Enjeux socio-environnementaux du projet Yasuni ITT


Depuis 1972, l’économie de l’équateur est très largement basée sur l’exploitation du pétrole. Les hydrocarbures représentent aujourd’hui 53 % des exportations du pays. L’exploitation pétrolière a largement contribué à la détérioration de la forêt Amazonienne. La catastrophe de Texaco, a durablement marqué les esprits en Equateur, et a changé l’approche du gouvernement vis-à-vis de l’exploitation pétrolière. Entre 1964 et 1990, la compagnie pétrolière Texaco a rejeté des millions de tonnes de déchets toxiques dans la forêt amazonienne. De plus, les réserves pétrolières équatoriennes ne permettront plus de 30 ans d’exploitation. Ce qui rend l’économie Equatorienne vulnérable. Ainsi, le projet Yasuni ITT permettrait de commencer une transition économique et de rompre avec la logique extractiviste historique. Cet article s'inspire notamment d'une publication très pertinente de M. Finer, C.N. Jenkins, S.L. Pimm, B. Keane et C. Ross : Oil and Gas Projects in the Western amazon: Threats to Wilderness, Biodiversity, and Indigenous Peoples.

Une biodiversité unique



Le parc Yasuni présente plusieurs caractéristiques qui en font une réserve de biodiversité particulièrement stratégique. Il bénéficie d’un climat stable, peu soumis aux effets du changement climatique, comme tout le bassin Amazonien de l’ouest. Alors que 40% des espèces de plantes présentes dans le parc pourraient être appelées à disparaître à cause du changement climatique, le parc Yasuni, dont le climat bénéficiera d’une relative stabilité, pourrait s’imposer comme un incroyable sanctuaire écologique dans l’avenir. De plus, le parc bénéficie de fortes précipitations, d’une température élevée et régulière qui favorise le développement d’une multitude d’espèces.


On a recensé dans le parc Yasuni, 2274 espèces d’arbres et d’arbustes. A titre de comparaison, on trouve en moyenne sur 1 hectare du parc Yasuni 655 espèces différentes, soit plus que sur tout le territoire d’Amérique du nord. Il y a également 4000 espèces de plantes vasculaires par million d’Hectares, et plus de 450 espèces de lianes. Il s’agit à ce titre, d’un des lieux du monde les plus riches en biodiversité au monde. En plus de sa flore exceptionnelle, le parc possède une faune riche. On recense 80 espèces de chauve-souris, 150 espèces d’amphibiens, 121 espèces de reptiles et 593 espèces d’oiseaux. Il y a plus de 100000 espèces d’insectes par hectare, ce qui représente la plus grande concentration du monde. D’après Matt Finer, « Yasuni est l’une des zones les plus riches de l’hémisphère Ouest », « C’est la seule zone où la diversité de 4 groupes clés, amphibiens, oiseaux, mammifères et plantes vasculaire, atteignent tous leur niveau maximal. » La densité de biodiversité du parc est ainsi extrêmement élevée. D’autant plus si on considère que le parc qui abrite près de 40 % des espèces du bassin Amazonien bien que sa superficie n’excède pas 100 000km², contre 6 683 926 pour l’ensemble du bassin Amazonien ( soit 1,4% de la superficie).











Des Peuples Indigènes menacés

Le parc abrite de nombreux peuples indigènes, qui ont fait le choix de vivre en isolement volontaire, en marge de la société occidentale : Les Waorani divisés en plusieurs groupes : les Tagaeri et les Taromenane, les Kichwas etc… Ces derniers conservent leur mode de vie traditionnel sur leurs territoires ancestraux, qui s’étendent sur l’ensemble du parc Yasuni. Leur situation est extrêmement vulnérable du fait de la progression de la civilisation occidentale, qui se traduit par l’évangélisation, l’exploitation illégale de la forêt, l’extraction du pétrole et du gaz, le tourisme ou encore la recherche scientifique. Autant d’incursions qui mettent en péril leurs traditions, leur habitat et leur santé puisqu’ils sont très vulnérables aux maladies de la civilisation moderne dont ils ont toujours été isolés : à titre d’exemple, un simple rhume peut les tuer. En 1956, l’état équatorien les a marginalisés et les a limités dans une zone qui n’excédait pas 16 000 Hectares.

Les Tagaeri, dont le nom vient du clan Tagae, sont des Waorani qui ont décidé de conserver leur mode de vie, c’est-à-dire leur isolement. Un autre groupe culturellement proche des Tagaeri, qui partagent également la même langue sont les Taromenane. Ces deux groupes sont constamment agressés par des forces armées, des colons, des Kichwas ou encore par d’autres Waoranis hostiles. Aujourd’hui, ces groupes indigènes ne compteraient plus que 80 à 300 membres.

Récemment, le gouvernement équatorien a entrepris la protection des populations indigènes. En 2007, la création de la zone intangible était motivée par le désir de protéger les populations locales face aux agressions du monde occidental. La nouvelle constitution de 2008, traduisit cette volonté de l’état de préserver ces peuples indigènes. La nouvelle constitution garanti les droits des indigènes, c’est-à-dire : maintenir, développer, renforcer leur identité et leurs traditions.

Article 57 de la constitution : « Le territoire des peuples en isolement volontaire sont des territoires ancestraux, irréductibles et intangibles, dans lesquels tout type d’activité d’extraction est interdite. L’Etat doit adopter des mesures pour sauvegarder leurs vies, respecter leur auto-détermination et souhait de rester en isolement, et doit s’assurer que leurs droits sont respectés. La violation de ces droits constitue le crime ethnocide, qui devra être classé par la loi »

L’exploitation pétrolière envisagée pour les blocs ITT soulève de multiples inquiétudes au sein de la communauté Waorani, qui transmettent leurs préoccupations au président équatorien, comme dans ce courrier adressé en 2005 :

« Qu’adviendra- t-il lorsque nos enfants grandiront ? Où vivront ils seront grands ? Nos rivières sont tranquilles et dans la forêt nous pouvons trouver de la nourriture, des remèdes et d’autres commodités dont nous avons besoin. Que se passera-t-il lorsque les compagnies pétrolières auront fini de détruire ce que nous avons ? »


Les enjeux climatiques



Le bloc ITT concerne 846 millions de barils de pétrole, avec une densité de 14,7° API. L’exploitation de ces réserves signifierait une production quotidienne de 107 000 Barils par jour pendant 13 ans, puis une phase déclinante de 12 ans d’exploitation. Le projet Yasuni ITT, qui prévoit de laisser inexploitées ces réserves éviterait l’émission de 407 millions de tonnes de CO2, sans compter les effets d’une déforestation éventuelle. La quantité d’émissions de CO2 ainsi épargné excèderait les émissions annuelles d’un pays comme le Brésil (332 millions) ou la France (373 millions de tonnes). Cela équivaut aux émissions de CO2 de l’équateur pendant 13 ans. Sur le marché des émissions de Carbone, 1 tonne de CO2 coûte 19,81$. Le coût de ce projet excède donc 8 Milliards d’euros.