama en 2008.

La réponse du grand public est positive. De plus en plus de communautés locales s’impliquent dans le projet, en participant financièrement, ou en popularisant le projet. Le projet Viva Yasuni créé en coopération avec le conseil régional de la Meurthe et Moselle en est un exemple typique. Les contributions des particuliers devraient également décoller, puisque le projet a récemment obtenu une dérogation en matière de taxes, ce qui permet de faire des dons d’une valeur importante.

Sensibiliser les États est bien entendu plus difficile, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le projet est unique en son genre et les États n’ont aucune garantie de sa viabilité. Ensuite, certains doutent de l’engagement de l’Équateur sur le long terme. Toutefois, de plus en plus d’États contribuent au projet, ou font des promesses de dons. L’Australie, la Géorgie, la Turquie et la Russie en sont des exemples récents.

L’avantage d’un tel projet est l’image qu’il peut donner, à savoir une image verte de conservation de la vie, et surtout de prévention. Le gouvernement équatorien ne souhaite pas détruire puis reconstruire, il souhaite empêcher. Des entreprises telles que la Coca Cola Company ont déjà compris l’intérêt (économique notamment) de ce symbole vert.

Je suis très optimiste quant à l’évolution du projet. En effet, la réponse obtenue a été de manière générale très positive, et il faut garder à l’esprit que le domaine des réseaux sociaux n’a pas encore été exploité.