Le pétrole et l'Equateur


Avec un PIB en parité de pouvoir d’achat (PPA) de 115 milliards de dollars, l’Equateur est la soixante quatrième économie mondiale en 2010. Les importantes ressources pétrolières de ce pays, surtout en zone amazonienne, lui ont permis en 2008 d’extraire jusqu’à près de 510 000 barils de brut par jour. Une politique extractiviste orchestrée à plus de 50% par une entreprise locale : PetroEcuador. L’Equateur est le plus petit membre de l’OPEP mais dispose à lui seul de 2,9% des réserves de pétrole d’Amérique latine et est le trente troisième producteur mondial. Cette industrie pétrolière représente aujourd'hui 53% des exportations du pays et 60% des revenus du pays.

Malgré le discours du président équatorien qui prône un progressif passage à un système post pétrolier, l’Equateur a augmenté de 3% sa production de pétrole en 2011 par rapport à 2010, selon l'annonce du 26 décembre du ministre des ressources naturelles non-renouvelables, Wilson Pastor Morris. L'extraction a atteint les 500 378 barils de pétrole brut par jour en 2011 contre 486 014 barils de brut quotidien l'année précédente. Les réserves du parc Yasuni représentent près de 20% des réserves de brut du pays.



L’ouverture de puits de pétrole et la biodiversité équatorienne ne font pas bon ménage


La politique extractiviste en zone amazonienne est catastrophique pour la forêt équatorienne. En effet, chaque puits de pétrole vertical représente près de 500 m3 de déchets solides et jusqu’à 3 000 m3 de déchets liquides. Pour le parc Yasuni, qui serait aménagé de 130 puits en cas d’échec du projet, cela représente 65 000 m3 de déchets solides et 390 000 m3 de déchets liquides tous toxiques. Ces déchets sont laissés par les compagnies pétrolières sous la plateforme de perforation. Des compagnies pétrolières comme Sinopec prévoit deux fois plus de puits et donc deux fois plus déchets. D’autant plus que dans le cas de l’extraction de pétrole lourd, la courte durée de vie des puits augmente encore ce bilan.


Outre la pollution directe par des déchets d’exploitation, l’extraction du pétrole a des conséquences désastreuses sur la forêt amazonienne. En effet, chaque puits de pétrole engendre la déforestation de 1,5 hectare de forêt pour la plateforme, le matériel et le campement. Il faut ajouter à cela les voies d’accès qui peuvent faire jusqu’à 5m de large. Enfin, il y a toutes les infrastructures de transport du pétrole brut : les tuyauteries et les lignes de transmission. Mais la déforestation la plus importante est indirecte et est liée à la construction des routes qui servent à la maintenance des exploitations : des villes se construisent le long de ces routes de plus en plus profondément dans la forêt.




Une telle déforestation est catastrophique pour le climat. En effet, cette forêt est un élément essentiel dans ce climat si particulier de cette zone amazonienne. D'après un article publieré


Un autre gros problème de pollution est celui des eaux d’exploitation. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, une réserve sous-terraine de pétrole ne consiste pas du tout en une immense cavité remplie de pétrole brut. En effet, mélangé à de l'eau, le pétrole occupe les pores microscopiques d'une roche spongieuse. On ne récupère donc pas du pétrole brut pur en sortie de puits, mais un mélange d’eau sédimentaire et de pétrole. Ce type d’eau présente des concentrations très élevées de chlorures et de métaux lourds : jusqu’à 100 000 milligrammes d'éléments solides de chlorure de sodium par litre d'eau. Cet excès de sels est d’autant plus grave qu’il améliore la solubilité d'autres éléments comme le radium, radioactif.


Enfin, ces eaux contiennent des particules d'hydrocarbures solubles et des produits chimiques qui sont utilisés pour séparer le pétrole de l’eau et protéger les installations (anti-émulsionnants, anti-paraffiniques, biocides et autres). En moyenne, pour 20 barils de pétrole extrait, c’est plus de 80 barils d’eau d’exploitation qui sont aussi déversés dans la nature, soit 4 fois plus. Ainsi, si on considère que les réserves en pétrole du parc Yasuni s’élèvent à 850 millions de barils, ce serait 3 milliards 400 millions de barils d’eau de formation qui seraient extraits. Ce qui représente 21 milliards 385 millions de mètres cube d’eaux toxiques. La réinjection de telles quantités d’eau est impossible puisqu’il n’existe pas de formation géologique sous terraine suffisamment étendue pour les accueillir. De manière générale, l’eau d’exploitation est, aujourd’hui, déversée dans la nature et pollue les eaux de surface qui servent de réserves d’eaux potables aux populations indigènes et à la faune de la région. Enfin, la pollution des eaux du sous-sol peu profond peut aussi faire suffoquer des racines, faire perdre de la vigueur à la végétation, et dans beaucoup de cas, la tuer.


