Un changement radical ?

22 mars 2015

4.1

Vers une société libertarienne ?

Philippe Van Parjis, l’un des auteurs et théoriciens les plus influents de l’allocation universelle se définit lui même comme un « libertarien de gauche ». Le Revenu de Base constitue-t-il  une mesure libertarienne ?

Qu’est-ce que l’approche libertarienne ?

Les libertariens refusent l’intervention de l’État au nom de la liberté individuelle. L’État ne peut exister que sous une forme minimale, pour garantir la sécurité et la justice. On peut distinguer les libertariens de droite qui défendent le droit de propriété, et les libertariens de gauche qui souhaitent une propriété commune des ressources. Cependant ces définitions sont sujettes elles-mêmes à controverses et une vision aussi restrictive de l’Etat n’est défendue par aucun défenseur du Revenu de Base. Par la même occasion, le Revenu de Base, si c’est une mesure libertarienne, est déjà l’objet d’un compromis car on autorise l’État à prélever via des impôts, des ressources sur la population.

Le revenu d’existence c’est essayer de faire un compromis entre une société moderne vivable tout en garantissant un maximum de libertés potentielles.

Elisabeth Tovar spécialiste des théories de la justice

Pour les libertariens il y a une croyance dans l’égale dignité de la personne et le respect des décisions que les gens vont prendre. C’est une vision subjective de la justice, la justice sociale doit s’apprécier à l’aune des idées subjectives que les individus ont.

Une certaine parenté idéologique avec certains défenseurs du revenu de base…

La croyance en la capacité des individus à faire les choix qui leur conviennent, le refus d’intervention de l’État dans la vie privée et la dénonciation d’une forme de paternalisme, ce sont des idées que l’on retrouve au cœur du Revenu de Base à travers son aspect individuel, universel et inconditionnel. On peut donc voir une parenté idéologique. Cependant ces aspects sont aussi typiques du libéralisme politique dont se revendiquent la quasi-totalité des défenseurs du Revenu de Base.

Des différences non négligeables.

Milton Friedman et quelques ultra-libéraux rares suppriment toute intervention autre de l’état, une fois le Revenu de Base ou l’impôt négatif mis en place. Tout comme certains défenseurs de gauche comme Baptiste Mylondo. La différence entre les deux courants, diamétralement opposés sur l’échiquier politique se situe au niveau du montant. De plus, la sécurité sociale ou l’éducation publique ne sont pas remis en cause par les approches d’extrême gauche.

Cependant une majorité de partisans du Revenu de Base, qu’on pourrait placer plus au centre de l’échiquier politique, y compris P.Van Parijs, théorisent un Revenu de Base qui ne se substitue pas à la plupart des services assurés par l’Etat Providence.

4.2

Vers une société sans inégalités ?

Le Revenu de Base entraînera-t-il la réduction des inégalités ? Si l’impact du revenu de base sur la pauvreté en terme absolu semble faire consensus, son impact sur la pauvreté relative dépend entièrement du montant et des modalités d’installation. D’ailleurs, la réduction des inégalités n’est pas un objectif partagé par tous les défenseurs du Revenu de Base.

Trois approches des inégalités

Les défenseurs à droite de l’échiquier politique comme Gaspard Koenig ou Milton Friedman n’ont pas pour ambition de réduire les inégalités.

D’autres restent assez flous sur une possible réduction des inégalités. P.Van Parijs ou Marc de Basquiat en entendant répartir les rentes et redistribuer certaines richesses visent à œuvrer pour la réduction des inégalités mais ne placent pas celle-ci au cœur des justifications pour la mise en place d’un Revenu de Base. L’idée est plus de garantir une égalité des chances que de garantir une égalité mathématique, c’est-à-dire des revenus quasi-identiques.

À gauche de l’échiquier politique des militants comme B.Mylondo font de la lutte pour l’égalité un objectif premier du Revenu de Base qui permettrait de rendre l’accès aux ressources plus égalitaire et de réduire l’exploitation en redonnant du pouvoir de négociation aux travailleurs.

« Une voie capitaliste vers le communisme ? »

Comment comprendre alors la formulation de Philippe Van Parjis qui fait de l’Allocation Universelle « Une voie capitaliste vers le communisme » ? Il faut distinguer le communisme théorique des œuvres de Marx du mode de fonctionnement des régimes communistes mis en place au XXème siècle. Philippe Van Parjis analyse le communisme au sens marxien de la façon suivante :  

Le communisme, entendu comme un mode d’organisation socio-économique où chacun contribuera spontanément selon ses capacités et recevra en fonction de ses besoins, indépendamment de toute contribution 

L’allocation universelle, prenant la forme d’un revenu indépendant de toute contribution, semble être un moyen pour arriver à cet idéal.

 la pleine réalisation de l’idéal, en effet, peut être décrite comme le moment où le produit national tout entier sera distribué selon les besoins, c’est-à-dire lorsque le revenu de chacun se réduira à son allocation universelle. 

Phlippe Van Parjis