L’affaire Chevron Texaco


Entre 1960 et 1990, Texaco, une filiale de Chevron, a exploité les réserves pétrolières équatoriennes en forêt amazonienne et a été accusée d’avoir déforesté illégalement une partie de la forêt et d’avoir déversé délibérément des millions de tonnes de déchets toxiques en pleine jungle ou dans les fleuves, sur plusieurs centaines de sites dont le parc national Yasuni fait partie. La filiale a aussi été accusée d’avoir quitté le pays sans dépolluer. Certains experts parlent du « Tchernobyl de l’Amazonie » et du pire désastre pétrolier de l’histoire : la quantité de pétrole et de déchets répandus dans l'environnement en Equateur entre 1960 et 1990 par Texaco est 30 fois supérieure à la quantité déversée dans le désastre du fameux tanker Exxon Valdez sur les côtes de l'Alaska de 1989.

Voici un historique de cette catastrophe obtenu par recoupement de divers articles(survoler les dates clés en rouge avec votre souris pour découvrir des explications) :

En 1964, la compagnie américaine pétrolière Texaco arrive en Equateur et obtient une concession pour exploiter un terrain d'un million et demi d'hectares au coeur de l'Amazonie.

En 1967, Texaco découvre les premiers champs pétroliers et commence l'exploitation en perforant le premier puits de production de Lagro Agrio 1. Pour acheminer tout ce pétrole brut vers les rafineries, Texaco entreprend la construction de l'oléoduc Trans Equatorien SOTE qui relie le coeur de l'Amazonie au port d'Esmeralda sur la côte est, à plus de 500km.

En 1972, l'Equateur, alors sous un régime de dictature militaire décide de récupérer le contrôle sur l'exploitation pétrolière et crée la CEPE (Compagnie Etatique des Pétroles Equatoriens), qui en 1989 deviendra PetroEcuador. Des réformes sont faites sur les conditions d'exploitation. Notamment, l'exploitation maximale des concessions est réduite à une durée de 20 ans (contre 40 ans pour les concessions de Texaco) et les terrains concédés sont limités à 200 000 hectares.

En 1990, la compagnie quitte le pays sans assainir ses sites d'exploitation et laisse ses concessions à PetroEcuador, la compagnie nationale équatorienne.

En 1993, une plainte est déposée par les populations amazoniennes affectées par ce drame écologique devant la Cour fédérale de New York.

En 2002, la Cour d’appel de New York renvoie l’affaire devant les tribunaux équatoriens. Le procès de Chevron Texaco est un cas sans précédent : c’est la première fois qu’une transnationale pétrolière doit comparaître devant la justice d’un pays du « Tiers monde » suite à une plainte groupée déposée par des particuliers.

En 2003, une plainte est déposée à la Cour Supérieure de Nueva Loja, où le procès a été délocalisé.

En 2005, Chevron tente de multiplies les manœuvres visant à saboter l’inspection des sites écologiques contaminés.

12 juillet 2005 : Moi Enomenga, chef traditionnel des Huaorani, a convoqué 22 tribus pour entreprendre un périple de 40 kilomètres dans la jungle suivi de 12 heures d'autobus dans le but de protester contre les concessions faites par le gouvernement et l'ONHAE à la compagnie pétrolière brésilienne Petrobas.

En 2006, Le gouvernement de l’Équateur accuse Chevron Texaco de fraude dans son programme de réparation des dommages.

En 2008, Chevron Texaco demande que le procès soit délocalisé à nouveau aux Etats-Unis et en mars, un expert indépendant nommé par la justice équatorienne rend un rapport acablant contre la compagnie pétrolière.

En 2009, c'est la fin des investigations sur le terrain. La même année, la Cour Suprême des Etats-Unis refuse de délocaliser à nouveau le procès.

En 2010, la justice équatorienne s’apprête à rendre son jugement final dans le procès opposant les populations locales et ONG au géant pétrolier mais le juge en charge de l'affaire est révoqué. Chevron l'accuse d'avoir accepté des pots-de-vin. Un nouveau juge est nommé.

En 2011, le juge équatorien condamne le groupe pétrolier à verser plus de 18 milliards de dollars pour dégâts environnementaux causés par Texaco.

En 2012, Chevron est condamnée après avoir fait appel à payer 9,5 milliards de dollars pour avoir pollué la forêt amazonienne équatorienne et mis en danger la santé des habitants de la région de Sucumbos, dont 30 000 avaient porté plainte contre la firme. L'entreprise doit présenter publiquement ses excuses aux victimes, sans quoi l'amende sera doublée et portée à 18 milliards de dollars.

Articles sources:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Chevron_(entreprise)
Le Challenge : le procès du pétrole en Amazonie
SOS Yasuni